Tous les articles par Antoine Barré

Etudiant à l'EFJ, Ecole Française de Journalisme Administrateur de Page Facebook à vocation humoristique "Humour noir" : La Philosophie du Tatu.

Le pouvoir des juges est-il sans limite ?

Que sont les juges ? Quels sont les pouvoirs que leur charge et leur fonction leur octroie, et quelles sont les limites qui leurs sont imposées ?

Les juges sont définis comme étant des magistrats, c’est-à-dire des personnes originellement élues afin de prendre en charge des fonctions législatives, exécutives et judiciaires. Il s’agit d’un nom né dans la Rome Antique, toutefois, le terme de « Juge » peut être relié au livre du même nom de l’Ancien Testament biblique, dans lequel les Juges d’Israël sont investis des mêmes pouvoirs afin de guider au mieux le peuple Juif.

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Actuellement, et dans une vaste majorité du monde, ce terme désigne uniquement les personnes investies du pouvoir judiciaire. Mais, en fin de compte, quelles sont les limitations du pouvoir accordé aux juges ?

Un pouvoir qui semble tout-puissant…

La notion de « Loi » renvoie à une idée de règle juridique suprême, base même du droit de l’Etat. En France, et ce depuis 1958, nous vivons sous un régime non pas légicentriste, mais constitutionnel, c’est-à-dire que les lois doivent être soumises à la Constitution, d’où l’existence du Conseil Constitutionnel. Lesdites lois peuvent être basées sur  la tradition aussi loufoque soit-elle, comme par exemple « Chaque habitant de France doit avoir chez lui une botte de foin au cas où le roi passerait à cheval devant chez lui et ou ledit cheval aurait faim, voire le roi aurait envie de coucher avec une femme », ou bien sur une proposition soumise et acceptée par un parlement représentant le peuple, voire l’ensemble des citoyens d’un état.

C’est un fait avéré que la loi est l’expression de la volonté générale du peuple, ou du moins d’une de ses composantes, qu’elle soit minoritaires ou non, comme cela a été vu avec l’adoption de la loi sur le mariage homosexuel. La loi peut ainsi être vue comme une autorité limitée par les libertés fondamentales.

Or, quels sont les buts de la loi ? De façon simpliste, on peut dire que le dessein initial de la loi n’est autre que la protection des citoyens et l’amélioration de leur niveau de vie ainsi que l’encadrement des mœurs, comme ce fut le cas avec la GPA. Les juges ont donc comme tâche de veiller à ce que l’application des lois se fasse en accord avec la Constitution du pays, même si cela peut sembler une application des plus sévères aux yeux des condamnés. Toutefois, cette même Constitution est elle-même soumise à de plus hautes instances.

Sans parler de l’Organisation des Nations Unies, les états membres de l’Union Européenne sont en effet soumis à la Charte des Droits Fondamentaux, inhérente à l’Union Européenne et à laquelle doivent se soumettre et s’articuler les différentes Constitutions des états-membres.

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Cette Charte s’articule autour de 6 chapitres :

– Dignité : Dignité humaine, le droit à la vie, l’interdiction de l’usage de la torture et de la peine de mort, l’intégrité de la personne et notamment l’interdiction de « faire du corps humain ou de ses parties en  tant que tel une source de profit », ce qui a lancé la polémique concernant la GPA et ses dérives possibles, puisque les opposants au mariage homosexuel ont craint une mise en place d’un « marché de l’enfant ». On peut aussi parler ici de la dignité de l’enfant, qui a conduit à la condamnation de la France pour ne pas avoir interdit la fessée en tant que châtiment corporel.

– Liberté : Le droit à la liberté, le droit à la vie privée, remis en cause avec l’usage des réseaux sociaux et le fichage de données, droit de conscience et de religion, mais aussi le droit d’expulsion et/ou d’extradition, qui fut contesté, par exemple, lors de l’expulsion d’une jeune roumaine et de sa famille durant l’automne 2013

– Egalité : Respect des diversités, égalité entre homme et femme, intégration des handicapés, dans l’expectative, bien entendue, que chaque citoyen agisse de même avec autrui.

– Solidarité : Protection des consommateurs, droit à un logement (Trêve hivernale/Accueil solidaire)

– Citoyenneté : Le droit de vote et d’éligibilité est garanti pour tous les citoyens de l’Union Européenne, selon les conditions de l’état dans lequel il se trouve, droit à une administration traitant les affaires des citoyens de façon équitable et impartiale, liberté de circuler qui est remise en cause avec l’Espace Schengen et ses controverses, droit à la protection diplomatique et consulaire.

– Justice : Droit à un tribunal impartial, droit à la défense, proportionnalité entre les délits et les peines.

… Mais qui s’avère en définitive contestable

En effet, contrairement à ce que l’on pourrait penser, il est possible de contester une décision de justice en faisant appel de cette décision.

De par la cour d’appel, on a trois possibilités, c’est-à-dire :

– La « réformation » : Le juge d’appel rejugera le fond de l’affaire, reprend les divers points contestés et est susceptible de modifier le premier jugement rendu.

– L’achèvement : Ce jugement prend en compte l’évolution du litige depuis le premier jugement intervenu.

– La confirmation : Le juge d’appel peut tout simplement confirmer la décision de justice rendue en premier lieu s’il s’avère qu’il n’y a pas matière à réformer ou à annuler.

La possibilité du pourvoi en cassation existe aussi, qui se base cette fois sur une erreur de procédure ou d’interprétation juridique, ou bien dans la mesure où un juge a commis un excès de pouvoir, voire quand il y a atteinte aux droits de la défense, par exemple. Le premier jugement peut ainsi être cassé pour des vices de formes divers comme une procédure suivie ou bien un jugement irrégulier. Toutefois l’affaire n’est pas jugée sur le fond, uniquement sur la forme.

Le gouvernement des juges

Il s’agit d’une notion introduite par Edouard Lambert dans son ouvrage intitulé « Le gouvernement des juges et la lutte contre la législation sociale aux Etats-Unis ».

L’idée est la suivante : Le juge privilégiera son interprétation personnelle de l’affaire, au détriment de la loi, pour rendre sa décision.

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En règle générale, cette décision aura alors un but politique. En France, l’exemple le plus flagrant est le controversé Syndicat de la Magistrature, syndicat à tendance marxiste fondé le 8 Juin 1968, ce qui se ressent dans un texte écrit par  l’un de ses membres, Oswald Baudot, en 1974 : Harangue à des magistrats qui débutent.

« Soyez partiaux […]. Ayez un préjugé favorable pour la femme contre le mari, pour l’enfant contre le père, pour le débiteur contre le créancier, pour l’ouvrier contre le patron, pour l’écrasé contre la compagnie d’assurances de l’écraseur, pour le malade contre la Sécurité sociale, pour le voleur contre la police, pour le plaideur contre la justice. »

Il s’agit là d’un dévoiement de la fonction du magistrat : ce dernier se doit d’agir, non seulement contre les personnes qu’il va considérer comme étant «supérieures », mais aussi contre la loi en elle-même, ce qui va à l’encontre de la définition du juge, qui est supposé remplir une fonction de jugement et ne pas prendre parti dans un litige, en accord total avec la loi.

Toutefois, il est à noter que cette disproportion du pouvoir judiciaire est tout aussi néfaste qu’un pouvoir législatif ou exécutif appliqué dans les mêmes conditions.

Au vu des dernières affaires judiciaires ayant éclaboussé le monde politique, avec les accusations lancées contre Marine Le Pen et François Fillon, notamment, on peut se demander si la France est un gouvernement des juges ?
Pour que ce soit le cas, il serait nécessaire qu’il y ait une volonté politique derrière ces accusations, or, pour le moment, il n’y a aucune preuve allant en ce sens. Tout est, dans le cas de François Fillon, parti d’une bombe médiatique lancée par le Canard Enchaîné, à la suite de laquelle s’est emparée de l’affaire. On peut alors pointer du doigt la soudaine célérité du parquet national financier à s’emparer de cette affaire, face aux autres scandales financiers ayant éclaté dans le même temps, voire ayant une importance similaire, comme l’affaire Bruno Leroux.

En fin de compte…

Pour conclure, le pouvoir des juges est étendu, s’appliquant même au-delà des frontières, comme le prouve l’enquête du juge Marc Trévidic au sujet de l’assassinat des moines de Tibhirine, en Algérie.

C’est un pouvoir en principe assez souple, puisqu’une décision de justice peut être contestée en cour d’appel par les justiciables, qui peuvent aussi former un pourvoi en cassation afin de déterminer si la décision respecte le droit.

De plus, la capacité des juges à mener un procès non pas seulement en raison de la loi, mais par affinité ou par préjugé, laisse apercevoir en fin de compte un pouvoir qui se limite de lui-même, comme cela se voit dans le gouvernement des juges.

Antoine Barré & Ambroise Gallouet

Grasse à une attaque, le jeu vidéo a bon dos

L’attaque de Grasse, et surtout les premiers portraits du tueur esquissés par les médias, remettent une nouvelle fois le jeu vidéo en cause.

« Visiblement fan de jeux vidéo… », « … De jeux vidéo de massacre… »

Les médias (ici le Figaro et Le Parisien) s’en donnent une nouvelle fois à cœur joie. Le jeu vidéo, fantasme absolu de ses détracteurs, est une nouvelle fois pointé du doigt après une attaque à main armée, survenue dans un lycée de Grasse. La piste de l’islamisme radical ayant été écartée dès le début de l’enquête, il fallait donc trouver un nouveau coupable à cette folie meurtrière. Et donc, une nouvelle fois, on se tourne vers le domaine vidéo-ludique. Certes, Kylian, l’apprenti-tueur, avait emprunté son image de profil à un jeu violent, Hatred, qui met les joueurs dans la peau d’un sociopathe aux penchants meurtriers, mais… Est-ce pour autant une raison suffisante pour prendre une bonne dose d’Amalgam 3000 et généraliser ainsi en parlant des jeux vidéo ?

Un coupable, à tout prix

De nos jours, dès qu’une fusillade éclate en France, on va avoir droit à un schéma semblable à celui-ci :

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La principale critique des jeux vidéo est qu’ils ont tendance à faire perdre le contact avec la réalité aux joueurs. Souvenez-vous, déjà en 2014, Laure Manaudou et Nagui, sur France Inter, s’étaient attaqué à ce loisir, la nageuse olympique déclarant même :

« J’ai toujours été contre les jeux vidéo, j’en ai jamais eu quand j’étais petite et pour moi de s’abrutir devant un ordinateur alors qu’il y a autre chose à côté et qu’il y a des gens à qui parler, pour moi c’est nul.

Mon petit frère joue beaucoup à FIFA et quand je vais chez lui, bah je suis assise sur le canapé et puis j’attends parce qu’il est comme ça en train de jouer. »

Bien entendu, la communauté des gamers avait réagi, allant jusqu’à rappeler que Nagui avait fait une publicité pour la Nintendo 3DS, une console de jeux portable. Ici, c’était une petite polémique, qui n’avait rien à voir avec les deux exemples suivant, qui eurent lieu après les attentats du 13 novembre 2015. L’idée présentée dans le prochain paragraphe n’était pas de dénoncer le manque de contact avec la réalité engendré par le jeu vidéo (quoique), mais d’une certaine banalisation de la violence.

