Le bio boudé par le salon de l’Agriculture 2016 ?

Alors que l’agriculture biologique est un enjeu majeur et un secteur de développement prometteur, elle est paradoxalement quasi absente du Salon qui se tient Porte de Versailles du 27 février au 6 mars 2016.

Adultes et enfants se bousculent joyeusement devant le stand bio des pommes Juliet pour saisir les tranches de fruits offertes à la dégustation. « Nos pommes ont du goût, elles plaisent, elles ont du succès! », s’exclame avec fierté Annie, dont les doigts épluchent et découpent à toute vitesse des quartiers juteux. « Les parents amènent leurs enfants goûter nos pommes, ils leur disent  : « Tu peux y aller, il n’y a pas de produits chimiques ».  Ce stand  est l’un de la petite dizaine de représentants bio présents sur le Salon de l’agriculture 2016.

Comme celui de Bordeaux Château-Morlan-Tuilière, plus calme, à quelques allées de là,  qui affiche le slogan « Cœur de métier : le vin bio de qualité».  « Cela fait 46 ans que nous produisons du vin bio, du bordeaux et de l’entre deux mers. C’est un métier d’expérience et de passion, je suis né dedans ! », revendique avec fierté Florent Simonneau.  «Mais, précise-t-il, cela demande trois à cinq fois plus de travail sur le sol, donc c’est plus de main d’œuvre et plus de contraintes. » » Plus sombre, il constate,  :  » Mais c’est de plus en plus difficile. Les gens ont l’idée que le bio se vend bien. C’est vrai auprès des particuliers. Mais pour les grossistes, le bordeaux est censé être peu cher, donc, pour le bio, qui représente un surcoût, c’est compliqué.» 70% des ventes de son domaine sont destinées aux particuliers, directement sur le lieu d’exploitation, par internet ou sur les évènements. Le salon de l’agriculture représente 60 % des commandes annuelles qu’il reçoit des particuliers, un enjeu important pour le viticulteur. «Il y a encore de la pédagogie à faire autour du bio, surtout pour le vin, déplore–t-il, nous devons à chaque fois nous expliquer sur la qualité de nos produits.» D’après ses observations, trois sortes de personnes s’arrêtent sur son stand : les fidèles d’année en année, ceux auxquels l’argument « bio » parle, et ceux, curieux ou très hésitants, qui pensent qu’un vin bio ne présente pas les mêmes qualités gustatives et qu’il faut encore convaincre.

Le goût du bio

Quelques animations de dégustation de produits issus de l’agriculture biologique sont proposées sur le salon. Sur l’espace de l’Agence Bio*, le chef Jean Montagard, à ses fourneaux, prépare des meringues bio qu’il proposera demain au public. Cela fait dix ans qu’il anime cet atelier de cuisine et il s’enorgueillit que le Président Hollande soit venu le saluer samedi : « Depuis que nous sommes sur le salon, c’est le seul Président qui s’arrête chaque année sur le stand de l’Agence Bio. Les précédents ne venaient pas. » Cet ancien professeur de cuisine à Nice milite depuis de nombreuses années pour une nourriture bio et végétarienne : «Je viens démontrer que les plats bio peuvent être gouteux et variés. Il est essentiel de se tourner vers une alimentation de proximité, de terroir, de qualité et de saison. Mais c’est encore difficile pour les familles de disposer d’une structure AMAP** près de chez eux, et toutes ne proposent pas forcément des produits bio ».

Stand de l'agence Bio
Stand de l’agence Bio

Sur le stand « éco-conçu » de l’Agence, le public est sensibilisé à une alimentation de saison, à la diminution du gaspillage alimentaire et à l’environnement bio (ateliers composts, modes de jardinage naturel, projets d’agriculture urbaine). Mais à l’exception de quelques prospectus sur le comptoir, peu de communication ici sur l’emplacement des exposants bio ou sur le programme complet des animations liées à cette thématique. Les hôtesses de l’Agence disposent de l’information, qu’elles partagent volontiers sur demande, mais celle-ci n’est pas diffusée au grand public. Pour trouver les producteurs bio, disséminés parmi les autres exposants, il faut repérer le logo « AB » figurant sur leurs panneaux. « Sur ce salon, il n’y a pas d’espace dédié regroupant les producteurs du bio, admet une des représentantes de l’Agence, ils préfèrent en général bénéficier de la dynamique des stands de leur région. On y réfléchit, on a déjà voulu essayer, mais… c’est compliqué » précise-t-elle.

