Les open-worlds, pourquoi nous fascinent-ils ?

Les « open-worlds », ou « mondes ouverts » en français, sont une des nombreuses « normes » du monde vidéoludique, et une des plus appréciées des joueurs. Mais pour quelles raisons ?

Alors que sortent prochainement deux jeux de type « open world » assez ambitieux, à savoir Legend of Zelda : Breath of the Wild et Ghost Recon Wildlands, on sent de nouveau la hype monter parmi les joueurs. L’occasion de chercher à expliquer les raisons de cette hype.

Avant tout, qu’est-ce qu’un « jeu en monde ouvert » ?

Il est probable que vous sachiez déjà ce qu’est un « monde ouvert », mais il est toujours bon d’avoir une petite piqûre de rappel. Le principe du monde ouvert est un concept de level-design dans lequel le joueur parcoure en toute liberté un monde virtuel, tout en ayant la possibilité d’agir, d’une façon ou d’une autre, sur son environnement.

L’on distingue en général deux types de mondes ouverts : les « statiques », qui sont créés de façon manuelles par les développeurs du jeu, et restent les mêmes, quelles que soient les versions du jeu. Il s’agit du type le plus courant, que l’on rencontre dans la majorité des RPG et des MMORPG.

L’autre type est appelé « Monde ouvert procédural », c’est-à-dire que le monde est généré en suivant un algorithme de génération procédural. La génération de la carte est procédée de façon automatisée, en répondant à un ensemble de règles défini par… Des algorithmes. Le monde se créé au fur et à mesure de l’avancée du joueur et n’a aucune fin. Parmi les jeux de ce type, on compte Minecraft, bien entendu, mais Cube World ou bien Dwarf Fortress.

d1fbc9dfb67857244649559db60450f9

Toutefois, ne confondons pas : les jeux en monde ouvert et les jeux de type sandbox, bien qu’ayant de nombreuses affinités, sont deux conceptions du jeu vidéo diamétralement différentes. Et dans cet article, on traitera plus de la première catégorie de jeu que de la seconde.

Pour autant, quelles sont les raisons qui nous font apprécier les open-worlds ? Voici quelques petites pistes de réflexion…

La liberté d’action et de choix

Bon, on va l’avouer, c’est sans doute la réponse la plus évidente, celle qui vient en premier lieu en tête. Oui, la liberté d’action et de choix, la possibilité d’influer sur le cours de la vie d’une ou plusieurs personnes, même si ces dernières sont virtuelles, a toujours attiré l’être humain. En particulier quand on sait que les conséquences de nos actes n’auront aucune véritable incidence sur le « monde réel », d’où l’idée, assez répandue, du jeu vidéo comme catharsis.

Dans les « mondes ouverts », ce sont ces opportunités d’actions et de décisions qui attirent les joueurs, donc. Pour réellement illustrer l’exemple, on peut reprendre la série des Fable et la majorité des titres développés par Bioware.

Pour la licence de Lionhead, c’est à partir de Fable II où l’on a véritablement la possibilité d’influer sur la « vie » des PNJ, et ce dès le début du jeu. Petit rappel : « Moineau », notre personnage, doit récupérer des avis de recherches… Avant de choisir entre les remettre aux mains d’un policier, ou d’un membre de la pègre.
En revenant, en tant « qu’adulte » dans la ville, le choix du joueur transformera totalement le quartier : les donner au policier élimine la pègre, et le donner aux bandits transforme le quartier en un véritable cloaque.

Dans les licences Bioware, les choix effectués affectent plus les compagnons de route du héro, ou les potentiels alliés qu’il est susceptible de se faire, que son environnement.

Mass-Effect-Dialogue-Wheel

Et c’est là le grand intérêt des open-worlds ! Une décision, que l’on peut parfois prendre à la légère, est susceptible d’avoir des répercussions importantes sur le déroulement de l’histoire, voire sur la fin du jeu. Ne serait-ce que dans Fallout New Vegas, par exemple, un spin-off de la série Fallout de Bethesda. En effet, le Courrier (le joueur) a la possibilité de déclencher quatre fins différentes, en fonction des choix effectués dans le jeu, et de ses interactions particulières avec certains PNJs.

succès new vegas fin
Et chacune de ces fins a une incidence sur les personnages que l’on rencontre et les communautés vivant dans le Mojave (les plaines désolées et dévastées que l’on parcoure durant le jeu).