Le 22 novembre, une tribune de Nadia Khouri-Dagher fait sursauter la Toile, car cette dernière désignait explicitement les jeux vidéo, les bon gros blockbusters cinématographiques, les séries télévisées mais aussi les romans policiers (supposés avoir été inventés par les Etats-Unis… Agatha Christie, quelle cachottière tu es !) comme étant les principaux responsables de la perdition de notre belle jeunesse. Mais, il faut bien l’avouer, tribune ou non, elle donnait surtout l’impression d’avoir été écrite après avoir fumé une bonne grosse cigarette de chanvre.
Quelques jours plus tard, Nicolas Sarkozy réagit, au micro d’Europe 1, au « Noël désarmé » (initiative visant à retirer les répliques d’armes de la vente des magasins de jouets, à l’approche des fêtes), en déclarant :

« Ecoutez, si on s’attaque à l’armement du Père Noël, on pourrait peut-être regarder de plus près ces jeux vidéo d’une violence inouïe qui sont dans tous les cadeaux qui sont donnés. Je pense qu’il y a des priorités. Pour moi la priorité, c’est pas le désarmement du Père Noël. »

Mais une nouvelle fois, on parle, on lance de grandes phrases, et on élude le problème : « Où se situe la responsabilité » ?

Reporter la responsabilité

Le jeu vidéo est-il réellement le seul responsable ? Oui et non. Le système de classification PEGI, qui défini à partir de quel âge tel contenu de loisir (films, vidéos, jeux vidéo, etc…) est adapté, est un système aujourd’hui désuet. Pratiquement tous les joueurs de Call of Duty (PEGI 18) ont déjà entendu la voix fluette du gamin n’ayant pas encore mué les insulter et leur expliquer comment ils ont eu des relations sexuelles relativement consenties avec leur génitrices la veille.

Mais de l’autre, on a une responsabilité humaine, qui est bien trop souvent écartée, minimisée. De nos jours, bien des parents laissent tomber l’éducation de leurs enfants, faute de temps, ou de moyens, et considèrent que la télévision, les professeurs des écoles et les jeux vidéo rempliront le rôle qui est normalement dévolu aux aînés de la famille.
Certes, dans sa « tribune », Nadia Khouri-Dagher lance un appel pratiquement déchirant concernant cet abandon pratiquement volontaire :

« Maintenant imaginez des jeunes issus de l’immigration, avec une offre de loisirs limitée pour des raisons économiques et culturelles, ne partant peut-être jamais en vacances, et passant leurs journées entières rivés à des écrans, mitraillette (fictive ?) à la main, en train de commettre des massacres… »

Mais elle semble oublier qu’elle-même a lâchement laissé tomber son chérubin, puisqu’elle découvre, plus de 15 ans après les achats, que ce dernier jouait à Metal Gear Solid 2 : Sons of Liberty (horreur, un jeu dans lequel on doit justement essayer de tuer le moins d’ennemis pour avoir un bon score) durant son adolescence, ainsi qu’à Killzone, GTA Vice City, God of War, Mortal Kombat ou bien Resident Evil. Toutefois… Au vu de sa position sociale (puisqu’elle se vante de travailler à la Bibliothèque Sainte-Geneviève, en face de la Sorbonne), elle fait partie d’une catégorie éduquée, qui a accès à un certain niveau d’aisance, que ce soit culturelle et économique.

Certes, son fils ne se balade pas en plein Paris, AK-47 en main, pour autant, il me semble être assez bon juge en la matière pour supposer que lui-même a passé quelques journées de vacances manette en main, devant l’écran de télévision.

En réalité, Nadia Khouri-Dagher, Nicolas Sarkozy et autres compères vitupérant à qui mieux mieux contre les loisirs vidéo-ludiques, ne font que détourner l’attention du principal fait : ils ne veulent pas s’avouer à eux-mêmes qu’ils sont responsables en partie de cette situation.

De nos jours, le jeu vidéo sera systématiquement pointé du doigt, comme le furent en leurs temps les jeux de rôles ou le rock, en tant que « symbole de la déviance de la jeunesse ».

Il est en effet aujourd’hui plus simple d’appuyer sur un bouton de la télécommande pour permettre à ses enfants de regarder les dessins animés du soir, ou bien de leur acheter des jeux vidéo que de s’asseoir avec eux, lire en leur compagnie, leur conter des histoires, etc… Et oui, ces activités-là demandent de consacrer un temps précieux qu’ils n’ont pas nécessairement, puisqu’ils sont des adultes débordés par leurs vies d’adultes mûrs et responsables. Mieux vaut donc laisser autrui s’en charger.

Et s’il y a une perte de réalité de la part des enfants… Leurs parents, qui les auront placé dans cette situation, ne peuvent que se blâmer eux-mêmes. En effet, ils n’auront pas pris le temps d’inculquer à leurs chers têtes blondes les clés nécessaires à la différenciation de la réalité et du virtuel.

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En réalité, Néo est un geek qui pense être dans un jeu vidéo avec tous les cheat-codes en sa possession.

En fin de compte, la responsabilité ne vient pas tant des jeux vidéo, qui sont surtout présents pour servir de catharsis, de défouloir, que des parents qui, par manque de temps ou par pur désintérêt, laissent les mains libres à leurs enfants, sans réellement exercer un quelconque contrôle sur ce qu’ils font. Quoique dire cela revient à considérer que tous les jeux vidéo sont nécessairement violents, ce qui n’est pas toujours le cas : Animal Crossing, Les Sims, Zoo Tycoon, ABZÛ et l’on en passe, sont des exemples de jeu où la violence n’a pas sa place.

En fin de compte, cela soulève même une autre question : le fait que les parents laissent leurs enfants devant la télévision car ils n’ont pas le temps/ne veulent pas prendre le temps de s’en occuper, et tandis que l’école devient l’un des premiers lieux où l’on s’oppose nettement et clairement à eux, bien avant le cercle familial… N’est-ce pas au final un manque d’éducation ?
Il est assez aisé de faire la part entre le réel et le virtuel, même en étant un aficionado des jeux vidéo, à partir du moment où, dans notre éducation, on nous a apprit à faire la part des choses.

Sur ce, je vous laisse à cette méditation, quant à moi, je vais me planter 5 heures durant devant un miroir et parler, parler, parler, jusqu’à ce qu’une petite jauge bleue située au-dessus de ma tête se remplisse complètement. Ensuite, après avoir ainsi maîtrisé mon Thu’um, je vais aller sauver Guerre de la damnation éternelle en l’empêchant de mettre la main sur Deuillegivre, le tout pendant que Sam & Max me pilonneront au phosphore blanc.

Antoine Barré

Berserk and the Band of the Hawk : un jeu pour les fans

La société Koei est connue pour la série de jeux vidéo Dynasty Warriors, et pour ses nombreuses déclinaisons d’animes et de mangas sur le même principe. Après la désastreuse adaptation de Berserk en anime, sortie durant l’été 2016, on pouvait avoir quelques appréhensions vis-à-vis de la déclinaison du manga en jeu vidéo. Mes impressions…

[Attention, cet article contient des spoilers concernant la chronologie de Berserk]

Berserk and the Band of the Hawk est la troisième adaptation vidéoludique du célèbre manga de Kentaro Miura. Le premier, Sword of the Berserk: Guts’ Rage est sorti en 1999 sur Dreamcast, tandis que le second, Berserk: Millennium Falcon Hen Seima Senki no Shō, est sorti sur Playstation 2 en 2004. A noter que ces deux jeux n’ont été commercialisés qu’au Japon.

Berserk ? Qu’est-ce ?

Berserk est un manga de type dark fantasy, créé par Kentaro Miura et publié pour la première fois en 1989 dans le magazine Young Animals. On compte actuellement 38 volumes (juin 2016), et l’histoire est divisée en deux parties : Golden Age et The Black Swordman. Il y eut un premier anime en 1997, d’une durée de 25 épisodes, et dont la chronologie s’étend du premier volume jusqu’à l’Eclipse. Entre 2012 et 2013, trois OAV sortirent, couvrant uniquement la partie Golden Age. Enfin, durant l’été 2016, un nouvel anime fut diffusé, mais essuya quelques critiques, notamment vis-à-vis de son style graphique et de sa bande sonore.

Berserk est connu pour sa foison de détail, ainsi que pour son ambiance sombre, aux passages particulièrement gores, voire dérangeant et malsain. Viols, massacres, meurtres, scènes de tortures et actes de violences gratuites sont même monnaie courante, à vrai dire.

Tout au long de l’histoire, on suit les aventures d’une armée de mercenaires, la Bande du Faucon, et plus particulièrement celle de Guts, un combattant violent ne craignant rien, ne reculant devant aucun défi. A ses côtés, on peut compter notamment Casca, capitaine mais aussi seule présence féminine dans cette bande de spadassins. Femme forte, elle sait maîtriser ses troupes, qui lui vouent un grand respect. Enfin vient Griffith, le capitaine de la Bande du Faucon, bretteur charismatique à la chance insolente et à l’ambition dévorante.

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Casca, Guts et Griffith

La troupe armée passe du statut, peu glorieux, de mercenaires, à celui de troupes royales, en première ligne lors des batailles. Elle se distinguera à de nombreuses reprises, jusqu’au départ de Guts. Ce fut le début de la chute de la Bande du Faucon : Griffith, désemparé, force la princesse Charlotte, héritière du trône, et se fait torturer et jeter en prison pour cet acte. Casca demande l’aide de Guts pour faire évader leur capitaine.

Poursuivis par des assassins et des mercenaires envoyés par le roi, ils combattent inlassablement jusqu’à ce que Griffith, brisé dans sa chair et son esprit par sa captivité, décide de sacrifier la Bande du Faucon, ascendant ainsi son être jusqu’à devenir Femto, le Dieu de l’Envie, héraut des God Hands sur Terre. La scène de l’Eclipse est l’une des plus connues de la chronologie de Berserk, et à ce sacrifice, seuls survivent Guts, maintenant amputé du bras gauche et borgne, ainsi que Casca, qui a malheureusement perdu la raison et est devenue une femme-enfant suite à cet évènement traumatisant et son viol par Femto.

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L’Eclipse de Berserk

La « seconde partie » de Berserk se concentre sur les efforts de Guts pour venger ses compagnons d’armes sacrifiés par son ancien ami, et chercher un remède à la folie de Casca.

A partir de ce scénario, pouvait-on aisément faire une adaptation vidéoludique ? Oui, bien entendu.

Koei et le beat them all

Une des principales franchises de Koei est Dynasty Warriors, une série de beat them all centré autour de l’Histoire des Trois Royaumes, un roman historique chinois, et les batailles représentées dans le jeu reprennent les batailles historiques de l’époque des Trois Royaumes (220-280 ap. J.C.). On dirige un personnage à la troisième personne, et on le fait progresser sur le champ de bataille à travers des hordes d’ennemis. On compte actuellement près de 27 opus pour la licence principale, ainsi que 21 jeux dérivés, dont Hyrule Warriors (2014) et la saga One Piece Pirate Warriors, ainsi que quelques adaptations de batailles historiques, telles que la Guerre de Troie (Warriors: Legend of Troy) ou la Guerre de Cent Ans (Bladestorm: La guerre de Cent ans).

