Archives de catégorie : Jeux vidéo

Grasse à une attaque, le jeu vidéo a bon dos

L’attaque de Grasse, et surtout les premiers portraits du tueur esquissés par les médias, remettent une nouvelle fois le jeu vidéo en cause.

« Visiblement fan de jeux vidéo… », « … De jeux vidéo de massacre… »

Les médias (ici le Figaro et Le Parisien) s’en donnent une nouvelle fois à cœur joie. Le jeu vidéo, fantasme absolu de ses détracteurs, est une nouvelle fois pointé du doigt après une attaque à main armée, survenue dans un lycée de Grasse. La piste de l’islamisme radical ayant été écartée dès le début de l’enquête, il fallait donc trouver un nouveau coupable à cette folie meurtrière. Et donc, une nouvelle fois, on se tourne vers le domaine vidéo-ludique. Certes, Kylian, l’apprenti-tueur, avait emprunté son image de profil à un jeu violent, Hatred, qui met les joueurs dans la peau d’un sociopathe aux penchants meurtriers, mais… Est-ce pour autant une raison suffisante pour prendre une bonne dose d’Amalgam 3000 et généraliser ainsi en parlant des jeux vidéo ?

Un coupable, à tout prix

De nos jours, dès qu’une fusillade éclate en France, on va avoir droit à un schéma semblable à celui-ci :

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La principale critique des jeux vidéo est qu’ils ont tendance à faire perdre le contact avec la réalité aux joueurs. Souvenez-vous, déjà en 2014, Laure Manaudou et Nagui, sur France Inter, s’étaient attaqué à ce loisir, la nageuse olympique déclarant même :

« J’ai toujours été contre les jeux vidéo, j’en ai jamais eu quand j’étais petite et pour moi de s’abrutir devant un ordinateur alors qu’il y a autre chose à côté et qu’il y a des gens à qui parler, pour moi c’est nul.

Mon petit frère joue beaucoup à FIFA et quand je vais chez lui, bah je suis assise sur le canapé et puis j’attends parce qu’il est comme ça en train de jouer. »

Bien entendu, la communauté des gamers avait réagi, allant jusqu’à rappeler que Nagui avait fait une publicité pour la Nintendo 3DS, une console de jeux portable. Ici, c’était une petite polémique, qui n’avait rien à voir avec les deux exemples suivant, qui eurent lieu après les attentats du 13 novembre 2015. L’idée présentée dans le prochain paragraphe n’était pas de dénoncer le manque de contact avec la réalité engendré par le jeu vidéo (quoique), mais d’une certaine banalisation de la violence.

Le 22 novembre, une tribune de Nadia Khouri-Dagher fait sursauter la Toile, car cette dernière désignait explicitement les jeux vidéo, les bon gros blockbusters cinématographiques, les séries télévisées mais aussi les romans policiers (supposés avoir été inventés par les Etats-Unis… Agatha Christie, quelle cachottière tu es !) comme étant les principaux responsables de la perdition de notre belle jeunesse. Mais, il faut bien l’avouer, tribune ou non, elle donnait surtout l’impression d’avoir été écrite après avoir fumé une bonne grosse cigarette de chanvre.
Quelques jours plus tard, Nicolas Sarkozy réagit, au micro d’Europe 1, au « Noël désarmé » (initiative visant à retirer les répliques d’armes de la vente des magasins de jouets, à l’approche des fêtes), en déclarant :

« Ecoutez, si on s’attaque à l’armement du Père Noël, on pourrait peut-être regarder de plus près ces jeux vidéo d’une violence inouïe qui sont dans tous les cadeaux qui sont donnés. Je pense qu’il y a des priorités. Pour moi la priorité, c’est pas le désarmement du Père Noël. »

Mais une nouvelle fois, on parle, on lance de grandes phrases, et on élude le problème : « Où se situe la responsabilité » ?

Reporter la responsabilité

Le jeu vidéo est-il réellement le seul responsable ? Oui et non. Le système de classification PEGI, qui défini à partir de quel âge tel contenu de loisir (films, vidéos, jeux vidéo, etc…) est adapté, est un système aujourd’hui désuet. Pratiquement tous les joueurs de Call of Duty (PEGI 18) ont déjà entendu la voix fluette du gamin n’ayant pas encore mué les insulter et leur expliquer comment ils ont eu des relations sexuelles relativement consenties avec leur génitrices la veille.

Mais de l’autre, on a une responsabilité humaine, qui est bien trop souvent écartée, minimisée. De nos jours, bien des parents laissent tomber l’éducation de leurs enfants, faute de temps, ou de moyens, et considèrent que la télévision, les professeurs des écoles et les jeux vidéo rempliront le rôle qui est normalement dévolu aux aînés de la famille.
Certes, dans sa « tribune », Nadia Khouri-Dagher lance un appel pratiquement déchirant concernant cet abandon pratiquement volontaire :

« Maintenant imaginez des jeunes issus de l’immigration, avec une offre de loisirs limitée pour des raisons économiques et culturelles, ne partant peut-être jamais en vacances, et passant leurs journées entières rivés à des écrans, mitraillette (fictive ?) à la main, en train de commettre des massacres… »

Mais elle semble oublier qu’elle-même a lâchement laissé tomber son chérubin, puisqu’elle découvre, plus de 15 ans après les achats, que ce dernier jouait à Metal Gear Solid 2 : Sons of Liberty (horreur, un jeu dans lequel on doit justement essayer de tuer le moins d’ennemis pour avoir un bon score) durant son adolescence, ainsi qu’à Killzone, GTA Vice City, God of War, Mortal Kombat ou bien Resident Evil. Toutefois… Au vu de sa position sociale (puisqu’elle se vante de travailler à la Bibliothèque Sainte-Geneviève, en face de la Sorbonne), elle fait partie d’une catégorie éduquée, qui a accès à un certain niveau d’aisance, que ce soit culturelle et économique.

Certes, son fils ne se balade pas en plein Paris, AK-47 en main, pour autant, il me semble être assez bon juge en la matière pour supposer que lui-même a passé quelques journées de vacances manette en main, devant l’écran de télévision.

En réalité, Nadia Khouri-Dagher, Nicolas Sarkozy et autres compères vitupérant à qui mieux mieux contre les loisirs vidéo-ludiques, ne font que détourner l’attention du principal fait : ils ne veulent pas s’avouer à eux-mêmes qu’ils sont responsables en partie de cette situation.

De nos jours, le jeu vidéo sera systématiquement pointé du doigt, comme le furent en leurs temps les jeux de rôles ou le rock, en tant que « symbole de la déviance de la jeunesse ».

Il est en effet aujourd’hui plus simple d’appuyer sur un bouton de la télécommande pour permettre à ses enfants de regarder les dessins animés du soir, ou bien de leur acheter des jeux vidéo que de s’asseoir avec eux, lire en leur compagnie, leur conter des histoires, etc… Et oui, ces activités-là demandent de consacrer un temps précieux qu’ils n’ont pas nécessairement, puisqu’ils sont des adultes débordés par leurs vies d’adultes mûrs et responsables. Mieux vaut donc laisser autrui s’en charger.