Gérer l’espace et la liberté qui nous est allouée

Quand on pense au « monde ouvert », on pense surtout à l’exploration, à la liberté de déplacement offerte. Par ailleurs, de nos jours, de nombreux jeux offrent des succès, achievements ou trophées pour avoir découvert un certains nombres de lieux, servant ensuite de points d’ancrages pour les voyages rapides. Ces derniers permettent de relier plus rapidement deux destinations, souvent distantes les unes des autres, au prix d’un temps de chargement.

bs9RPY6

Pour autant, le plaisir de découvrir de nouveaux lieux reste intact. Plus encore, cela donne l’impression de progresser dans l’histoire, alors que, sur notre carte, les lieux se dévoilent les uns après les autres. Certains sont liés à une quête principale, ou secondaire, ou ont juste pour but d’offrir une halte au joueur, dans laquelle il aura la possibilité de vendre les objets inutiles trouvés durant ses aventures, refaire le plein de fournitures utiles, réparer son équipement, etc…

Outre cela, le fait est que la majorité des jeux en monde ouvert offrent à la vue du joueur des paysages variés et surtout cohérents dans leur ensemble, la plupart du temps s’entend. Par exemple, Assassin’s Creed, mais surtout ses suites, dévoilent successivement aux joueurs une nouvelle vision de la campagne italienne, de Rome, mais aussi des Amériques sauvages ou des exotiques Caraïbes, sans parler de la Londres de Dickens ou d’Oscar Wilde. Il s’agit d’ancrer le joueur dans un univers à l’intérieur duquel il pourra trouver ses marques avant de l’explorer à loisir, voire de le modifier à sa guise.
Quand on parle de modifier un univers… On peut penser notamment à Fallout 4, qui offre la possibilité de créer, puis de customiser à loisir ses « colonies ».

Cette nouvelle fonctionnalité, proche de celle présente dans un DLC de Skyrim, Hearthfire, a rapidement conquit les joueurs, qui rivalisèrent d’imagination… Avec plus ou moins de succès et d’imagination :

f4 1

Fallout 4 Settlements Sanctuary Wolverine 01

Fallout 4 settlements scrap dragon

F4 2

Mais, la possibilité de créer, modifier et d’interagir à loisir ne doit pas faire oublier l’un des principaux attraits des jeux en monde ouvert : leurs histoires.

Une histoire, des histoires

Dans le cadre d’un jeu en monde ouvert, on peut dénombrer trois types d’histoires, qui s’entremêleront : l’histoire de l’univers, l’histoire « principale », les histoires « secondaires ».

Histoire de l’univers : riche au possible, son but est d’offrir un cadre stable à l’ensemble dans lequel on évolue. On nous donne un contexte permettant de découvrir le passé du monde, tout en nommant des personnages-clés, qu’ils soient héros, ou d’odieux personnages. Cette histoire est assez souvent résumée en tout début de jeu, dans une cinématique d’introduction, comme dans la série des Souls :

Mais, la plupart du temps, l’on a qu’un bref aperçu de ce autour de quoi cet univers tourne, et on le découvre au fur et à mesure de l’aventure.

Histoire « principale » : Il s’agit de l’histoire à laquelle nous sommes « rattachés ». Dans la plupart des jeux, c’est la mission, ou la quête principale, celle dont la finalité est de sauver le monde/sauver la princesse/sauver sa voiture/massacrer le responsable de tout ce chaos. Généralement entremêlée à l’histoire de l’univers, le joueur ressent, au fur et à mesure de l’aventure, une impression d’avancée, de progression, à la fois dans la compréhension de l’univers dans lequel il évolue, mais aussi dans les compétences de son personnage, lui permettant de faire face aux défis qui se dressent en travers de sa route.