Autant dire qu’avec ce passif, la Koei a largement fait ses preuves dans le monde du beat them all, au point que l’on a tendance à généraliser les différentes créations de Koei et de ses filiales autour de ce principe sous le nom de Musou (Sans Égal).

Quels que soient les opus, ils tournent généralement autour des mêmes mécanismes de jeu : un personnage contrôlé par le joueur, capable d’enchaîner plusieurs combos, en alternant les frappes « fortes » et les frappes « légères », avance à travers les bataillons ennemis et capture les forts et les camps adverses, avant d’affronter un ennemi plus puissant que les autres, faisant figure de boss.

Quid de l’adaptation ?

L’adaptation est bonne, voire très bonne. Les graphismes sont beaux et respectent l’univers original du manga. L’hémoglobine, bien entendu, est fort présente, au point d’envahir pratiquement littéralement l’écran. Chacun des personnages a son propre style de combat, et il est donc nécessaire de s’adapter à chacun de ces arts martiaux différents pour affronter l’ennemi.

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Bazuso face à Guts

Il y a en tout trois modes de jeu différents : le mode Histoire, le mode Libre, qui permet de refaire le mode histoire avec des personnages différents et enfin le mode Abysses Sans Fin. Ce dernier est un mode de jeu hardcore s’étalant sur près de 100 niveaux (on débloque les niveaux au fur et à mesure de notre avancée dans le mode Histoire) dans lequel on contrôle un personnage (n’importe lequel) à travers des hordes d’ennemis, agrémenté de quelques boss. Par ailleurs, le terme de « mode hardcore » est légitime : on doit progresser à travers les niveaux sans autres objets de soin que ceux que l’on possède de base… Quand on pense à en prendre. Tout les 5 niveaux, on atteint un « campement », dans lequel on choisit un « Désir », permettant de continuer à progresser à travers les niveaux. Toutefois, si l’on quitte le mode, tout est réinitialisé.

Quant à la musique, cette dernière est bonne, voire totalement en accord avec l’univers. Ce qui est agréable à l’oreille, quand on se rappelle que plusieurs autres adaptations, comme les One Piece ou Hyrule Warriors, ont des pistes sonores souvent remixées avec des éléments de rock ou d’électro. Certes, cela peut être considéré comme une bonne évolution, d’autant que certains thèmes musicaux sont en accord vis-à-vis de l’action en cours. Toutefois, nous parlons ici de Berserk. L’anime de 1997 possédait certes une bande sonore au style techno-punk (Susumu Hirasawa, le compositeur, étant le créateur de ce genre musical), mais cela collait à l’action et à l’atmosphère, à l’instant présent.

De plus, la bande sonore des OAV a apporté une dimension plus orchestrale à l’univers, mêlant le mélancolique et le tragique à l’épique.

Les pistes sonores de Berserk and the Band of the Hawk sont assez proches de celles des OAV, ne gâchant en rien le rythme du jeu, bien au contraire. L’ambiance peut même finir par être oppressante, notamment quand on est dans le mode Abysse Sans Fin.

Enfin, dernier point à faire remarquer : une partie des cinématiques provient de la trilogie d’animation Golden Age, qui est en soi un régal en matière d’animations (en grande partie provenant d’images de synthèses obtenues par des captures de mouvements).

L’avis du Tatu

J’aime beaucoup le jeu. L’anime de 2016 m’avait beaucoup déçu, en partie à cause de son style graphique, et en particulier à cause de la musique. J’irais même jusqu’à dire que certaines musiques, déjà présentes dans les OAVs, furent littéralement désacralisées par leur remixage avec du metal (je pense notamment à Blood & Guts). J’avoue ne guère avoir suivi le développement du jeu, mais le peu d’images qui avaient fuité/été dévoilées étaient toutefois fort alléchantes. C’est durant le mois de janvier 2017 qu’il m’a finalement séduit, tandis que je regardais une vidéo présentant les différents personnages qui seraient intégrés au jeu, et donc seraient potentiellement jouables.

Pour diverses raisons, l’affichage n’est pas optimal sur mon ordinateur, mais je salue le travail de qualité effectué par les graphistes : le sang est littéralement omniprésent durant les combats et nos personnages donnent rapidement l’impression de sortir de l’abattoir. Les contrôles et le système de leveling sont agréable et aisés à prendre en main, les paysages sont biens rendus et l’on est rapidement plongés dans l’ambiance du jeu.

L’univers du manga est bien rendu et l’on sent la volonté des développeurs de faire un jeu pour les fans inconditionnels du manga, plutôt que de faire un simple jeu pour le pognon. Et… Comment dire ? Cela fait plaisir. Le travail des doubleurs n’est pas en reste et renforce l’impression de participer à l’aventure, plutôt que de jouer à une adaptation vidéoludique.

Je lui met la note de 18/20, pour mon petit cœur de fan battant fort dans sa poitrine. Et la horde d’ennemis charcutés que j’ai laissé derrière moi, baignant dans des litres d’hémoglobines.

Il est pour vous si :
– Vous avez dévoré Berserk et Goblin Slayer
– Vous aimez la licence Dynasty Warriors
– Vous souhaitez traverser le Midland en agitant la Dragonslayer et en massacrant des Apôtres

Il n’est pas pour vous si :
– Selon vous, « Griffith did nothing wrong »
– Vous avez enlevé le sang et les jurons sur Brütal Legend
– Pour vous, « l’Épéiste Noir » est le surnom de Kirito

Berserk and the Band of the Hawk, 59,99€ sur Steam

Antoine Barré

Lutter contre la corruption : une affaire de démocratie

Depuis peu, les dirigeants politiques se trouvent sur un socle d’argile, et ce à travers le monde entier. La raison ? L’électorat ou plutôt, les peuples, se lèvent face à la corruption se dévoilant de plus en plus notamment grâce aux réseaux sociaux et aux nouvelles méthodes d’enquêtes mises à disposition. 

Il ne s’agit pas d’un simple mouvement de contestation né sur les réseaux sociaux, ou à la suite d’une manifestation, et destiné à mourir paisiblement à l’instar de Nuit Debout. D’une part, il n’est pas confiné au territoire national (et n’est pas « né » dans ses frontières). Et de l’autre, il s’agit d’un phénomène mondial qui, à l’instar des vagues les plus fortes, emporte tout sur son passage.

2016, l’année du désaveu

Il faut bien le dire, ce fut une année assez rude pour la politique en général. De nombreux séismes l’ont en effet bousculé et les cartes, les modèles auxquels on était accoutumé, furent rebattus, bouleversés. Brexit, élections américaines, etc… Les « démocraties à l’occidentale » ont connu de sérieux revers, mais en réalité, ce n’est qu’une gifle amicale en comparaison de ce qu’a connu le reste du monde.

Les peuples ont affirmé leur volonté de voir en place des gouvernements exemplaires, qui ne cachent rien à leurs électeurs. On constate là une recherche de la vérité, mais aussi une nouvelle lutte, dans laquelle le peuple cherche à reprendre ce qui lui appartient de droit : le contrôle de la démocratie. Il montre son mécontentement face à des élites qui ne les écoutent pas, ne se penchant

Chronologie d’une  longue chute

Dilma Rousseff peut être considérée comme la « première victime » de cette série de mouvements contestataires. Tout débute en 2014, quand la police fédérale brésilienne commence à enquêter sur une affaire de corruption et de blanchiment d’argent, dans laquelle apparaît la société Petrobras, dont le conseil d’administration avait été dirigé par la présidente brésilienne entre 2003 et 2010, avant son arrivée au pouvoir. Le nom de cette dernière est citée, et elle est accusée par un sénateur d’être parfaitement au courant du réseau de corruption, tout en ayant bénéficié de pots-de-vin.

Cela a lancé une seconde enquête parallèle, centrée cette fois-ci sur la seconde élection de Dilma Rousseff, qui révéla qu’elle avait fait supporter aux banques près de 40 milliards de réaux (soit près de 12 milliards d’euros) de dépenses incombant en réalité au gouvernement, afin de présenter un bilan positif lors de sa campagne, en vue de sa réélection. C’est à partir du 15 mars 2015 que des millions de personnes commencent à manifester pour la destitution de la présidente, mais c’est le 2 décembre que la procédure d’impeachment est lancée, avant d’être confirmé le 11 avril 2016. Dilma Rousseff est suspendue de ses fonctions le 12 mai 2016. Son procès s’ouvre le 25 août et elle est destituée six jours plus tard, à 60 voix contre 20.

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Près de deux mois plus tard, c’est la Corée du Sud qui est traversé par un séisme de protestations, concentrées autour de celle qui fut surnommée la « Raspoutine Coréenne » en raison de son influence sur la présidente Park Geun-hye : Choi Soon-sil. Cette dernière est la fille de Choi Tae-min, un prédicateur religieux ayant eu un ascendant certain sur le père de la présidente, Park Chung-hee, qui avait lui aussi exercé le pouvoir en Corée du Sud entre 1962 et 1979, avant d’être assassiné.

Il fut révélé que Choi Soon-sil eut une longue influence sur Park Geun-hye, notamment au niveau des décisions gouvernementales puisqu’il semble avéré qu’elle ait instigué certaines nominations, et corrigé des discours de la présidente. De plus, elle aurait soutiré plusieurs millions de dollars à de grandes sociétés coréennes, via des fondations lui étant liées, menant à des enquêtes pour corruption et trafic d’influence.

Entre le 29 octobre et le 3 décembre 2016, les sud-coréens descendent dans les rues et manifestent tous les week-ends pour réclamer la démission de Park Geun-hye. Le 9 décembre 2016, elle est destituée de son titre et de ses pouvoirs par le Parlement, à raison de 234 votes (il y a 300 députés au Parlement sud-coréen).

Et ce n’est pas fini ! Le mercredi 18 janvier 2017, c’est au tour de la Roumanie de monter au créneau. En cause des ordonnances du gouvernement (socialiste, cela ne s’invente pas !) visant à limiter le pouvoir des procureurs et des magistrats, mais aussi à gracier de nombreux politiciens roumains accusés de corruption. Autre scandale : Florin Iordache, ministre de la Justice, soutient cette ordonnance ! Le peuple roumain manifeste sa colère. Durant la nuit du 31 janvier, le gouvernement adopte le décret sans en référer au Parlement.

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Florin Jianu, le ministre du Milieu des Affaires, présente sa démission le 2 février 2017 et rejoint les rangs des manifestants. D’autres membres du gouvernement, et du parti au pouvoir, le PSD (Parti Social-Démocrate), suivent le mouvement et démissionnent. Au plus fort de la contestation, les manifestations rassemblent près de 500 000 personnes. Le 9 février, Florin Iordache est poussé à la démission.

Et maintenant, on va où ?