Moins d’1% des exposants

Le thème de l’édition 2016 du salon : «Agriculture et alimentation citoyennes» pouvait laisser espérer que le bio serait un axe important de l’évènement. Ils sont pourtant à peine une dizaine d’exposants sur les 1050 enregistrés. Pommes, vin, bœuf, parmesan, huile d’argan, lait : ce sont les rares ambassadeurs du secteur aux cotés de la collectivité des agriculteurs bio d’Ile-de-France et des AMAP « Terre de lien ». Leur taux de représentation sur le salon est bien inférieur aux 5,6% que représentent les exploitations bio par rapport à l’ensemble des exploitations françaises. Pourtant, malgré un contexte de crise agricole nationale profonde, l’agriculture biologique est dans une dynamique positive. D’après les chiffres publiés par l’Agence Bio  le 25 février 2016, les surfaces cultivées en agriculture biologique ont augmenté de 17% de 2014 à 2015, avec 220 000 hectares en conversion. Le bio aurait donc pu apporter une note positive  dans l’ambiance tendue et morose de cette édition.

Mais, sauf à vouloir encourager les quelques producteurs qui y ont fait le déplacement, ceux qui iront cette année au Salon de l’Agriculture pour le bio, comme Nicole, seront déçus. « Je pensais rencontrer davantage d’exposants et remplir mon panier. C’est important pour notre santé et pour l’environnement quand même ! C’est dommage que le bio ne soit pas davantage mis en avant.  » regrette-elle.

* groupement d’intérêt public, plateforme nationale d’information et d’actions pour le développement de l’agriculture biologique, créée en 2001 / ** Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne


Focus : Vin Bio, s’y retrouver

Depuis 2012, une réglementation européenne définit les caractéristiques du vin bio, tant en ce qui concerne la culture du raisin, qui doit correspondre à une agriculture biologique, que le procédé de vinification.

Elle permet d’attribuer le label européen, représenté par une feuille sur fond vert. Il ne faut utiliser ni engrais chimique, ni désherbant ni produit phytopharmaceutique de synthèse. La règlementation limite les sulfites ainsi que les différents intrants* autorisés, précisément listés. Elle proscrit également certains procédés de vinification, comme, par exemple, l’usage de l’acide ascorbique (utilisé pour éviter l’oxydation du vin) ou la désulfuration.

Toutefois, contrairement à ce que l’on pourrait croire,  les quantités de souffre dans les vins bio peuvent n’être que de 25% inférieures à celles contenues dans les vins courants.

labels bio français et européens
labels bio français et européens

En France, le label « AB » ne porte que sur le mode de culture  : il certifie uniquement que les raisins utilisés sont bien issus de l’agriculture biologique. De son coté, le logo « FNIVAB » certifie  que le processus de vinification est conforme aux critères bio. Il existe plusieurs autres certifications, chacune ayant développé sa propre charte, comme le label Biodyvin ou  la certification «Demeter en biodynamie », qui exige par exemple que les raisins soient récoltés à la main et  les quantités d’intrants autorisés et de sulfites soient réduites.

De par les procédés de vinification utilisés, les vins bio peuvent parfois être un peu plus acides que les vins traditionnels mais leur qualité gustative est régulièrement récompensée par divers prix d’œnologie.

La France fait partie des trois premiers pays producteurs mondiaux de vin biologique et la filière viticole est l’une des plus dynamiques de l’agriculture bio française. En 2011, les surfaces bio et en conversion représentaient 7,4% du vignoble national et étaient en forte augmentation. (source Agence Bio)

*produits rajoutés lors de la vinification

Je suis une journaliste rédactrice en recherche active de piges et d'emploi. Ce blog vous propose d'accéder à une sélection de travaux (articles et vidéos) réalisés pendant mon stage de fin de MBA et tout au long de mon année de MBA Journalisme et Médias Digitaux, option audiovisuel, à l'EFJ Levallois. N'hésitez pas à me contacter.