Et s’il y a une perte de réalité de la part des enfants… Leurs parents, qui les auront placé dans cette situation, ne peuvent que se blâmer eux-mêmes. En effet, ils n’auront pas pris le temps d’inculquer à leurs chers têtes blondes les clés nécessaires à la différenciation de la réalité et du virtuel.

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En réalité, Néo est un geek qui pense être dans un jeu vidéo avec tous les cheat-codes en sa possession.

En fin de compte, la responsabilité ne vient pas tant des jeux vidéo, qui sont surtout présents pour servir de catharsis, de défouloir, que des parents qui, par manque de temps ou par pur désintérêt, laissent les mains libres à leurs enfants, sans réellement exercer un quelconque contrôle sur ce qu’ils font. Quoique dire cela revient à considérer que tous les jeux vidéo sont nécessairement violents, ce qui n’est pas toujours le cas : Animal Crossing, Les Sims, Zoo Tycoon, ABZÛ et l’on en passe, sont des exemples de jeu où la violence n’a pas sa place.

En fin de compte, cela soulève même une autre question : le fait que les parents laissent leurs enfants devant la télévision car ils n’ont pas le temps/ne veulent pas prendre le temps de s’en occuper, et tandis que l’école devient l’un des premiers lieux où l’on s’oppose nettement et clairement à eux, bien avant le cercle familial… N’est-ce pas au final un manque d’éducation ?
Il est assez aisé de faire la part entre le réel et le virtuel, même en étant un aficionado des jeux vidéo, à partir du moment où, dans notre éducation, on nous a apprit à faire la part des choses.

Sur ce, je vous laisse à cette méditation, quant à moi, je vais me planter 5 heures durant devant un miroir et parler, parler, parler, jusqu’à ce qu’une petite jauge bleue située au-dessus de ma tête se remplisse complètement. Ensuite, après avoir ainsi maîtrisé mon Thu’um, je vais aller sauver Guerre de la damnation éternelle en l’empêchant de mettre la main sur Deuillegivre, le tout pendant que Sam & Max me pilonneront au phosphore blanc.

Antoine Barré

Berserk and the Band of the Hawk : un jeu pour les fans

La société Koei est connue pour la série de jeux vidéo Dynasty Warriors, et pour ses nombreuses déclinaisons d’animes et de mangas sur le même principe. Après la désastreuse adaptation de Berserk en anime, sortie durant l’été 2016, on pouvait avoir quelques appréhensions vis-à-vis de la déclinaison du manga en jeu vidéo. Mes impressions…

[Attention, cet article contient des spoilers concernant la chronologie de Berserk]

Berserk and the Band of the Hawk est la troisième adaptation vidéoludique du célèbre manga de Kentaro Miura. Le premier, Sword of the Berserk: Guts’ Rage est sorti en 1999 sur Dreamcast, tandis que le second, Berserk: Millennium Falcon Hen Seima Senki no Shō, est sorti sur Playstation 2 en 2004. A noter que ces deux jeux n’ont été commercialisés qu’au Japon.

Berserk ? Qu’est-ce ?

Berserk est un manga de type dark fantasy, créé par Kentaro Miura et publié pour la première fois en 1989 dans le magazine Young Animals. On compte actuellement 38 volumes (juin 2016), et l’histoire est divisée en deux parties : Golden Age et The Black Swordman. Il y eut un premier anime en 1997, d’une durée de 25 épisodes, et dont la chronologie s’étend du premier volume jusqu’à l’Eclipse. Entre 2012 et 2013, trois OAV sortirent, couvrant uniquement la partie Golden Age. Enfin, durant l’été 2016, un nouvel anime fut diffusé, mais essuya quelques critiques, notamment vis-à-vis de son style graphique et de sa bande sonore.

Berserk est connu pour sa foison de détail, ainsi que pour son ambiance sombre, aux passages particulièrement gores, voire dérangeant et malsain. Viols, massacres, meurtres, scènes de tortures et actes de violences gratuites sont même monnaie courante, à vrai dire.

Tout au long de l’histoire, on suit les aventures d’une armée de mercenaires, la Bande du Faucon, et plus particulièrement celle de Guts, un combattant violent ne craignant rien, ne reculant devant aucun défi. A ses côtés, on peut compter notamment Casca, capitaine mais aussi seule présence féminine dans cette bande de spadassins. Femme forte, elle sait maîtriser ses troupes, qui lui vouent un grand respect. Enfin vient Griffith, le capitaine de la Bande du Faucon, bretteur charismatique à la chance insolente et à l’ambition dévorante.

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Casca, Guts et Griffith

La troupe armée passe du statut, peu glorieux, de mercenaires, à celui de troupes royales, en première ligne lors des batailles. Elle se distinguera à de nombreuses reprises, jusqu’au départ de Guts. Ce fut le début de la chute de la Bande du Faucon : Griffith, désemparé, force la princesse Charlotte, héritière du trône, et se fait torturer et jeter en prison pour cet acte. Casca demande l’aide de Guts pour faire évader leur capitaine.

Poursuivis par des assassins et des mercenaires envoyés par le roi, ils combattent inlassablement jusqu’à ce que Griffith, brisé dans sa chair et son esprit par sa captivité, décide de sacrifier la Bande du Faucon, ascendant ainsi son être jusqu’à devenir Femto, le Dieu de l’Envie, héraut des God Hands sur Terre. La scène de l’Eclipse est l’une des plus connues de la chronologie de Berserk, et à ce sacrifice, seuls survivent Guts, maintenant amputé du bras gauche et borgne, ainsi que Casca, qui a malheureusement perdu la raison et est devenue une femme-enfant suite à cet évènement traumatisant et son viol par Femto.

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L’Eclipse de Berserk

La « seconde partie » de Berserk se concentre sur les efforts de Guts pour venger ses compagnons d’armes sacrifiés par son ancien ami, et chercher un remède à la folie de Casca.

A partir de ce scénario, pouvait-on aisément faire une adaptation vidéoludique ? Oui, bien entendu.

Koei et le beat them all

Une des principales franchises de Koei est Dynasty Warriors, une série de beat them all centré autour de l’Histoire des Trois Royaumes, un roman historique chinois, et les batailles représentées dans le jeu reprennent les batailles historiques de l’époque des Trois Royaumes (220-280 ap. J.C.). On dirige un personnage à la troisième personne, et on le fait progresser sur le champ de bataille à travers des hordes d’ennemis. On compte actuellement près de 27 opus pour la licence principale, ainsi que 21 jeux dérivés, dont Hyrule Warriors (2014) et la saga One Piece Pirate Warriors, ainsi que quelques adaptations de batailles historiques, telles que la Guerre de Troie (Warriors: Legend of Troy) ou la Guerre de Cent Ans (Bladestorm: La guerre de Cent ans).

Autant dire qu’avec ce passif, la Koei a largement fait ses preuves dans le monde du beat them all, au point que l’on a tendance à généraliser les différentes créations de Koei et de ses filiales autour de ce principe sous le nom de Musou (Sans Égal).