Le dimanche 19 février 2017, une série de manifestations eurent lieu dans l’Hexagone, et particulièrement sur la Place de la République, à Paris. Le but des manifestants est de protester contre la corruption des élus (emplois fictifs, privilèges, etc…). C’est un mouvement faisant suite aux révélations du Canard Enchaîné concernant le candidat des Républicains : François Fillon, mis en cause pour avoir embauché sa femme, voire ses propres enfants, sur des emplois fictifs durant ses mandats de parlementaire.
Le but est notamment d’inciter les candidats à la présidentielle à adopter des mesures fermes contre la corruption, en particulier dans le milieu politique.

Si on peut louer l’esprit citoyen des manifestants, toutefois on peut noter que peu d’élus et de politiques sont nommés : François Fillon (qui fait la Une depuis plus d’un mois, ce serait dommage de le louper), Claude Guéant, Jérome Cahuzac ou Marine Le Pen. En somme, ceux qui sont nommés dans de récentes affaires (fort bien médiatisées). De plus, Vincent Gaultier, l’instigateur du mouvement, fut secondé par des membres du collectif Nuit Debout. Ce collectif avait lui aussi prit ses quartiers Place de la République à partir du 31 mars 2016, en réaction à la Loi Travail, poursuivant la contestation jusqu’à fin juin, avant de s’éteindre doucement dans la chaleur estivale.

D’un certain point de vue, cette nouvelle vague de manifestations peut être une bonne chose, puisque à son tour le peuple français se dresse face à la corruption. Malheureusement, force est de constater que les appels à la régulation de la vie politique et à plus de transparence sont fort orientés. On ne remarque aucune référence aux propres abus du gouvernement, comme l’affaire Thomas Thévenoud (atteint de « phobie administrative » l’ayant empêché de remplir ses feuilles d’impôts), le coiffeur du président, les sauteries de Thomas Hollande à la Lanterne (aux frais du contribuable), les dépenses d’Emmanuel Macron durant ses derniers mois en fonction à Bercy, etc…
Ou bien la Justice a statué sur le sort des personnes pré-citées, ou bien on les passe sciemment sous silence en espérant les faire oublier, ce qui reste le cas le plus probable.

Il ne reste qu’à espérer que ce nouveau mouvement populaire prenne le pas et s’insurge contre la corruption en général, plutôt que contre les quelques cas qui se retrouvent sous les feux des médias. Car c’est un fait que l’on a tendance à oublier : tous les partis sont susceptibles d’être soupçonnés de corruption, et peuvent être mis en examen pour avoir abusé de leurs positions et de leurs pouvoirs, sans exception de couleur ou de vision politique (la Roumanie l’a bel et bien démontré !).

En attendant de voir comment cela va évoluer, il est bon de noter quelque chose concernant ces contestations. Ce n’est pas qu’un mouvement populaire. C’est l’expression même de la démocratie : le peuple reprenant le pouvoir, afin de faire changer les choses.

Antoine Barré
(Merci à Jigsaw pour la relecture)

Le cinéma français : arrêtez de massacrer notre enfance !

Il serait peut-être temps d’ouvrir les yeux : notre enfance est massacrée. Et ce au nom de « l’art », de la « culture ». Je veux parler ici des adaptations cinématographiques de nos héros de la bande dessinée. 

Gaston Lagaffe, le plus grand inventeur du siècle passé : qui a besoin d’une bombe radioactive pour détruire un pâté de maison ou deux quand un instrument de musique fait le même travail… La radioactivité en moins ?  Éternel employé de bureau aux éditions Dupuis, il passe son temps à procrastiner et à esquiver les corvées diverses et variées, ainsi qu’à converser avec Jules-de-chez-Smith-en-face. Antimilitariste, pratiquement un hippie, feignasse de première qualité, il s’agit du Saint Patron officieux des employés de bureaux, le modèle auquel, en fin de compte, nous aspirons tous à devenir, un jour ou un autre.

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Et ce brillant personnage va bientôt subir la malédiction qui s’est abattue sur bien des héros de notre enfance : l’adaptation en prise de vue réelle au cinéma. Dans un film français.

Le cimetière des héros

C’est bien simple : le cinéma français a anéanti mon enfance. Prenons l’exemple d’un des Français des plus célèbres au monde, le Général de Gaulle excepté. Mis à part Mission Cléopâtre, à mes yeux, l’image d’Astérix au cinéma est à jamais fanée. Mixage de plusieurs histoires entres elles quand elles n’ont aucun lien de base (Astérix et Obélix contre César ainsi qu’Astérix et Obélix : au service de sa Majesté), ajout d’amourette ridicule et n’ayant concrètement aucun intérêt (Astérix aux Jeux Olympiques), c’est dans une longue déchéance que s’est abîmé l’incarnation de ce que l’on peut appeler « l’esprit Gaulois ».

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Blagues parfois forcées, humour de situation parfois déplacé, au vu du caractère initial de la bande dessinée, ajout d’intrigues secondaires (ou qui se souhaitent primaires) ne servant, en définitive, que de McGuffin… Il est triste de voir qu’entre 1999 et 2014, les quelques adaptations cinématographiques des aventures d’Astérix qui valent la peine d’être vus sont uniquement les dessins animés. Je dis « il est triste » étant donné les talents peuplant le cinéma français et ayant participé aux films : Gérard Depardieu (merveilleux et touchant dans Cyrano de Bergerac), Edouard Baer (Edouard Baer), Christian Clavier (un Napoléon des plus magistraux), etc…

Et ce n’est pas le seul à avoir subi la nouvelle Malédiction d’Infogrames (on prend tes héros de bande dessinée favoris et on en fait un magistral étron). Lucky Luke (Les Dalton sont relativement sauvés par le duo Eric & Ramzy… Et encore) qui vit une aventure ne semblant être qu’un mixage de plusieurs histoires dans lesquelles on déverse des éléments de scénario inutiles à l’histoire… Joué par Jean Dujardin ( un Oscar n’est pas suffisant pour expier ce carnage), on voit un Lucky Luke qui vit une romance réciproque… Quand on sait qu’il fut souvent courtisé, et même marié une fois dans La Fiancée de Lucky Luke (le temps d’un album et de faire sortir le promis initial de la prison…) sans qu’il y ai de véritable réciprocité de sa part, on a l’impression de voir l’oeuvre originale être trahie et poignardée à plusieurs reprises…

Et là, je ne parle que des plus iconiques, des héros ayant traversé les générations ! Parce que si l’on continuer à se faire mal, on peut parler des moins connus (quoique…), comme Les Profs ou L’Élève Ducobu.

Je vais commencer par L’Elève Ducobu, pour une raison assez simple : il s’agit de l’histoire d’un éternel cancre, celui qui se rebelle contre l’autorité incarnée par son professeur, Gustave Latouche, vêtu comme ceux que l’on surnommait « les Hussards noirs de la République ».

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Ducobu et Léonie Gratin, sa voisine, représentent l’insouciance de notre enfance, ceux auxquels nous souhaitons, d’une façon ou d’une autre, ressembler, mélangeant l’ingéniosité du cancre à l’intellect de la surdouée (bien qu’il soit sous-entendu que Ducobu soit lui aussi surdoué, mais que le système scolaire soit inadapté, d’une façon ou d’une autre, à son cas). De plus, on y trouve un fond de morale, de sagesse qui, loin de contraster avec l’humour présent dans les dessins, permet de remettre les pieds sur terre.

Quant à Gustave Latouche, leur professeur, bien qu’il soit l’incarnation d’une figure autoritaire et (pratiquement) intransigeante, parvient à devenir attachant, auprès des lecteurs, notamment quand on apprend qu’il était lui-même un cancre dans sa jeunesse (voire « le pire élève » que son professeur ait eu…)

Et c’est pourquoi j’ai été… Déçu de voir qu’un film en prise de vue réelle allait sortir sur eux. Certes, les acteurs sont ressemblants, mais il n’y a pas la même magie, la même attraction : les aventures de Ducobu dépassent rarement la dizaine de pages, et il n’y a guère de continuité entre les différents gags. Car en définitive, ils n’en n’ont pas besoin, chaque gag se suffisant à lui-même.

Le même cas de figure revient avec la bande dessinée Les Profs : mis à part l’année se déroulant, et l’apparition de gags concernant les vacances scolaires, il n’y a guère de véritable continuité chronologique. Les acteurs (mis à part Stéfi Celma) n’ont même guère de ressemblance avec les personnages qu’ils sont supposés incarner, ce qui contribue à la mauvaise impression ressentie par les spectateurs. La suite du film joue plus sur la présence d’une gueule connue à l’affiche que sur un véritable lien avec l’univers original.

Des stars, oui, n’importe lesquelles, non.

C’est sans doute ma principale critique : pour tenter d’attirer le public, on cherche à recruter n’importe qui afin de sauver le film. Je m’insurge ici, par exemple, contre le choix de Kev Adams dans le rôle de Boulard, version améliorée de Ducobu puisqu’il est parvenu jusqu’en classe de Terminale, où il stagne depuis au grand désespoir de ses professeurs. Le choix de l’humoriste est évident : attirer ses fans pour tenter de rentabiliser au mieux  un film au scénario proche de celui des « Sous-Doués passent le Bac« , en moins amusant.

Mais cette critique peut s’étendre aussi aux autres films pré-cités : même si Elie Semoun possède un physique proche de celui de Monsieur Latouche (le nez à la Cyrano en moins), il ne possède pas le charisme de ce dernier. On aurait presque envie de plaindre ce petit instituteur de campagne semblant incapable de manifester une certaine autorité… Ce qui est triste, étant donné qu’Elie Semoun possède un véritable talent d’acteur…

Le problème, ici, vient surtout du fait que l’on va choisir des stars, à l’instar de Kev Adams, ou bien des noms connus du cinéma français dans le but d’avoir des personnalité en tête d’affiche, simplement pour s’assurer une bonne sortie en salle. Il serait pourtant préférable de faire son choix en fonction des talents des acteurs, de l’univers dans lequel ils évolueront, et dans le cas d’adaptation, de s’assurer de leur ressemblance physique avec le rôle qu’ils auront à jouer.

De Maesmeker montrant la voie (allégorie - Franquin)
(Oui, je signifie par-là qu’il serait bon de faire un autodafé avec certains scénarios. Et certains acteurs. Et certains réalisateurs.)

Notons qu’une critique similaire peut s’appliquer au doublage de films étrangers : souvenons-nous de la polémique qui suivit l’annonce de la présence de Squeezie au casting de Ratchet & Clank dans le rôle de Ratchet, ainsi que l’ajout de quelques Youtubeurs français dans des rôles secondaire. Bien des puristes (et des non-puristes) crièrent au scandale, arguant que le distributeur français (et la boîte de doublage) privilégiaient les rentrées d’argent à l’esprit original de la licence, tandis que la version originale du film (en anglais), bien que comportant quelques célébrités (comme Stallone) parmi les doubleurs, avait conservé la majorité des voix originales.

Ne restons pas dans le négatif

Bon, il est vrai que j’ai tiré à boulet rouge sur le cinéma français et sa tendance à faire de mauvaises adaptations. Pourtant, tout n’est pas aussi sombre : l’adaptation de Seuls, par exemple, semble promettre par un scénario rassemblant au mieux (d’après la bande-annonce) un maximum d’éléments des différents livres, tout en conservant une certaine cohésion.