Histoires « secondaires » : On peut aussi les appeler « Mc Guffin », c’est-à-dire des éléments qui ne sont que des prétextes à enrichir (supposément) un scénario. Il s’agit généralement des quêtes annexes, qui ont aussi comme but d’allonger la durée de vie du jeu. Certaines sont aussi étoffées que l’histoire principale, comme par exemple, les quêtes de la Confrérie Noire, dans la série des Elder Scrolls, les quêtes de la Maison des Ballades dans Les Royaumes d’Amalur, l’interaction avec le Baron Sanglant dans The Witcher III, etc…

Mais il n’y a pas que les quêtes ! Des dialogues avec certains personnages, ou la lecture de certains livres disséminés un peu partout dans le monde, permettent d’appréhender différemment l’univers dans lequel on évolue, et ses enjeux. Sinon, par exemple, nous ne comprendrions pas pourquoi, dans Skyrim, il faut empêcher le retour de Potema, la Reine Louve, dans les deux quêtes successives qui lui sont consacrées, c’est-à-dire « L’homme qui criait au loup » et « Le Réveil de la Reine-Louve« , si l’on n’avait un bref aperçu de ce qu’elle a accompli de son vivant, en partie durant les temps de chargement, mais aussi dans la lecture des différents livres qui lui sont consacrés.

Ainsi, nous ne sommes pas restreints à une simple ligne droite n’offrant, en réalité, que peu de précisions sur l’univers de base, comme dans de nombreux jeux classiques :

devloppement

Enfin, cela offre une nouvelle dimension aux défis que l’on est susceptible de rencontrer durant notre progression. Car, oui, des challenges, il y en a dans les open-worlds.

Relever les défis

« Aujourd’hui, les jeux sont trop faciles, on nous tient par la main du début à la fin ! »

Deux choses, d’une, cesse de jouer en difficulté « Facile », et de deux… Il suffit de voir comment nous réagissons face à une difficulté un peu trop élevée dans un jeu vidéo pour se rendre compte que cette déclaration est infondée : une fois passée l’instant de frustration, on retrousse nos manches et on repart à la charge, avec comme objectif avoué de gagner, de montrer que l’on est capable de surpasser les difficultés se trouvant sur notre chemin.

Même s’il se trouve toujours quelque chose, ou quelqu’un nous mettant en échec, du moins, jusqu’à ce que l’on change notre stratégie :

ornstein

Les jeux en monde ouvert actuels ont de ceci qu’ils ont, d’une certaine façon, « réinventé » la notion de défi, en proposant aux joueurs de pratiquer le « backtracking », ou le « retour sur trace ». Il s’agit d’un terme utilisé dans l’informatique, où un algorithme va permettre de revenir légèrement en arrière pour se pencher sur des décisions prises quelques temps auparavant, afin de sortir d’un blocage.

Dans les jeux vidéo, il s’agit plutôt de s’éloigner de l’objectif nous bloquant, afin de trouver un meilleur équipement, monter en niveau ou tout simplement découvrir l’objet adéquat permettant de passer outre la difficulté. Parfois, la seule persévérance est amplement suffisante, mais reste à savoir si le joueur a la patience de s’y essayer, plutôt que de rebrousser chemin et laisser cet obstacle pour plus tard, une fois que l’on juge avoir suffisamment progressé dans notre partie.

Et c’est là l’un des grands intérêts de ce type de jeu. D’ailleurs, dans nombre d’entre eux, le défi est de taille, puisqu’à la difficulté de base du jeu, ce dernier va punir le joueur qui commet la moindre petite erreur. Visible notamment dans la série des Souls et dans Bloodborne, mais d’autres jeux, tel que Nioh, annoncé comme un successeur spirituel, de par son système de combat et sa difficulté proche de celle des jeux édité par From Software.

nioh

On peut être rebuté par le niveau des péripéties nous faisant face, mais, avouons-le, rien n’est plus satisfaisant que de se surpasser, et de relever le défi une bonne fois pour toute, pour se voir enfin accorder une victoire bien méritée…

Pour conclure…

Comme nous venons de le voir, la grande particularité des jeux en monde ouvert est la liberté accordée aux joueurs. Cette liberté prend toutefois diverses formes, et il est nécessaire de tâtonner afin d’en trouver les démarcations.

C’est parce que l’on a la possibilité d’effectuer nos choix comme on le souhaite (dans les limites fixées par le jeu, s’entend) dans un monde relativement vaste, que les open-worlds nous attirent autant.

Antoine Barré