Quels que soient les opus, ils tournent généralement autour des mêmes mécanismes de jeu : un personnage contrôlé par le joueur, capable d’enchaîner plusieurs combos, en alternant les frappes « fortes » et les frappes « légères », avance à travers les bataillons ennemis et capture les forts et les camps adverses, avant d’affronter un ennemi plus puissant que les autres, faisant figure de boss.

Quid de l’adaptation ?

L’adaptation est bonne, voire très bonne. Les graphismes sont beaux et respectent l’univers original du manga. L’hémoglobine, bien entendu, est fort présente, au point d’envahir pratiquement littéralement l’écran. Chacun des personnages a son propre style de combat, et il est donc nécessaire de s’adapter à chacun de ces arts martiaux différents pour affronter l’ennemi.

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Bazuso face à Guts

Il y a en tout trois modes de jeu différents : le mode Histoire, le mode Libre, qui permet de refaire le mode histoire avec des personnages différents et enfin le mode Abysses Sans Fin. Ce dernier est un mode de jeu hardcore s’étalant sur près de 100 niveaux (on débloque les niveaux au fur et à mesure de notre avancée dans le mode Histoire) dans lequel on contrôle un personnage (n’importe lequel) à travers des hordes d’ennemis, agrémenté de quelques boss. Par ailleurs, le terme de « mode hardcore » est légitime : on doit progresser à travers les niveaux sans autres objets de soin que ceux que l’on possède de base… Quand on pense à en prendre. Tout les 5 niveaux, on atteint un « campement », dans lequel on choisit un « Désir », permettant de continuer à progresser à travers les niveaux. Toutefois, si l’on quitte le mode, tout est réinitialisé.

Quant à la musique, cette dernière est bonne, voire totalement en accord avec l’univers. Ce qui est agréable à l’oreille, quand on se rappelle que plusieurs autres adaptations, comme les One Piece ou Hyrule Warriors, ont des pistes sonores souvent remixées avec des éléments de rock ou d’électro. Certes, cela peut être considéré comme une bonne évolution, d’autant que certains thèmes musicaux sont en accord vis-à-vis de l’action en cours. Toutefois, nous parlons ici de Berserk. L’anime de 1997 possédait certes une bande sonore au style techno-punk (Susumu Hirasawa, le compositeur, étant le créateur de ce genre musical), mais cela collait à l’action et à l’atmosphère, à l’instant présent.

De plus, la bande sonore des OAV a apporté une dimension plus orchestrale à l’univers, mêlant le mélancolique et le tragique à l’épique.

Les pistes sonores de Berserk and the Band of the Hawk sont assez proches de celles des OAV, ne gâchant en rien le rythme du jeu, bien au contraire. L’ambiance peut même finir par être oppressante, notamment quand on est dans le mode Abysse Sans Fin.

Enfin, dernier point à faire remarquer : une partie des cinématiques provient de la trilogie d’animation Golden Age, qui est en soi un régal en matière d’animations (en grande partie provenant d’images de synthèses obtenues par des captures de mouvements).

L’avis du Tatu

J’aime beaucoup le jeu. L’anime de 2016 m’avait beaucoup déçu, en partie à cause de son style graphique, et en particulier à cause de la musique. J’irais même jusqu’à dire que certaines musiques, déjà présentes dans les OAVs, furent littéralement désacralisées par leur remixage avec du metal (je pense notamment à Blood & Guts). J’avoue ne guère avoir suivi le développement du jeu, mais le peu d’images qui avaient fuité/été dévoilées étaient toutefois fort alléchantes. C’est durant le mois de janvier 2017 qu’il m’a finalement séduit, tandis que je regardais une vidéo présentant les différents personnages qui seraient intégrés au jeu, et donc seraient potentiellement jouables.

Pour diverses raisons, l’affichage n’est pas optimal sur mon ordinateur, mais je salue le travail de qualité effectué par les graphistes : le sang est littéralement omniprésent durant les combats et nos personnages donnent rapidement l’impression de sortir de l’abattoir. Les contrôles et le système de leveling sont agréable et aisés à prendre en main, les paysages sont biens rendus et l’on est rapidement plongés dans l’ambiance du jeu.

L’univers du manga est bien rendu et l’on sent la volonté des développeurs de faire un jeu pour les fans inconditionnels du manga, plutôt que de faire un simple jeu pour le pognon. Et… Comment dire ? Cela fait plaisir. Le travail des doubleurs n’est pas en reste et renforce l’impression de participer à l’aventure, plutôt que de jouer à une adaptation vidéoludique.

Je lui met la note de 18/20, pour mon petit cœur de fan battant fort dans sa poitrine. Et la horde d’ennemis charcutés que j’ai laissé derrière moi, baignant dans des litres d’hémoglobines.

Il est pour vous si :
– Vous avez dévoré Berserk et Goblin Slayer
– Vous aimez la licence Dynasty Warriors
– Vous souhaitez traverser le Midland en agitant la Dragonslayer et en massacrant des Apôtres

Il n’est pas pour vous si :
– Selon vous, « Griffith did nothing wrong »
– Vous avez enlevé le sang et les jurons sur Brütal Legend
– Pour vous, « l’Épéiste Noir » est le surnom de Kirito

Berserk and the Band of the Hawk, 59,99€ sur Steam

Antoine Barré

Grim Dawn : une nouvelle ère ?

Le hack’n slash est un genre vidéoludique souvent oublié, malgré ses très nombreuses accointances avec les Role-Playing Game, et est souvent considéré comme un sous-genre des ARPG (Action Role-Playing Game, comme Dark Souls, ou The Witcher). Grim Dawn, l’un des dernier titre de type hack’n slash à être sorti peut-il donner un coup de souffle à son genre ?

Qu’est-ce que le hack’n slash ?

C’est tout bonnement un type de jeu mettant l’action, et surtout les combats en temps réel au cœur du gameplay, tout en y ajoutant des éléments de jeu de rôle, tel que l’exploration de donjons, dont certains sont générés de façon procédurale. Pour décrire de façon brute ce qu’est le principe de base du hack’n slash, c’est le « porte-monstre-trésor » des jeux de rôles.

Parmi les jeux des plus connus issus de ce genre, on compte les Baldur’s Gate, Hellgate London, mais surtout la trilogie des Diablo, raison pour laquelle on définit souvent le hack’n slash sous le pseudo de « Diablo-like« .

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Le célèbre logo de Diablo

Avant tout, sachez que les expériences de l’auteur de cet article en matière de hack’n slash sont Diablo et Silverfall et que ces jeux lui serviront d’échelle de comparaison avec Grim Dawn.

Autour du jeu

Si Crate Entertainment annonça le début du développement du jeu le 21 janvier 2010, il avait d’ors et déjà annoncé l’acquisition du moteur du jeu Titan Quest (un autre hack’n slash) auprès d’Iron Lore Entertainment fin juillet 2009.
L’un des nombreux points à souligner autour de Grim Dawn est qu’il passa par la case « crowdfunding », via Kickstarter (après avoir reçu d’ors et déjà de nombreux dons de la part de fans), à partir du 17 avril 2012, atteignant au final la somme de 537 515 dollars, soit près du double de la somme espérée au départ.