Enfin, les films d’animations ne sont pas en reste et permettent, outre de le fait de garder une patte graphique proche de l’original, de mettre en place une certaine dynamique, des expressions faciales plus éloquentes et de jouer sur les poses physiques des personnages. Or, la France a un grand talent en matière d’animation, puisque Miraculeuse Coccinelle et Wakfu, deux séries d’animations françaises, se sont très bien exportées, tandis que trois films d’animations, dont deux adaptations (Le Petit Prince et Astérix : le Domaine des Dieux), faisaient partie des meilleurs films français ayant eu le plus de succès à l’étranger en 2015.

Peut-être est-ce l’occasion de se poser la question : Gaston Lagaffe mérite-t-il une adaptation cinématographique ? Qui sait, peut-être, après tout, on peut peut-être en tirer une aventure loufoque à la façon de Spirou ? Mais est-ce que cela doit être une production en prise de vue réelle ? Clairement, non. Ce serait perdre le charme qui fait de ce anti-héros un personnage aussi attachant.

Antoine Barré

Le Mal et la sexualité

La sexualité, dans la fiction, semble être une des nombreuses façons de départager les protagonistes et les antagonistes. Toutefois, il est à noter qu’un même schéma se dégage de  la description des rapports sexuels des différents personnages, contribuant à la mise en place d’un cliché tenace.

[A noter que cet article est une série de réflexions de la part de l’auteur, issu de ses lectures]

Au commencement

Tout débuta tandis que je lisais le premier volume de Nécroscope, écrit par Brian Lumley. Un Nécroscope, c’est une personne capable de converser avec les morts, un peu comme un Nécromancien, en fait. Sauf que les deux disciplines sont fondamentalement différentes : la Nécroscopie est un don, la Nécromancie, un savoir. Et pour pratiquer la Nécromancie, il est nécessaire de désacraliser le corps du macchabée pour lui arracher ses secrets (au sens littéral du terme) . Entendons par-là que le Nécromant est obligé de détruire le corps de la personne qu’il interroge à mains nues, de briser les côtes, les poumons, le cœur, etc… Quand le Nécroscope a tout simplement besoin de s’asseoir près d’une tombe pour converser avec un défunt et apprendre auprès de lui.

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Boris Dragosani pratiquant la Nécromancie

Dans le récit de Brian Lumley, son héro (Harry Keogh) est un Nécroscope, tandis que l’antagoniste du premier volume (Boris Dragosani) est un Nécromancien. Le premier est apprécié par les morts, car il leur permet de tromper l’ennui et la monotonie du trépas, tout en partageant avec lui leurs connaissances, sachant ainsi qu’elles ne seront donc pas perdues à jamais. Le second, par contre, est détesté, haï par les défunts puisqu’il profane leurs corps pour découvrir leurs savoirs.
On a donc deux personnages, aux capacités proches, mais chacun défini à un spectre opposé à l’autre.

A priori, vous vous demandez quel est le rapport avec le titre de cet article. Et vous avez raison, c’est pourquoi j’en viens aux faits. Les deux personnages, Harry Keogh et Boris Dragosani, vont vivre leurs premières expériences sexuelles dans ce premier volume, chacun sous la « gouverne » d’un mentor. Mais c’est là où les choses diffèrent : Harry va avoir l’appui d’un grand libertin du XVIIème siècle (si je ne m’abuse), tandis que Boris sera « contrôlé » par son professeur en nécromancie : Thibor Ferenczy, Vampyre de son état, celui qui donna son surnom à Vlad l’Empaleur tout en se vantant d’avoir forcé plus d’une centaine de femmes… Bref, tout un programme.

Et, bien entendu, la description de ces premiers rapports diffère grandement : là où Harry Keogh va emmener sa petite amie au 7ème ciel (je dirais « littéralement » s’il avait pu installer un moteur de fusée sous son lit), la partenaire de Boris reste marquée par cette étreinte, et il est sous-entendu qu’elle fut pratiquement violentée, au point où le Nécromancien s’en prend ensuite à son professeur en lui demandant si cette agressivité était nécessaire (ce à quoi il répond peu ou prou : « Oui. »).

Je ne suis pas choqué aisément, ayant lu Sade, j’ai eu un aperçu assez détaillé des bas-fonds dans lesquels l’être humain peut plonger afin d’assouvir ses pulsions. Toutefois, la présence de ces scènes m’a interpellé. Était-ce réellement nécessaire de démarquer ainsi les protagonistes, alors qu’ils sont tous deux décrits comme des opposés et interprétés comme tels par le lecteur ?

Non. Mais cela permet de les différencier plus encore, et force le lecteur à ressentir une certaine antipathie envers Dragosani. Dans le second volume, Vampyri, la sexualité est à nouveau usée dans une forme violente par l’antagoniste, Yulian Bodescu, ce dernier s’en servant pour mettre sous son emprise sa cousine et sa tante (voire sa propre mère, si les sous-entendus sont clairs). A nouveau, l’on peut se demander si cela est réellement nécessaire. La réponse est une nouvelle fois « non ». Cela sert juste à montrer à quel point l’antagoniste est mauvais, tout en usant d’une déviance sexuelle qui n’est pas admise dans les canons moraux de notre société.

Jusqu’où va le terrier

A la suite de ces lectures, je me suis posé la question : a quel point la sexualité était-elle représentée dans la fiction, notamment afin de souligner les travers des antagonistes ? En fait… Assez souvent, notamment dans les genres littéraires Fantastique, Fantasy ou de Science-Fiction. En effet les auteurs, jouant sur le fait que les différents personnages représentés sont totalement fictifs, ont parfois tendance à exagérer certaines scènes, quitte à partir dans les extrêmes les plus sordides.

[L’auteur de ces lignes n’échappe pas à cela, puisque dans la Partie 4 de Rédemption, Lust, membre de la Ghost Division et donc faisant partie des antagonistes du récit, torture et massacre un officier britannique durant leur étreinte.]

Comme je l’ai dis, la sexualité est souvent utilisée dans la fiction afin de montrer jusqu’où un antagoniste peut aller dans l’immoralité, puisque c’est l’occasion de surenchérir. La série L’Épée de Vérité, de Terry Goodkind, donne un assez bon aperçu de cela. Les Mords-Siths, par exemple, dans le premier volume des antagonistes puis des alliés de Richard Rahl à partir du second volume, sont brisées à trois reprises de façon psychologique lors de leur formation, notamment par l’usage du viol, qu’elles le subissent, ou bien qu’elles y assistent tandis que c’est un membre de leur famille (en l’occurrence leurs mères) qui y est exposé.

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Par la suite, il est fortement sous-entendu qu’elles usent d’une forme alternative (et fort violente) de la domination sexuelle afin de parvenir à leurs fins, c’est-à-dire le « dressage » d’êtres humains.

Toujours dans le cycle de L’Épée de Vérité, deux des principaux antagonistes sont eux aussi décrits ne pouvant se satisfaire que dans la violence de leurs rapports : Darken Rahl, qui viole et tue (tout en partageant cette caractéristique avec de nombreux autres Rahl, dont deux de ses enfants…), et l’Empereur Jagang, qui impose des rapports, ou des humiliations sexuelles, aux Sœurs de l’Obscurité venues le rejoindre.

La violence sexuelle, dans la fiction littéraire, est une façon de faire éprouver au lecteur une antipathie pure envers les personnages capables de s’abaisser à de telles extrémités.
Parmi les sévices les plus courants infligés lors d’actes de torture, on remarque la présence du viol. Ce dernier a (malheureusement) prouvé son efficacité : souillure, rejet, blessures autant physiques que mentales, les victimes n’en ressortent jamais indemnes et sont durablement brisées. Il s’agit d’un moyen de dominer sa victime et la rabaisser. Tout au long de L’Épée de Vérité, bien des personnages, protagonistes comme antagonistes, sont menacés à plusieurs reprises de viol, ou bien en font les frais, quand bien même cela n’est qu’exprimé.

Toutefois, on peut opposer à l’exemple de L’Épée de Vérité le personnage de Dracula, dans le roman épistolaire du même nom. Hors, en réalité, il s’agit de l’exception qui confirme la règle. Le personnage de Vlad « Tepes » III Basarab Draculea, dans le roman d’Abraham Stoker Junior, est assez intéressant dans son écriture. En effet, le récit est construit autour d’une certaine sensualité présente dans les rapports entre les personnages… On peut notamment prendre en compte les efforts de Van Helsing et de ses compagnons cherchant à préserver au plus longtemps la vie de Lucy Westenra en lui offrant volontiers leur propre sang. Et pourtant… Si l’adaptation cinématographique de 1992 (réalisé par Francis Ford Coppola) montre une certaine romance se développant entre Mina Harker et Dracula et atteignant son paroxysme lors d’une scène où l’érotisme se mêle à la sensualité…

… Dans le roman, la scène est bien plus sordide, jugez-en plutôt :

« Sur le lit près de la fenêtre gisait Jonathan Harker, le visage congestionné, la respiration pénible, comme s’il était dans un état d’hypnose. Agenouillée à l’autre bout de l’autre lit, le plus près de nous, la silhouette blanche de sa femme. A côté d’elle se tenait un homme […]. De la main gauche il tenait les deux mains de Mrs Harker et les écartait le plus possible du corps ; de sa main droite, il lui avait saisi le cou, obligeant son visage à se pencher sur sa poitrine. La chemise de nuit blanche était éclaboussée de sang et un mince filet rouge coulait sur la poitrine dénudée de l’homme. La scène présentait une terrible ressemblance avec une scène plus familière – par exemple un enfant que l’on oblige à avaler un brouet qu’il n’aime pas. »

Difficile de ne pas faire d’amalgame avec un rapport sexuel oral forcé : Dracula assujettit sa proie, en l’occurrence Mina, l’empêche de se mouvoir et la plaque contre lui, tandis que ses yeux « brûlaient d’une terrible passion« . La jeune femme, à l’inverse, est dégoûtée par l’acte auquel elle est forcée, et effectue un véritable rejet à l’encontre d’elle-même quelques minutes plus tard, en se rendant compte qu’elle a souillé de sang la chemise de son époux :

« Impure ! Impure ! Je ne puis plus le toucher, ni l’embrasser ! Quelle horreur : être à présent sa pire ennemie ! Celle qu’il doit à présent craindre le plus au monde ! »

L’étreinte que Dracula a ainsi imposé à Mina est toute aussi violente et brutale que celles de Boris Dragosani, Darken Rahl et encore bien d’autres antagonistes.

Et la parité ?

Et oui, il n’y a pas que des hommes qui font office d’antagonistes dans la fiction littéraire, les femmes ont aussi droit à leur représentation. Mais leur traitement diffère quelque peu.
Les hommes sont décrits majoritairement comme violents, voire au comportement pratiquement bestial. A l’inverse, les femmes sont perçues comme des manipulatrices, des séductrices jouant de leurs charmes afin de parvenir à leurs fins.

Milady de Winter, dans Les Trois Mousquetaires, est un assez bon exemple de ce genre d’écriture de personnage.

