Interview d’Edwy Plenel – 12/03/2016

« A l’heure du numérique, l’investigation doit devenir le cœur de notre métier »

12/03/2016

Le « Logan Symposium » sur la défense de la liberté et de la démocratie, organisé par le Center for Investigative Journalism (CIJ), s’est tenu à Berlin les 11 et 12 mars 2016. Invité de la conférence sur les nouvelles plateformes d’investigation, Edwy Plenel, co-fondateur du site Mediapart, a répondu à nos questions.

Q : « Le journalisme, c’est imprimer ce que personne ne veut voir imprimé, tout le reste est relations publiques.»  Cette citation, mise en avant à plusieurs reprises pendant le colloque, a également conclu votre intervention. En quoi est-elle plus que jamais d’actualité ?

Edwy Plenel : « Comme le dit la citation, une information, c’est effectivement ce que les pouvoirs ne veulent pas qu’on publie, tout le reste n’est que relations publiques ou communication. A l’heure du numérique et de la révolution digitale, toutes sortes d’informations sont gratuites, publiques et connues de tout le monde. Ce qui n’était qu’un secteur particulier du journalisme, trouver des informations inédites, secrètes, révéler, aller chercher ce qu’on cache, doit devenir aujourd’hui le cœur du métier. C’est la seule façon de créer de la valeur pour notre travail, pour notre profession, dans la mesure où le public, si on lui répète ce qu’il sait déjà, n’a aucune raison de s’intéresser à ce que nous faisons. Je pense donc que la culture de l’investigation doit désormais imprégner l’ensemble des domaines, l’ensemble des secteurs du journalisme. »

Q : Plusieurs journalistes d’investigation de différents pays ont témoigné de la difficulté d’exercer leur métier et des pressions qu’ils subissent. Les journalistes de Médiapart subissent-ils également des pressions ?

Edwy Plenel : « À Mediapart nous nous sommes donnés les moyens de ne pas subir de pressions. Nous sommes dans un cadre de journal totalement indépendant, personne ne peut s’infiltrer, faire de chantage ou appeler le directeur pour faire pression. En revanche, nous subissons des attaques par le biais de procédures judiciaires, extrêmement nombreuses, qui essaient de nous fragiliser, et parfois par le biais de campagnes de discrédit. Certains essaient également de deviner nos sources. La question n’est finalement pas tant de protéger le journaliste que de protéger ses sources. Nos journalistes font ce qu’ils doivent faire. La meilleure façon de s’équiper sur la sécurité, c’est de ne pas laisser de traces, ce qui veut dire faire confiance au numérique, pour transmettre des informations par exemple, mais s’en méfier pour prendre des rendez-vous, noter des secrets ou tenir un agenda. Il faut dissimuler nos traces pour pouvoir protéger ceux qui nous informent. »

Q : Mediapart vient de publier ses comptes, ce qui est rare dans la presse française. En quoi est-ce indispensable pour le journalisme de demain?

Edwy Plenel : « Nous sommes un journal au service du droit de savoir. Un journal doit enquêter sur des sujets d’intérêt public, donc sur l’’utilisation de l’argent public, sur la transparence et le pouvoir des entreprises. Et un journal, même numérique, même indépendant, a du pouvoir aussi, donc il est normal qu’il soit lui-même totalement transparent. Qui le dirige ? Qui sont ses actionnaires ? Combien les journalistes sont-ils payés ? Combien d’argent le journal gagne-t-il ? À quoi servent ses profits s’il en fait ? Tout cela, on doit le rendre public. Chez nous la règle, c’est qu’on ne peut pas réclamer du secret pour notre journal alors que nous réclamons de la transparence. »

 

Je suis une journaliste rédactrice en recherche active de piges et d'emploi. Ce blog vous propose d'accéder à une sélection de travaux (articles et vidéos) réalisés pendant mon stage de fin de MBA et tout au long de mon année de MBA Journalisme et Médias Digitaux, option audiovisuel, à l'EFJ Levallois. N'hésitez pas à me contacter.