Une version alpha fut publiée via le Early Access de Steam le 16 mai 2013 et fut régulièrement mis à jour. En juillet 2015, la version fut devenue stable et mature et le jeu connut sa sortie définitive sur Steam le 26 février 2016. Le jeu est actuellement sous sa version 1.0.0.6 (MàJ du 5 octobre 2016). Le jeu est officiellement en anglais, mais l’on a accès à une traduction des textes en français, la communauté française étant l’une des plus à jours et parviennent à avoir une traduction complétée à 100% au fur et à mesure des mises à jour.

Le jeu se situe dans le monde fictif de Cairn, à une époque mélangeant le style victorien et le steampunk, plongeant le joueur dans des paysages somme toutes variés, mais cohérents dans leur ensemble.

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Carte de Grim Dawn

On traverse ainsi des champs, des landes désertiques, des villages en ruines et de sombres cavernes, tout en fauchant (littéralement) les hordes de monstres qui nous font obstacle, tout en découvrant petit à petit les tenants et les aboutissants de Grim Dawn.

Grimdark & Grim Dawn

Le grimdark est une façon de décrire une fiction (généralement de la fantasy) avec un ton sombre, amoral voire dystopique. L’appellation vient du jeu de plateau stratégique Warhammer 40K, et sa présentation :

« In the grim darkness of the far future, there is only war. »

Ce qui, dans sa version française, donne :

« Dans les sinistres ténèbres d’un lointain futur, il ne règne que la guerre. »

Et il faut l’admettre, la narration de Grim Dawn entre parfaitement dans la catégorie Grimdark. La race humaine est littéralement au bord de l’extinction, tandis qu’Ethérés et Chtoniens se font une guerre sans merci afin de s’approprier la suprématie sur les Humains, cherchant à les posséder ou à les transformer en ressources. L’avatar du joueur dans le monde Cairn est ainsi plongé dans une lutte pour la survie, sans merci aucune, tandis qu’il aide ses semblables à retrouver leurs marques et à reprendre leurs terres.

Diablo-like ou non ?

Une très bonne question, puisque de nombreux joueurs décrivent (assez simplement) le jeu comme étant « un Diablo avec des flingues« . Tout comme Diablo possède Tristram, le « hub » de Grim Dawn est le Passage du Diable, où l’on a l’opportunité d’envoyer des PNJ rencontrés au cours de l’aventure, certains pouvant être utile en proposant leurs services de marchands ou de forgerons.

On trace son chemin à travers des hordes ennemies, tout en gérant sa barre de point de vie et celle d’énergie (mana), on entre dans des donjons, ou de petites cavernes afin de battre un boss, tout en affrontant de temps à autre des monstres « élites », possédant un petit signe au-dessus d’eux, parfois même un nom afin de les distinguer des autres monstres dans la mêlée.

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Mais en fin de compte, la comparaison s’arrête là. Certes, l’histoire est découpée en Actes et en Chapitres, mais l’on n’a pas de cinématique nous permettant de les distinguer réellement, et c’est au joueur de parvenir à faire la distinction.

Pour partir sur un autre jeu, Grim Dawn possède quelques similitudes avec Silverfall, comme une conception proche de l’open-world, permettant de pratiquer le back-tracking au fur et à mesure de l’aventure, afin de revenir au hub ou pour farmer les composants nécessaires à la création ou l’amélioration de l’équipement de notre avatar.

De plus, on a accès à un système de factions, offrant un accès privilégié à des objets spéciaux chez certains marchands des factions alliées, au prix du mépris ou de la haine des factions adverses, ce qui rejoint en cela le système de Silverfall, où nos actions nous offraient un choix entre la Nature et la Technologie, et l’accès à des équipements particuliers en fonction de nos choix.

Mais continuer à comparer ainsi, ce serait supposer que Grim Dawn n’est qu’un rip-off des hack’n slash d’ors et déjà existants, alors qu’il s’agit d’un jeu puisant ses inspirations de bien des façons.

En effet, Grim Dawn propose, en plus de son univers mélangeant le steampunk et l’époque victorienne, des éléments ayant leurs places dans des écrits lovecraftiens. Entre les sombres desseins des factions antagonistes (Ethérés et Chtoniens) concernant la race humaine, et les expérimentations visant à son contrôle, aidé par des cristaux, on retrouve un univers somme toute assez proche des péripéties rencontrées dans les parties de L’Appel de Cthulhu. Mais avec l’assurance de s’en sortir vivant un peu plus souvent…

Comme si cela ne suffisait pas, et pour reprendre les propos déjà évoqués dans l’article concernant les open-worlds,  l’histoire de l’univers est extrêmement riche, et on la découvre au travers des dialogues avec les PNJs, ou en lisant les diverses notes éparpillées dans le monde et notamment via les pages du Journal de l’Inquisiteur Creed, un homme qui se trouve au cœur de bien des événements dans le jeu, et qui semble précéder les pas du joueur de quelques semaines seulement, au vu des péripéties qu’il relate.

Une nouvelle ère pour le hack’n slash ?

Une question que l’on peut légitimement se poser. Ne serait-ce que sur Wikipédia (entendez par-là « la source d’info n°1 de tout collégien/lycéen/étudiant qui se respecte« ), le hack’n slash ne comporte « qu’une » vingtaine de jeux, et sur ces derniers, ceux dont on se souvient (relativement bien) sont Baldur’s Gate : Dark Alliance (et sa suite), Dungeon Siege, Sacred et la série Diablo. Parmi ces jeux-là, seule la franchise Diablo se démarque réellement, et ce en grande partie grâce à Activision Blizzard, qui possède entre autre Blizzard Entertainment.

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En face, Crate Entertainment, qui fut fondé par des anciens membres du studio Iron Lore Entertainment quand ce dernier fut fermé pour ne pas avoir pu réunir assez de fond pour son prochain projet, n’a sorti que Grimdawn, après un développement qui prit près de 6 ans (à compter du moment où le jeu fut officiellement annoncé, soit le 21 janvier 2010). Très concrètement, ne serait-ce qu’en terme de poids véritable au sein de l’industrie vidéoludique, Crate Entertainment est écrasé par Blizzard, mais ce n’est pas là le propos de cette section.

L’intérêt est de savoir si la sortie de Grim Dawn permettrait de donner un nouveau souffle au genre du hack’n slash, assez souvent catégorisé comme une autre appellation du beat them all. Très concrètement, on peut l’espérer. Il s’agit d’un genre qui persiste depuis la sortie de Dragon Slayer, un des précurseurs, en 1984. De nos jours le genre, avec ses codes bien ancrés tel que la vue isométrique et les hordes de monstres sans fin, semble s’essouffler, malgré le succès de Diablo III. En face du hack’n slash classique, on oppose assez aisément les RPG à succès tels que Fallout, les Darksiders et l’on en passe, qui proposent bien plus souvent une vue et des contrôles plus immersifs que le hack’n slash moyen, qui recoure généralement à une vue isométrique et un système de point’n click.