Gaby Sylvia dans le rôle de Milady de Winter
Gaby Sylvia dans le rôle de Milady de Winter

Tout au long de l’histoire, elle est perçue comme l’archétype de la femme fatale (celui revenant le plus souvent quand on traite d’un antagoniste féminin), au sens strict du terme puisqu’elle mène John Felton et Buckingham à la mort, manipulant le premier en lui contant une sordide histoire de mœurs concernant le second. On en apprend beaucoup sur sa carrière criminelle, marquée par la séduction et la mort de ses amants, qu’elle les ait poussé au suicide ou bien qu’elle les ai tué de sa propre main (deux d’entre eux, outre Athos, sont connus). Sa féminité est sa meilleure arme : croqueuse d’hommes, elle les mènes à leur perte tout en leur faisant miroiter ses charmes.

Cette différence de traitement entre les sexes peut résulter de l’idée répandue que les femmes sont, contrairement aux hommes, des roses fragiles… Mais hérissées d’épines et en réalité aussi dangereuses que des serpents.

En fin de compte…

La majorité des auteurs vont chercher à distinguer les héros de leurs adversaires en jouant sur un « effet-miroir », c’est-à-dire que leurs motivations, leurs caractères, voire leurs physiques vont s’opposer en tout point.

Or, le sexe est perçu comme la quintessence de l’intimité, à un point confinant pratiquement au sacré. De nombreuses religions ont un avis particulier et tranché sur la sexualité, tandis que de nombreux contes mythologiques tournent autour de la sexualité (#TeamZeus). Cela n’est pas qu’une étreinte passionnée entre deux êtres, c’est aussi la création de la vie, la création passant par la femme. Le fait de mettre en place des antagonistes possédant une sexualité violente, c’est présenter une profanation de cette intimité sacrée et, dans le cas où l’antagoniste est une femme, c’est l’instrumentalisation d’un élément sacré intrinsèque à elle-même.

Antoine Barré
(Je remercie Jigsaw et Aela pour la relecture)

Pourquoi les jeunes devraient-ils aller voter ?

L’on a tendance à déclarer, assez abusivement, qu’être jeune, c’est être de gauche, que ce soit dans la conviction politique, sociale ou idéologique. Pourtant, est-ce que la primaire de la gauche, qui se tiendra à la fin du mois de janvier, peut les inciter à se choisir un candidat ?

Qui va aller voter ? Rue Solférino, la question est sur toutes les lèvres. Et la réponse fait peur. Alors que la primaire de la droite était un succès populaire, attirant près de 4 millions de votants, seul 6% des 18-25 ans se sont déplacés, tandis que 35% des plus de 65 ans et 23% des 50-64 ans sont allés déposer un bulletin dans les urnes. Preuve supplémentaire d’une fracture générationnelle entre « les jeunes » (18-25, voire 30 ans), ou une partie d’entre eux, et les « vieux », (50-99 ans).

Suite au Brexit et à l’élection de Donald Trump, plusieurs personnes, relativement influentes sur les niveaux sociaux, à l’instar de Yoann Nègre, ont proposé à ce que l’on retire le droit de vote aux personnes âgées, une fois passé un certain stade, afin « d’éviter que l’on freine stupidement la marche du progrès en choisissant sciemment de faire un retour en arrière à cause de deux ou trois personnes qu’il est simple d’effrayer en agitant un bâton ! »

Si l’on part alors du principe (quelque peu manichéen) que la primaire de la droite était l’occasion pour les « vieux » de choisir leur candidat, celle de la gauche devrait logiquement permettre aux « jeunes » de choisir le leur, s’ils se déplacent jusqu’aux bureaux de vote. Or, quelles sont les propositions susceptible d’impacter leur vote ?

De la Génération Banga à la Génération Ganja ?

Si l’on se penche sur les programmes des candidats, seul cinq d’entre eux font une proposition susceptible d’accueillir l’unanimité des suffrages : Jean-Luc Bennhamias, Benoît Hamon, François de Rugy, Sylvia Pinel et Vincent Peillon. En effet, ils avancent l’idée de la dépénalisation du cannabis voire même de sa légalisation et de sa commercialisation, sous contrôle de l’Etat s’entend. Les raisons sont multiples, et vont de la lutte contre les trafics à la question de santé afin de lutter contre les dépendances.

Or, il s’agit d’une seule proposition « susceptible » de fédérer les « jeunes » autour d’un candidat, en se basant sur l’idée répandue selon laquelle ils sont des consommateurs invétérés de drogue, que ce soit dans un but médical ou dans un but récréatif, comme le disait Yannick Jadot (candidat à la présidentielle pour Europe-Ecologie) dans une interview adressée à Valeurs Actuelles, dans lequel il expliquait être pour la légalisation du cannabis car il ne voyait pas de problème à  : « Se partager un joint de cannabis le vendredi soir [avec des amis, ndla] ».

Malheureusement, cela démontre d’un point de vue sur les jeunes électeurs quelque peu étriqué, les réduisant à des personnes simples, dépourvues d’ambitions, si ce n’est vivre éternellement dans un paradis artificiel alimenté par des composés chimiques ou naturels. La nouvelle génération de votants semble ne rien attendre de la vie, et des politiques : durant les municipales, seul 39% d’entre eux se sont déplacés, tandis que les régionales ont vu une abstention record chez les 18-24 ans (66%) et les 25-34 ans (61%). Pourtant, en creusant les programmes des candidats, on se rend compte que bien des propositions sont susceptibles de les attirer. 

La priorité à l’éducation

Si l’on part sur l’hypothèse que les « jeunes » sont en lycée, ou bien suivent des études supérieures, plusieurs propositions peuvent faire pencher la balance. Le rehaussement de l’âge limite pour entrer en apprentissage (Vincent Peillon) à 30 ans, entre autre, permet de donner une seconde chance, ainsi qu’une expérience, une qualification qui est de nos jours très souvent recherchée par les potentiels employeurs. En face de cela, des cours de préparation à l’université durant la terminale (Jean-Luc Bennhamias) offre l’opportunité aux futurs bacheliers d’avoir un véritable avant-goût de ce que sont les études supérieures, au lieu de simplement les « jeter » dans un système éducatif bien différent de celui auquel ils étaient habitués, et dans lequel on risque de se trouver rapidement perdu. 

Si l’on considère que la tranche d’âge intéressée est 18-30 ans, on peut supposer qu’il se trouve dans ces électeurs susceptibles de se rendre aux urnes de jeunes parents, dont les enfants entreraient dans le système scolaire durant le quinquennat d’un des candidats à la primaire de la gauche (si celui-ci est élu, s’entend). Ici aussi, les candidats ont leurs propositions, même si certaines sont quelques peu… Farfelues.

Par exemple, la proposition d’Arnaud Montebourg, qui consiste à ce que le même instituteur suive la même classe, depuis le CP jusqu’au CM2, peut sembler être une bonne idée, mais elle ne prend pas en compte les éventuels déménagements, ou les arrivées d’élèves, sans oublier le fait qu’à chaque nouvelle rentrée scolaire, un nouveau professeur devra prendre en charge les nouveaux élèves de CP et s’en occuper cinq ans durant. La proposition ne prend pas en compte non plus la formation (qui risque d’être accélérée) des enseignants engagés pour prendre en charge ces nouvelles classes. Même en prenant en compte un roulement de cinq ans avec les effectifs déjà présent dans l’établissement, on supprime par ailleurs officieusement le redoublement des classes.

Enfin, nombre d’autres candidats, à savoir Benoît Hamon, Manuel Valls, Vincent Peillon et Sylvia Pinel, proposent de rendre obligatoire la scolarisation de l’enfant, dès l’âge de 3 ans, au lieu de 6 ans actuellement. De plus, Benoît Hamon, François de Rugy et Vincent Peillon mettent l’accent sur le recrutement des futurs enseignants et leur formation dans le même temps, là où, pour reprendre les propositions d’Arnaud Montebourg, ce dernier ne cherche « qu’à » revaloriser les salaires et donner une meilleure formation aux professeurs, sans pour autant en augmenter l’effectif.

Passons aux sujets fâcheux

Il est toutefois stupide de penser que l’on ne peut voter que pour les « bons aspects » d’un candidat, tout en omettant les côtés « négatifs » de sa campagne. Voter pour un candidat, que ce soit à la primaire, durant les municipales, la présidentielle, etc… C’est voter pour son programme dans son entier.

Au début de cet article, nous partions sur l’idée que la primaire de la gauche était la primaire permettant aux « jeunes » de choisir leur candidat. Or, on déclare aussi, assez abusivement, qu’être un « jeune », c’est être de gauche et ce que ce soit dans sa conception politique, sociale et idéologique, ce qui peut provoquer un certain choc, vis-à-vis des propositions des candidats sur le secteur de la Justice et de l’Intérieur.

De nombreux candidats proposent en effet la relance de la police de proximité, tout en augmentant le budget de la Justice, propositions qui peut faire grincer des dents, si l’on reste dans le manichéen schéma de « la Gauche juste, bienveillante et humaniste », opposée à « la Droite « totalitaire » et policière, voire dictatoriale ».

Or, il faut l’avouer, il est visible que les Français, lors de la présidentielle, vont voter non seulement pour un programme éducatif ou culturel, mais aussi et surtout pour un programme qui les confortera dans un sentiment de sécurité bienvenu, dans des temps quelque peu troublés par les attentats et les menaces extérieures.

C’est pourquoi les « jeunes » vont devoir mettre de l’eau dans leur vin, et accepter que, quel que soit le candidat pour lequel ils voteront à la primaire de la gauche, se faisant, ils n’accepteront pas uniquement son projet de dépénalisation ou de légalisation du cannabis, ou le fait que leur poulain mettra la culture française au cœur de ses priorités, mais qu’ils acceptent aussi ses « défauts », quels qu’ils soient.

Antoine Barré

Pourquoi éliminer le starets tsar ?

Grigori Raspoutine, le « moine fou », est un être humain dont la légende continue de faire parler d’elle, y compris en-dehors des frontières russes. 

Était-ce, comme l’ont prétendu certains, un espion ? Ou bien son influence sur la famille impériale était-elle le déclencheur du complot ourdit par le prince Felix Ioussoupov ? A l’occasion du centenaire de son assassinat, penchons-nous sur ce personnage et le complot qui mena à sa mort.

Qui était Grigori Efimovitch Raspoutine, avant d’être Raspoutine ?

Difficile de ne pas savoir qui il fut lors des dernières années de sa vie. La mainmise du moine sur la famille tsariste est aujourd’hui bien connue, et à l’époque sa présence était des plus pesantes au sein de la cour de St-Petersbourg. Mais son histoire, avant son arrivée au Palais Alexandre, est assez peu connue.

Selon toute vraisemblance, il s’agissait d’un moujik sibérien, vivant dans la partie orientale de cette région et marié, ayant eu cinq enfants avec sa femme : Mikhail et Georguiï (tous deux décédés en bas âge), ainsi que Maria, Varvara et Dimitri.

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Raspoutine entouré de ses enfants

Tout débuta quand le jeune Grigori Raspoutine, vers ses seize ans, eut la vision d’un ange, dans la campagne sibérienne. Il devint par la suite un assidu lecteur de la Bible, tout en alternant des périodes d’ascétisme et de frénésie sexuelle. En 1894 (il a alors environ 25 ans), le starets fait face à une apparition mariale, à la suite de laquelle il entame un long voyage de plus de dix mois, en direction du Mont Athos, en Grèce, sur lequel sont érigés près d’une vingtaine de monastères orthodoxes. Il reviendra chez lui deux ans plus tard, après avoir fait de nombreuses haltes dans divers monastères sur le chemin du retour.