Malgré cela, la sortie de Grim Dawn confirme qu’il s’agit d’un genre qui continue d’exister, tout en proposant des univers variés aux joueurs. Mais la question se pose : va-t-on avoir un regain d’intérêt pour le hack’n slash uniquement quand Blizzard (ou un studio de même importance) sort un jeu classé dans ce genre ?

C’est à craindre, à moins qu’il ne vienne à l’esprit des développeurs provenant de studios « mieux côtés » de faire une tentative en ce sens, tout en cherchant à proposer des innovations permettant d’améliorer l’expérience des joueurs.

L’avis du Tatu

Un assez bon jeu. Certes, je préfère largement Silverfall (ce qui a dû se sentir plus haut dans le texte), mais Grim Dawn a quelques qualités fort appréciables : le système de crafting est assez facile à prendre en main, même si le farming, au départ assez lent, rend la démarche fastidieuse.

Toutefois, l’univers est assez bien rendu, on a de nombreuses possibilités d’évolutions, notamment en ayant accès à une seconde classe une fois le niveau 10 atteint. A raison d’actuellement 6 classes de disponibles, on a accès à une trentaine de combinaisons possibles, que l’on peut ajuster à sa guise durant notre partie.

L’histoire en elle-même est intéressante, même s’il est nécessaire de creuser un peu par soi-même pour découvrir la vérité derrière « l’Aube Sinistre ». Les décors sont beaux, pour peu que l’on prenne le temps de les regarder, et l’on sent, de la part des développeurs, une volonté de créer un environnement cohérent, mais qui parvient tout de même à surprendre le joueur.

Apparemment, il est possible d’y jouer à plusieurs, à l’instar de Diablo, mais je n’ai pas encore eu l’occasion de tester la fonctionnalité en question.

Ma note : 17/20.

Il est pour vous si :
– Vous avez toujours rêvé de pouvoir manier des revolvers et des arquebuses dans Diablo
– Votre cosplay favori vient de l’Ordo Hereticus de Warhammer 40 000
– Vous aimez voir des références lovecraftiennes de temps à autre

Il n’est pas pour vous si :
– Vous préférez dérouiller Diablo avec une hache

Grim Dawn, 24,99€ sur Steam

Antoine Barré

Spec Ops : The Line, une claque vidéoludique

Après avoir parlé de ABZÛ, je vais me pencher sur un autre jeu, fort différent et sorti il y a quelques années, en proposant des thématiques peu explorées dans les jeux vidéo. Voici la critique de Spec Ops The Line.

Autour du jeu

Spec Ops : The Line est le dernier jeu en date de la série des Spec Ops, qui débute en 1998 avec Spec Ops : Rangers Lead the Way, et sorti sur PC. Il y a à ce jour 10 jeux de sortis sur cette série, un onzième, Airborne Division, était supposé sortir sur la PS2 en étant édité par Rockstar Vancouver, mais fut annulé.
Celui dont on va parler ici, Spec Ops : The Line, a été développé par Yager Development et Darkside Game Studio, avant d’être publié par 2K Games sur Linux, Windows, PS3, Xbox 360 et OS X en 2012.

Il est fortement inspiré d’un livre de John Conrad, « Au Cœur des Ténèbres », qui conte, entre autre, l’obsession d’un homme, Marlow, pour un trafiquant d’ivoire, Kurtz. A noter que le nom de l’auteur fut transformé en John Konrad et donné à « l’antagoniste » de l’histoire.

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Techniquement parlant, le jeu fut un échec commercial, se plaçant en 3ème position des ventes, avec Max Payne 3, derrière LA Noire et Duke Nukem Forever. Toutefois, cela n’empêcha pas le jeu de recevoir près de 8 nominations différentes et de gagner 3 prix : Best Story PC, Best Story PS3 (IGN Best of Awards 2012) et Best Narrative (2012 Inside Gaming Awards).

« War, war has changed…« 

Le principal intérêt, que les différentes critiques ont pointées vis-à-vis de ce jeu vidéo, est la mécanique de jeu, qui allait bien souvent à l’encontre des mécaniques de la majorité des First Person Shooter des plus populaires (Call of Duty, Battlefield), tout en incluant des clichés du genre FPS, afin de montrer à quel point les combats dans ces jeux vidéos sont… Grotesques, à tout le moins, en comparaison de ce qui se déroule sur les véritables champs de bataille.

Les combats ne sont pas un simple échange de tir façon : « Pew ! Pew ! T’es mort ! Je suis le plus fort !« . Loin de là. Nous ne sommes pas dans un jeu où la guerre est amusante. Les combats sont ardus, quel que soit le niveau de difficulté choisi, les munitions peuvent être rares et surtout, nous sommes confrontés à l’autre versant de la guerre.  Le jeu nous plonge dans l’horreur, la véritable horreur, non pas quelque chose qui provient de notre imaginaire, tels que des fantômes, des démons et autres créatures surnaturelles, mais un pur produit de l’être humain.

Plot-twist : elles sont mortes à cause de vous
Plot-twist : elles sont mortes à cause de vous

On nous dévoile la réalité derrière les crimes de guerre : les bavures entraînant la mort de civils, les supposées « frappes chirurgicales » (façon ablation totale + steak cuit à point), on fait face à des choix cruciaux qui vont déterminer du destin de plusieurs centaines, voire de milliers de personnes.
Et, si l’on venait à oublier cela, les écrans de chargement du jeu se font un véritable plaisir de vous rappeler que vous ne vivez pas dans le monde des Bisounours, en brisant le quatrième mur. You’re far away of Kansas, Dorothy.

"Si vous étiez quelqu'un de bien, vous ne seriez pas ici."
« Si vous étiez quelqu’un de bien, vous ne seriez pas ici. »

Pire encore, le jeu se permet de littéralement vous troller, en jouant sur le fait qu’il s’agit d’une oeuvre de fiction :

"L'armée américaine n'approuve pas le meurtre de combattants désarmés. Mais tout ceci n'est pas réel, alors pourquoi s'en préoccuper ?"
« L’armée américaine n’approuve pas le meurtre de combattants désarmés. Mais tout ceci n’est pas réel, alors pourquoi s’en préoccuper ? »

Et tout cela se ressent sur les personnages…

Une écriture nouvelle

Sorti en 2009, Modern Warfare 2, de la licence Call of Duty, avait suscité la polémique grâce à l’une des missions de sa campagne (Oui, il y a un mode « Campagne » sur Call of Duty, aussi étrange que cela puisse paraître). Cette mission, controversée au possible, répond au nom de « No Russians ». Dans cette dernière, en compagnie d’un terroriste nommé Makarov et de son groupe, le joueur, armé d’une arme lourde, va massacrer la population civile d’un aéroport. Certes c’est controversé, certes, on va se sentir mal à l’aise, mais pour autant… Il semble que cette impression ne reste pas. Littéralement, on finit par se dire : « Bon, on les a buté, maintenant, on passe à la suite. Encore 30 minutes et j’aurais complété la Campagne à 100% en mode Hardcore. »

Dans Spec Ops : The Line, et c’est l’une des grandes forces de ce jeu, le joueur se sent coupable, et à juste titre d’ailleurs, quand il tue par inadvertance un civil durant un combat (oui, cela peut arriver. Et oui, on se sent mal). Plus encore, de nombreux actes auxquels on participe ont en réalité une portée bien plus conséquente qu’on ne se l’imagine au moment où on les perpètre.

Mieux encore, cela se répercute sur notre personnage, Martin Walker, non seulement sur sa psyché mais aussi sur son apparence physique, et chacune des épreuves (au sens littéral du terme) qu’il traverse le marque à vie :

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L’évolution de Martin Walker

Et il n’est pas le seul : ses camarades, Lugo et Adams, sont tout aussi physiquement marqués que lui. Toutefois, seule la psyché de Walker est affectée, ce qui ne se remarque pas immédiatement, mais mène à un coup de théâtre magnifique et très bien pensé qui, à nouveau, laisse à nouveau le joueur face à un choix.

C’est un jeu qui, émotionnellement, met à mal les joueurs. Ironiquement, plusieurs personnes considèrent que, pour gagner, il suffit de s’arrêter de jouer, de poser la manette une fois pour toutes, ce qui arrive assez souvent après la célèbre « Scène du Phosphore Blanc« .

"Il a fait de nous des putains de tueurs !"
« Il a fait de nous des putains de tueurs ! »

L’avis du Tatu

Ce jeu est excellent, avec une difficulté somme toute assez élevée, même en mode Normal. Les graphismes sont beaux, la bande-son est très agréable et surtout l’histoire est bien travaillée. L’on évolue dans un Dubaï post-apocalyptique, mais dans lequel on se rend compte que les événements dépeints peuvent faire partie d’un scénario apocalyptique plausible.

On transite des rues ensablées et en ruines aux intérieurs surchargés de décors pratiquement oniriques, en passant par des souterrains sombres empestant la mort. La mise en scène est extrêmement bien soignée et plonge littéralement les joueurs dans les abîmes de la guerre, au sein des horreurs qu’elle engendre, notamment dans ses abus.

C’est un jeu qui, émotionnellement, met un véritable coup de poing à nos sentiments. Si vous vous sentez mal à l’aise en jouant à Spec Ops : The Line, félicitations. C’est que vous y jouez bien.

Je le note à 19/20 pour deux raisons : ne pas le noter directement sur 20, et pour la frustration ressentie en devant recommencer certains combats extrêmement ardus.

Il est pour vous si :
– Vous en avez entendu parler, et vous souhaitez le découvrir
– Vous voulez découvrir Dubaï sous un nouvel angle
– Les choix moraux complexes ne vous font pas peur

Il n’est pas pour vous si :
– Vous êtes un sale kikoo fan de CoD
– « No Russians » vous a traumatisé à vie

Spec Ops : The Line, 19,99€ sur Steam.

Antoine Barré

Les open-worlds, pourquoi nous fascinent-ils ?

Les « open-worlds », ou « mondes ouverts » en français, sont une des nombreuses « normes » du monde vidéoludique, et une des plus appréciées des joueurs. Mais pour quelles raisons ?

Alors que sortent prochainement deux jeux de type « open world » assez ambitieux, à savoir Legend of Zelda : Breath of the Wild et Ghost Recon Wildlands, on sent de nouveau la hype monter parmi les joueurs. L’occasion de chercher à expliquer les raisons de cette hype.

Avant tout, qu’est-ce qu’un « jeu en monde ouvert » ?

Il est probable que vous sachiez déjà ce qu’est un « monde ouvert », mais il est toujours bon d’avoir une petite piqûre de rappel. Le principe du monde ouvert est un concept de level-design dans lequel le joueur parcoure en toute liberté un monde virtuel, tout en ayant la possibilité d’agir, d’une façon ou d’une autre, sur son environnement.

L’on distingue en général deux types de mondes ouverts : les « statiques », qui sont créés de façon manuelles par les développeurs du jeu, et restent les mêmes, quelles que soient les versions du jeu. Il s’agit du type le plus courant, que l’on rencontre dans la majorité des RPG et des MMORPG.

L’autre type est appelé « Monde ouvert procédural », c’est-à-dire que le monde est généré en suivant un algorithme de génération procédural. La génération de la carte est procédée de façon automatisée, en répondant à un ensemble de règles défini par… Des algorithmes. Le monde se créé au fur et à mesure de l’avancée du joueur et n’a aucune fin. Parmi les jeux de ce type, on compte Minecraft, bien entendu, mais Cube World ou bien Dwarf Fortress.

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Toutefois, ne confondons pas : les jeux en monde ouvert et les jeux de type sandbox, bien qu’ayant de nombreuses affinités, sont deux conceptions du jeu vidéo diamétralement différentes. Et dans cet article, on traitera plus de la première catégorie de jeu que de la seconde.

Pour autant, quelles sont les raisons qui nous font apprécier les open-worlds ? Voici quelques petites pistes de réflexion…

La liberté d’action et de choix

Bon, on va l’avouer, c’est sans doute la réponse la plus évidente, celle qui vient en premier lieu en tête. Oui, la liberté d’action et de choix, la possibilité d’influer sur le cours de la vie d’une ou plusieurs personnes, même si ces dernières sont virtuelles, a toujours attiré l’être humain. En particulier quand on sait que les conséquences de nos actes n’auront aucune véritable incidence sur le « monde réel », d’où l’idée, assez répandue, du jeu vidéo comme catharsis.

Dans les « mondes ouverts », ce sont ces opportunités d’actions et de décisions qui attirent les joueurs, donc. Pour réellement illustrer l’exemple, on peut reprendre la série des Fable et la majorité des titres développés par Bioware.

Pour la licence de Lionhead, c’est à partir de Fable II où l’on a véritablement la possibilité d’influer sur la « vie » des PNJ, et ce dès le début du jeu. Petit rappel : « Moineau », notre personnage, doit récupérer des avis de recherches… Avant de choisir entre les remettre aux mains d’un policier, ou d’un membre de la pègre.
En revenant, en tant « qu’adulte » dans la ville, le choix du joueur transformera totalement le quartier : les donner au policier élimine la pègre, et le donner aux bandits transforme le quartier en un véritable cloaque.

Dans les licences Bioware, les choix effectués affectent plus les compagnons de route du héro, ou les potentiels alliés qu’il est susceptible de se faire, que son environnement.

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Et c’est là le grand intérêt des open-worlds ! Une décision, que l’on peut parfois prendre à la légère, est susceptible d’avoir des répercussions importantes sur le déroulement de l’histoire, voire sur la fin du jeu. Ne serait-ce que dans Fallout New Vegas, par exemple, un spin-off de la série Fallout de Bethesda. En effet, le Courrier (le joueur) a la possibilité de déclencher quatre fins différentes, en fonction des choix effectués dans le jeu, et de ses interactions particulières avec certains PNJs.