Suite à cela débute une vie d’errances et de pèlerinages, durant lesquels certains supposent qu’il prit contact avec la secte des khlysty (les flagellants). Ces derniers, à la base un groupuscule religieux rejetant l’Eglise orthodoxe officielle, prônaient la victoire sur le péché par le péché, la débauche devenant ainsi un mal nécessaire afin de marcher sur le chemin de la rédemption. La prise de contact entre Raspoutine et cette secte n’est pas avérée, même si le starets prêchait durant son sacerdoce pétersbourgeois quelques préceptes proches des croyances khlysty.

Il fut remarqué à Kiev, par la grande-duchesse Militza de Monténégro, qui l’invita à Saint-Pétersbourg en 1903 (son arrivée dans la capitale eut lieu au printemps 1904), où il fit la rencontre d’Anna Vyrouvbova, la demoiselle d’honneur de la tsarine. A noter qu’un an auparavant, durant son voyage en direction de la capitale, il prédit la naissance du futur tsarévitch Alexis, lors d’une transe le prenant durant la canonisation de Séraphin de Sarov, l’un des saints des plus populaires de l’Eglise orthodoxe.

C’est en 1905 qu’il fit la rencontre de la famille du tsar, et fait immédiatement preuve de ses talents en matière de guérison pratiquement surnaturelle, puisqu’il parvient à améliorer la santé du jeune tsarévitch, même par téléphone !

Notons toutefois que l’un des traits du starets des plus frappant est sans nul doute son regard, un regard pénétrant qui, même capturé par la magie de la photographie, semble, à l’instar de celui de Mona Lisa, suivre son vis-à-vis, où qu’il se situe.

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A ce sujet, l’ambassadeur de France à Saint-Pétersbourg, Maurice Paléologue, témoignera de l’intensité de son regard de la façon suivante :

« C’était un regard à la fois pénétrant et rassurant, naïf et malin, fixe et lointain. Mais lorsque son discours s’enhardissait, un magnétisme incontestable s’échappait de ses pupilles. »

Un homme plébiscité

Ironie de la chose, Raspoutine était fort apprécié de pratiquement toutes les factions existant dans la Russie tsariste, ses assassins et une partie de la noblesse exceptés.

Les popes voient en lui le moyen d’échapper au synode sous tutelle de l’Etat instauré par Pierre le Grand en 1721, pour revenir au patriarcat tel qu’il était organisé auparavant, tout en espérant que ce starets pratiquement illettré permette au tsar de comprendre quelles sont les difficultés que traverse le peuple, et en particulier les moujiks.

Les milieux culturels et intellectuels fortunés pétersbourgeois, férus de spiritisme, occultisme et autres pratiques magiques, le voient comme le starets parfait : un homme du peuple doué d’une sagesse, voire de pouvoirs pratiquement divins. Aux yeux de la famille du tsar, c’est un ange noir qui sauve leur fils, atteint d’hémophilie, ou du moins le soulage de ses pires douleurs, même par téléphone !

Enfin, les bolcheviques eux-mêmes apprécient de savoir qu’un homme tel que lui est proche du pouvoir, soupçonné par certains d’être proche de la secte des khlysty. En effet, ces derniers sont, selon les mots de Vladimir Bontch-Brouevitch, le secrétaire de Lenine, des « ennemis farouches de tout ce qui émane des autorités [… et avec lesquels] un rapprochement tactique [serait fort avantageux] ».
Les sectes auront grandement participé à la propagande bolchevique, en faisant passer près de quatre tonnes de littérature de propagande en Russie.
Quant au personnage en lui-même, il est vu par les bolcheviques comme un héro, surnommé « Gricha », qui est, selon les mots d’Eugène Zamiatine (écrivain satirique) leur « compère qui est au pouvoir« . Du moins… Jusqu’à son trépas.

La mainmise du moine

Un poids pesant sur la Russie, c’était ainsi qu’il était toutefois vu par une partie de l’élite moscovite. Grigori Raspoutine et sa façon toujours plus insistante de se montrer indispensable auprès de la tsarine dérangeait. Indispensable car, semblait-il, seul capable de soigner le jeune tsarevitch Alexis, souffrant d’hémophilie.
Histoire de minimiser ses capacités, il est bon de rappeler que les curateurs de la cour voyaient en l’aspirine une véritable panacée, tout en ignorant, non pas à dessein semble-t-il, son effet anti-coagulant, donc aggravant dans le traitement des cas d’hémophilie.

Toutefois, le véritable poids de Raspoutine sur la politique russe n’est visible qu’à compter d’août 1915. A partir de ce mois-ci, le gouvernement intérieur est conféré à la tsarine par son époux. Hors, Raspoutine lui rend quotidiennement visite et lui prodigue de nombreux conseils. La tsarine lui fait tant confiance qu’elle le laisse s’occuper d’affaires sensibles, voire de questions concernant l’Empire. Il fait et défait ministres, conseillers et généraux, au point qu’au moment de son assassinat, il semblait impossible de savoir qui dirigeait l’Empire Russe : le tsar, ou le starets ?

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Raspoutine, la tsarine et la confidente de cette dernière

Avant son meurtre, tout avait été fait pour éloigner Raspoutine de la famille impériale, y compris relater les secrets de Polichinelle courant sur sa personne : sa débauche exacerbée, les nombreux scandales l’entourant et bien entendu, son alcoolisme. Rien n’y fait, et les personnes qui se plaignent de lui à la tsarine sont écartées de la cour, rejetées. En effet, le starets avait assuré à cette dernière qu’il était capable de prendre sur lui les péchés de l’humanité et à s’en purifier grâce la débauche, rejoignant en cela les croyances khlysty, renforçant les rumeurs courant sur son appartenance à cette secte.

Une présence gênante autant qu’effrayante

Son influence est telle qu’il effraie les forces membres de la Triple Entente, qui le perçoivent comme un espion à la solde des Allemands. Leur grande crainte est qu’il parvienne à faire retirer les troupes russes du Front de l’Est, ce qui laisserait aux Allemands la possibilité de concentrer toutes ses forces sur l’Ouest.

En effet, et avant même l’entrée en guerre de la Russie, Raspoutine était la voix du pacifisme. Il redoutait notamment une intervention militaire, qui verrait l’Etat réquisitionner les récoltes des paysans. De plus, alors que les Juifs étaient les coupables désignés des défaites de l’armée impériales, considérés comme « des Allemands de l’intérieur », et faisaient l’objets d’une nouvelle chasse aux Juifs, il intervient auprès du tsar afin de faire cesser les persécutions.

Mais c’est surtout les rumeurs courant sur sa prétendue appartenance, ou sa manipulation par l’Allemagne qui faisaient frémir ses détracteurs. De sa position auprès de la tsarine, il pouvait servir d’intermédiaire entre elle et l’Empire allemand. Couplé à ses dons en matière d’hypnose, il était un danger potentiel aux yeux des forces de la Triple Entente.

C’est une des raisons qui expliqueraient pourquoi Oswald Rayner, officier au SIS, se trouvait sur place lors de l’assassinat de Raspoutine : s’assurer que ce dernier ne causera plus de problèmes à la Triple Entente.  Certains ont même suggéré que Felix Ioussoupov était lui aussi un agent des britanniques, laissant entendre que le complot avait été dirigé depuis la Grande Bretagne.

La dernière nuit de Raspoutine

Il est onze heure quand, au Palais Ioussoupof, les préparatifs des conjurés s’achèvent. Le lieutenant Soukhotine, le grand-duc Dimitri Pavlovitch, le député Pourikevitch, le docteur Stanislas Lazovert et Oswald Rayner (dont la participation au complot fut gardée secrète à l’époque) montent à l’étage et diffusent une musique enjouée : Raspoutine est attiré au Palais Ioussoupof par le prince homonyme qui, jouant sur l’appétit sexuel quelque peu dévorant du starets, lui avait fait miroiter une entrevue avec sa propre épouse (qui se trouvait en réalité en Crimée au moment des faits), Irina Alexandrovna.

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Irina Alexandrovna en 1913

Cette dernière était supposée être retenue par des invités, à l’étage, d’où la musique et un restant de festin  au sous-sol, afin que Raspoutine ne se doute de rien. Sur la table sont disposés ses gateaux favoris, dont une partie fut empoisonnée au préalable au cyanure de potassium, et du vin, empoisonné lui aussi.
A minuit et demie, Ioussoupof vient chercher sa victime et l’emmène en grand secret dans son palais : l’entrevue entre Raspoutine et Irina doit absolument être couverte par le sceau du secret.

Le starets, conduit par son hôte, entre dans le palais et est invité à se rafraîchir. Raspoutine rechigne au départ, arguant que « les gâteaux et le vin sont trop sucrés », avant de céder de son propre chef. Le cyanure de potassium est un poison violent, pratiquement instantané et le docteur Lazovert avait assuré qu’il avait injecté dans les pâtisseries une dose capable de tuer un éléphant. Raspoutine boit et mange, sans sembler affecté d’une quelconque façon. Avisant une guitare, posée contre un coin de la pièce, il demande à Ioussoupov d’en jouer pour lui. A 2h30, le prince va rejoindre ses complices, prétextant aller chercher son épouse. En lieu et place, il emprunte le revolver du grand-duc Dimitri et retourne abattre le starets, d’un tir à bout portant.

Ses complices viennent, Raspoutine est au sol, agité de violents spasmes. La crise prend fin, Lazovert prend le pouls et annonce que la balle a traversé le coeur. Raspoutine est mort, les conjurés remontent à l’étage afin de discuter de l’avenir de la Russie. Malgré cela, Ioussoupov est inquiet. Il redescend, prend le pouls du starets. Ce dernier ouvre un œil et se jette sur son assassin, tentant de l’étrangler. Le prince parvient à se défaire de son assaillant et prévient les autres conjurés, tandis que ce dernier, en rampant misérablement, parvient à atteindre la porte donnant sur la cour du palais, et à l’ouvrir, avant de s’enfuir. Pourikevitch le poursuit et lui tire dessus à quatre reprises, mais seules les deux dernières parviennent à leur cible. Le starets titube quelques instants et s’écroule.

Selon toute vraisemblance, Oswald Rayner s’approche à son tour et tire dans le front de Raspoutine, à bout portant. Les conjurés lui remettent les chaussures aux pieds et l’enveloppent dans son manteau, puis, Serguei Soukhotine et Dimitri Pavlovitch le portent jusqu’à l’ile Petrovski. Là, ils le jettent dans un trou pratiqué dans la glace, pendant que le prince Ioussoupov et Pourikevitch, au palais, font disparaître toute trace de l’événement.

Le corps de Raspoutine, après avoir passé trois jours dans les eaux de la Neva.
Le corps de Raspoutine, une fois sorti de la Neva.