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Et chacune de ces fins a une incidence sur les personnages que l’on rencontre et les communautés vivant dans le Mojave (les plaines désolées et dévastées que l’on parcoure durant le jeu).

Gérer l’espace et la liberté qui nous est allouée

Quand on pense au « monde ouvert », on pense surtout à l’exploration, à la liberté de déplacement offerte. Par ailleurs, de nos jours, de nombreux jeux offrent des succès, achievements ou trophées pour avoir découvert un certains nombres de lieux, servant ensuite de points d’ancrages pour les voyages rapides. Ces derniers permettent de relier plus rapidement deux destinations, souvent distantes les unes des autres, au prix d’un temps de chargement.

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Pour autant, le plaisir de découvrir de nouveaux lieux reste intact. Plus encore, cela donne l’impression de progresser dans l’histoire, alors que, sur notre carte, les lieux se dévoilent les uns après les autres. Certains sont liés à une quête principale, ou secondaire, ou ont juste pour but d’offrir une halte au joueur, dans laquelle il aura la possibilité de vendre les objets inutiles trouvés durant ses aventures, refaire le plein de fournitures utiles, réparer son équipement, etc…

Outre cela, le fait est que la majorité des jeux en monde ouvert offrent à la vue du joueur des paysages variés et surtout cohérents dans leur ensemble, la plupart du temps s’entend. Par exemple, Assassin’s Creed, mais surtout ses suites, dévoilent successivement aux joueurs une nouvelle vision de la campagne italienne, de Rome, mais aussi des Amériques sauvages ou des exotiques Caraïbes, sans parler de la Londres de Dickens ou d’Oscar Wilde. Il s’agit d’ancrer le joueur dans un univers à l’intérieur duquel il pourra trouver ses marques avant de l’explorer à loisir, voire de le modifier à sa guise.
Quand on parle de modifier un univers… On peut penser notamment à Fallout 4, qui offre la possibilité de créer, puis de customiser à loisir ses « colonies ».

Cette nouvelle fonctionnalité, proche de celle présente dans un DLC de Skyrim, Hearthfire, a rapidement conquit les joueurs, qui rivalisèrent d’imagination… Avec plus ou moins de succès et d’imagination :

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Mais, la possibilité de créer, modifier et d’interagir à loisir ne doit pas faire oublier l’un des principaux attraits des jeux en monde ouvert : leurs histoires.

Une histoire, des histoires

Dans le cadre d’un jeu en monde ouvert, on peut dénombrer trois types d’histoires, qui s’entremêleront : l’histoire de l’univers, l’histoire « principale », les histoires « secondaires ».

Histoire de l’univers : riche au possible, son but est d’offrir un cadre stable à l’ensemble dans lequel on évolue. On nous donne un contexte permettant de découvrir le passé du monde, tout en nommant des personnages-clés, qu’ils soient héros, ou d’odieux personnages. Cette histoire est assez souvent résumée en tout début de jeu, dans une cinématique d’introduction, comme dans la série des Souls :

Mais, la plupart du temps, l’on a qu’un bref aperçu de ce autour de quoi cet univers tourne, et on le découvre au fur et à mesure de l’aventure.

Histoire « principale » : Il s’agit de l’histoire à laquelle nous sommes « rattachés ». Dans la plupart des jeux, c’est la mission, ou la quête principale, celle dont la finalité est de sauver le monde/sauver la princesse/sauver sa voiture/massacrer le responsable de tout ce chaos. Généralement entremêlée à l’histoire de l’univers, le joueur ressent, au fur et à mesure de l’aventure, une impression d’avancée, de progression, à la fois dans la compréhension de l’univers dans lequel il évolue, mais aussi dans les compétences de son personnage, lui permettant de faire face aux défis qui se dressent en travers de sa route.

Histoires « secondaires » : On peut aussi les appeler « Mc Guffin », c’est-à-dire des éléments qui ne sont que des prétextes à enrichir (supposément) un scénario. Il s’agit généralement des quêtes annexes, qui ont aussi comme but d’allonger la durée de vie du jeu. Certaines sont aussi étoffées que l’histoire principale, comme par exemple, les quêtes de la Confrérie Noire, dans la série des Elder Scrolls, les quêtes de la Maison des Ballades dans Les Royaumes d’Amalur, l’interaction avec le Baron Sanglant dans The Witcher III, etc…

Mais il n’y a pas que les quêtes ! Des dialogues avec certains personnages, ou la lecture de certains livres disséminés un peu partout dans le monde, permettent d’appréhender différemment l’univers dans lequel on évolue, et ses enjeux. Sinon, par exemple, nous ne comprendrions pas pourquoi, dans Skyrim, il faut empêcher le retour de Potema, la Reine Louve, dans les deux quêtes successives qui lui sont consacrées, c’est-à-dire « L’homme qui criait au loup » et « Le Réveil de la Reine-Louve« , si l’on n’avait un bref aperçu de ce qu’elle a accompli de son vivant, en partie durant les temps de chargement, mais aussi dans la lecture des différents livres qui lui sont consacrés.

Ainsi, nous ne sommes pas restreints à une simple ligne droite n’offrant, en réalité, que peu de précisions sur l’univers de base, comme dans de nombreux jeux classiques :

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Enfin, cela offre une nouvelle dimension aux défis que l’on est susceptible de rencontrer durant notre progression. Car, oui, des challenges, il y en a dans les open-worlds.

Relever les défis

« Aujourd’hui, les jeux sont trop faciles, on nous tient par la main du début à la fin ! »

Deux choses, d’une, cesse de jouer en difficulté « Facile », et de deux… Il suffit de voir comment nous réagissons face à une difficulté un peu trop élevée dans un jeu vidéo pour se rendre compte que cette déclaration est infondée : une fois passée l’instant de frustration, on retrousse nos manches et on repart à la charge, avec comme objectif avoué de gagner, de montrer que l’on est capable de surpasser les difficultés se trouvant sur notre chemin.

Même s’il se trouve toujours quelque chose, ou quelqu’un nous mettant en échec, du moins, jusqu’à ce que l’on change notre stratégie :

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Les jeux en monde ouvert actuels ont de ceci qu’ils ont, d’une certaine façon, « réinventé » la notion de défi, en proposant aux joueurs de pratiquer le « backtracking », ou le « retour sur trace ». Il s’agit d’un terme utilisé dans l’informatique, où un algorithme va permettre de revenir légèrement en arrière pour se pencher sur des décisions prises quelques temps auparavant, afin de sortir d’un blocage.

Dans les jeux vidéo, il s’agit plutôt de s’éloigner de l’objectif nous bloquant, afin de trouver un meilleur équipement, monter en niveau ou tout simplement découvrir l’objet adéquat permettant de passer outre la difficulté. Parfois, la seule persévérance est amplement suffisante, mais reste à savoir si le joueur a la patience de s’y essayer, plutôt que de rebrousser chemin et laisser cet obstacle pour plus tard, une fois que l’on juge avoir suffisamment progressé dans notre partie.

Et c’est là l’un des grands intérêts de ce type de jeu. D’ailleurs, dans nombre d’entre eux, le défi est de taille, puisqu’à la difficulté de base du jeu, ce dernier va punir le joueur qui commet la moindre petite erreur. Visible notamment dans la série des Souls et dans Bloodborne, mais d’autres jeux, tel que Nioh, annoncé comme un successeur spirituel, de par son système de combat et sa difficulté proche de celle des jeux édité par From Software.

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On peut être rebuté par le niveau des péripéties nous faisant face, mais, avouons-le, rien n’est plus satisfaisant que de se surpasser, et de relever le défi une bonne fois pour toute, pour se voir enfin accorder une victoire bien méritée…

Pour conclure…

Comme nous venons de le voir, la grande particularité des jeux en monde ouvert est la liberté accordée aux joueurs. Cette liberté prend toutefois diverses formes, et il est nécessaire de tâtonner afin d’en trouver les démarcations.

C’est parce que l’on a la possibilité d’effectuer nos choix comme on le souhaite (dans les limites fixées par le jeu, s’entend) dans un monde relativement vaste, que les open-worlds nous attirent autant.

Antoine Barré

ABZÛ : un univers à la fois aquatique et onirique

Le jeu ABZÛ avait été présenté pour la première fois en 2014, lors de la conférence de presse de Sony à l’E3. Il fut créé par Matt Nava, le directeur artistique des jeux Flower et surtout Journey, dont le thème principal était l’enchantement que l’on peut ressentir devant une merveille. Mais ABZÛ est-il à la hauteur de ses prédécesseurs ?

Un titre évocateur

A l’instar de Flower, dans lequel on est « incarné » par un vol de pétales de fleurs, et de Journey qui nous offre la possibilité de voyager dans un tout autre temps, le titre du jeu, ABZÛ, est un jeu de mot, en référence aux anciennes mythologies. En effet, « ab » signifie « océan », mais aussi « eau » en mazandarani, un dialecte iranien, principalement parlé dans la province de Mazandaran. Quant à « zu », cela signifie « savoir », accoler les deux mots donne « mer de connaissance », tout comme Abzu était le nom de la divinité de la mer primordiale chez les Mésopotamiens.

Un jeu à la hauteur de ses prédécesseurs.

Alors même que nous sommes au tout début de notre expansion spatiale, alors même que nous découvrons des exo-planètes proche de Proxima du Centaure, nos fonds marins restent encore largement inexplorés.

Or dans ABZÛ, et c’est une grande force de ce jeu, les fonds marins sont extrêmement beaux, biens rendus, avec des décors enchanteurs, et parviennent tout de même à conserver une part de mystère, de ténèbres et d’interrogations.

Alors, certes, ce n’est pas un No Man’s Sky avec un trillion d’écosystèmes différents et tout autant de créatures à découvrir… Mais c’est un jeu tout aussi beau, qui concentre une véritable poésie dans ses décors, tout en racontant une histoire. Car oui, ce jeu a une histoire.

Une histoire, des histoires

Il est vrai que, contrairement au personnage de Journey, l’on peut avoir du mal à s’attacher au plongeur que l’on contrôle, et ce malgré son design que l’on peut qualifier de « mignon », avec de grands yeux et des « oreilles » félines.

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Et pourtant… On finit par l’apprécier. Il est si fragile, si mince, et pourtant… Pourtant, il nage dans les jet-streams, plonge en direction de profondeurs insondables en compagnie des plus gros cétacés de notre planète, fait face à quelques dangers… Mais il ne possède pas d’histoire à proprement parler. Nous débutons au beau milieu de l’océan, avec notre personnage sortant de l’inconscience, sans savoir pour quelle raison nous nous trouvons-là, ni ce que nous sommes supposés faire.

Ce n’est qu’au milieu de l’aventure que cette mission nous apparaît… Tout en restant nébuleuse jusqu’à la toute fin. Et pendant que nous nous déplaçons à travers les formations rocheuses sous-marines et les antiques temples, nous découvrons des fresques contant l’histoire du peuple occupant autrefois les lieux :

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Mais, une nouvelle fois, tout est laissé à l’interprétation du joueur…

Les grandes réussites du jeu…

ABZÛ a, à l’instar de Journey, de magnifiques graphismes. Dans une ère où l’on tente de pousser le réalisme, dans les jeux vidéo, à l’extrême, les graphismes d’ABZÛ ont un petit côté « dessin animé » somme toute assez agréable. Les mouvements de notre personnage sont fluides, et surtout… La musique est fort bien travaillée et, même si elle ne réagit pas aux actions du joueur, contrairement à Journey, plonge tout autant dans l’ambiance que les décors dans lesquels on évolue.

Enfin, on trouve un côté Miyazaki dans ce jeu : l’on assiste à une lutte « nature contre civilisation », présent notamment dans Princesse Mononoké, mais il s’agit d’une thématique qui n’apparaît que tard dans le jeu.

… Et ses grandes faiblesses

La prise en main n’est pas facile au départ, puisque quand on dirige le joystick vers l’avant, le personnage plonge, tandis que quand on incline le joystick vers soi, il « remonte » à la surface… Le tout en maintenant la gâchette droite (RT sur Xbox, R2 sur Playstation) constamment. Il est possible à tout instant de changer le mode de déplacement, mais cela n’est pas toujours intuitif, et l’on revient rapidement au mode initial, quitte à devoir galérer à cause de cela.

Autre point (relativement) négatif : quelques passages « piégés » requérant de bons réflexes, qui ne viennent pas naturellement au joueur après avoir passé un long moment dans la contemplation.

Enfin, il est très cher, par rapport à sa durée de vie. En effet, le jeu coûte pas loin de 19€99 sur Steam… Et on peut le compléter, en prenant en partie son temps, en environ deux bonnes heures…

L’avis du Tatu

Ce jeu est une excellente surprise, fort rafraîchissante par cet été chaud, en raison de son côté immersif (on ne voit absolument pas le temps passer), le travail effectué sur le design du décor, le scénario du jeu qui offre un final des plus jouissifs et surtout la musique qui offre une ambiance enchanteresse. Bref, c’est une claque visuelle et auditive qui se démarque de bons nombres de jeux indépendants. Oui, on peut le dire sans mentir, ABZÛ est largement au niveau de Flower et surtout de Journey.
Malheureusement, et surtout en raison du rapport « durée de vie/coût du jeu », et en partie à cause des contrôles difficiles à appréhender, je le note à 17/20.

Il est pour vous si :
– Vous avez joué à Journey et l’avez aimé
– Vous êtes attirés par les profondeurs sous-marines
– Vous en avez assez de la violence vidéo-ludique et souhaitez passer un peu de temps à contempler qu’à bastonner
– Vous voulez réaliser votre rêve secret : devenir une sirène

Il n’est pas pour vous si :
– Vous êtes atteints de bathophobie (la peur des profondeurs)
– Vous préférez l’action à la contemplation
– Vous êtes traumatisé par les Dents de la Mer

Antoine Barré