Son corps sera retrouvé trois jours plus tard et autopsié très rapidement. Le rapport d’autopsie n’a jamais été publié, toutefois, des éléments obtenus par les témoignages des personnes l’ayant consulté laissent à supposer que l’impact des balles fut mortel, contrairement à la croyance populaire selon laquelle Raspoutine périt noyé. Il s’agit d’un mythe tenace, né après la supposée découverte d’eau dans les poumons du starets lors de l’autopsie.

Il est difficile de savoir s’il possédait réellement ses prétendus pouvoirs mystiques, ces derniers n’apparaissant guère à l’autopsie, mais sa menace à l’encontre de la famille Romanov, qu’elle soit fictive ou réelle, a porté ses fruits : deux mois plus tard, la Russie tombait dans les mains des bolcheviques.

L’héritage de Raspoutine

Etant donné l’influence du starets, et sa place au sein de la famille du tsar, l’histoire ne l’oublia pas, et sa légende a durablement marqué la culture mondiale.
Dès 1917, Herbert Brenon réalise un film sobrement intitulé La Chute des Romanoffs, et qui est considéré comme étant le premier film traitant de la Révolution russe.

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On peut compter plus de vingt-cinq productions cinématographiques et télévisuelles le mettant en scène. Les groupes de musiques s’emparent eux aussi du personnage, l’un des titres des plus connu étant Rasputin, de Boney M, qui porte foi aux rumeurs (infondées) d’une liaison entre le starets et la tsarine.

La littérature et les jeux vidéos le mirent aussi en scène, le dépeignant assez souvent comme un personnage machiavélique et manipulateur.

Toutefois, il est aussi connu pour sa prophétie à l’intention du tsar, contenue dans une lettre dictée quelque temps avant sa mort :

« […] Je laisse derrière moi cette lettre à Saint-Pétersbourg. Je sens qu’avant le 1er janvier je ne serais plus de ce monde. Je voudrais faire savoir au peuple russe, à Papa et à la Mère des Russes (le couple tsariste, NDLA), aux enfants, à la terre de Russie ce qu’ils doivent comprendre. Si je suis tué par des assassins communs, et en particulier par mes frères les paysans, toi, tsar de Russie, ne crains rien, demeure sur ton trône et gouverne, et toi, tsar de Russie, tu n’auras rien à redouter pour tes enfants, car ils régneront durant des siècles sur la Russie. Mais je suis mis à mort par des boyards ou des nobles, et s’ils font couler mon sang, leurs mains demeureront à jamais souillées, et durant vingt-cinq ans, ils ne parviendront pas à le faire disparaître.  Ils quitteront la Russie. Les frères tueront les frères, ils se haïront l’un et l’autre et, durant vingt-cinq ans, il n’y aura plus de nobles dans ce pays. Tsar de la terre de Russie, si tu entends le son du glas qui t’avertira que Grigori a été tué, sache cela : si ce sont tes parents qui ont préparé ma mort, alors aucun membre de ta famille, c’est-à-dire aucun de tes enfants ou de tes parents ne survivra plus de deux. Ils seront tués par le peuple russe. »

Sa prédiction se réalisera : dans la nuit du 16 au 17 juillet 1918, sur ordre de Iakov Sverdlov, Iakov Iourousky, leur geôlier, exécute la famille Romanov et leurs quatre serviteurs, à savoir Anna Demidova (femme de chambre), Ivan Kharitonov,  (cuisinier), Evgueni Sergueïevitch Botkine (médecin) et Alekseï Egorovith Trupp (valet de pied).

Antoine Barré

Grim Dawn : une nouvelle ère ?

Le hack’n slash est un genre vidéoludique souvent oublié, malgré ses très nombreuses accointances avec les Role-Playing Game, et est souvent considéré comme un sous-genre des ARPG (Action Role-Playing Game, comme Dark Souls, ou The Witcher). Grim Dawn, l’un des dernier titre de type hack’n slash à être sorti peut-il donner un coup de souffle à son genre ?

Qu’est-ce que le hack’n slash ?

C’est tout bonnement un type de jeu mettant l’action, et surtout les combats en temps réel au cœur du gameplay, tout en y ajoutant des éléments de jeu de rôle, tel que l’exploration de donjons, dont certains sont générés de façon procédurale. Pour décrire de façon brute ce qu’est le principe de base du hack’n slash, c’est le « porte-monstre-trésor » des jeux de rôles.

Parmi les jeux des plus connus issus de ce genre, on compte les Baldur’s Gate, Hellgate London, mais surtout la trilogie des Diablo, raison pour laquelle on définit souvent le hack’n slash sous le pseudo de « Diablo-like« .

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Le célèbre logo de Diablo

Avant tout, sachez que les expériences de l’auteur de cet article en matière de hack’n slash sont Diablo et Silverfall et que ces jeux lui serviront d’échelle de comparaison avec Grim Dawn.

Autour du jeu

Si Crate Entertainment annonça le début du développement du jeu le 21 janvier 2010, il avait d’ors et déjà annoncé l’acquisition du moteur du jeu Titan Quest (un autre hack’n slash) auprès d’Iron Lore Entertainment fin juillet 2009.
L’un des nombreux points à souligner autour de Grim Dawn est qu’il passa par la case « crowdfunding », via Kickstarter (après avoir reçu d’ors et déjà de nombreux dons de la part de fans), à partir du 17 avril 2012, atteignant au final la somme de 537 515 dollars, soit près du double de la somme espérée au départ.

Une version alpha fut publiée via le Early Access de Steam le 16 mai 2013 et fut régulièrement mis à jour. En juillet 2015, la version fut devenue stable et mature et le jeu connut sa sortie définitive sur Steam le 26 février 2016. Le jeu est actuellement sous sa version 1.0.0.6 (MàJ du 5 octobre 2016). Le jeu est officiellement en anglais, mais l’on a accès à une traduction des textes en français, la communauté française étant l’une des plus à jours et parviennent à avoir une traduction complétée à 100% au fur et à mesure des mises à jour.

Le jeu se situe dans le monde fictif de Cairn, à une époque mélangeant le style victorien et le steampunk, plongeant le joueur dans des paysages somme toutes variés, mais cohérents dans leur ensemble.

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Carte de Grim Dawn

On traverse ainsi des champs, des landes désertiques, des villages en ruines et de sombres cavernes, tout en fauchant (littéralement) les hordes de monstres qui nous font obstacle, tout en découvrant petit à petit les tenants et les aboutissants de Grim Dawn.

Grimdark & Grim Dawn

Le grimdark est une façon de décrire une fiction (généralement de la fantasy) avec un ton sombre, amoral voire dystopique. L’appellation vient du jeu de plateau stratégique Warhammer 40K, et sa présentation :

« In the grim darkness of the far future, there is only war. »

Ce qui, dans sa version française, donne :

« Dans les sinistres ténèbres d’un lointain futur, il ne règne que la guerre. »

Et il faut l’admettre, la narration de Grim Dawn entre parfaitement dans la catégorie Grimdark. La race humaine est littéralement au bord de l’extinction, tandis qu’Ethérés et Chtoniens se font une guerre sans merci afin de s’approprier la suprématie sur les Humains, cherchant à les posséder ou à les transformer en ressources. L’avatar du joueur dans le monde Cairn est ainsi plongé dans une lutte pour la survie, sans merci aucune, tandis qu’il aide ses semblables à retrouver leurs marques et à reprendre leurs terres.

Diablo-like ou non ?

Une très bonne question, puisque de nombreux joueurs décrivent (assez simplement) le jeu comme étant « un Diablo avec des flingues« . Tout comme Diablo possède Tristram, le « hub » de Grim Dawn est le Passage du Diable, où l’on a l’opportunité d’envoyer des PNJ rencontrés au cours de l’aventure, certains pouvant être utile en proposant leurs services de marchands ou de forgerons.

On trace son chemin à travers des hordes ennemies, tout en gérant sa barre de point de vie et celle d’énergie (mana), on entre dans des donjons, ou de petites cavernes afin de battre un boss, tout en affrontant de temps à autre des monstres « élites », possédant un petit signe au-dessus d’eux, parfois même un nom afin de les distinguer des autres monstres dans la mêlée.

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Mais en fin de compte, la comparaison s’arrête là. Certes, l’histoire est découpée en Actes et en Chapitres, mais l’on n’a pas de cinématique nous permettant de les distinguer réellement, et c’est au joueur de parvenir à faire la distinction.

Pour partir sur un autre jeu, Grim Dawn possède quelques similitudes avec Silverfall, comme une conception proche de l’open-world, permettant de pratiquer le back-tracking au fur et à mesure de l’aventure, afin de revenir au hub ou pour farmer les composants nécessaires à la création ou l’amélioration de l’équipement de notre avatar.

De plus, on a accès à un système de factions, offrant un accès privilégié à des objets spéciaux chez certains marchands des factions alliées, au prix du mépris ou de la haine des factions adverses, ce qui rejoint en cela le système de Silverfall, où nos actions nous offraient un choix entre la Nature et la Technologie, et l’accès à des équipements particuliers en fonction de nos choix.

Mais continuer à comparer ainsi, ce serait supposer que Grim Dawn n’est qu’un rip-off des hack’n slash d’ors et déjà existants, alors qu’il s’agit d’un jeu puisant ses inspirations de bien des façons.

En effet, Grim Dawn propose, en plus de son univers mélangeant le steampunk et l’époque victorienne, des éléments ayant leurs places dans des écrits lovecraftiens. Entre les sombres desseins des factions antagonistes (Ethérés et Chtoniens) concernant la race humaine, et les expérimentations visant à son contrôle, aidé par des cristaux, on retrouve un univers somme toute assez proche des péripéties rencontrées dans les parties de L’Appel de Cthulhu. Mais avec l’assurance de s’en sortir vivant un peu plus souvent…

Comme si cela ne suffisait pas, et pour reprendre les propos déjà évoqués dans l’article concernant les open-worlds,  l’histoire de l’univers est extrêmement riche, et on la découvre au travers des dialogues avec les PNJs, ou en lisant les diverses notes éparpillées dans le monde et notamment via les pages du Journal de l’Inquisiteur Creed, un homme qui se trouve au cœur de bien des événements dans le jeu, et qui semble précéder les pas du joueur de quelques semaines seulement, au vu des péripéties qu’il relate.

Une nouvelle ère pour le hack’n slash ?

Une question que l’on peut légitimement se poser. Ne serait-ce que sur Wikipédia (entendez par-là « la source d’info n°1 de tout collégien/lycéen/étudiant qui se respecte« ), le hack’n slash ne comporte « qu’une » vingtaine de jeux, et sur ces derniers, ceux dont on se souvient (relativement bien) sont Baldur’s Gate : Dark Alliance (et sa suite), Dungeon Siege, Sacred et la série Diablo. Parmi ces jeux-là, seule la franchise Diablo se démarque réellement, et ce en grande partie grâce à Activision Blizzard, qui possède entre autre Blizzard Entertainment.

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En face, Crate Entertainment, qui fut fondé par des anciens membres du studio Iron Lore Entertainment quand ce dernier fut fermé pour ne pas avoir pu réunir assez de fond pour son prochain projet, n’a sorti que Grimdawn, après un développement qui prit près de 6 ans (à compter du moment où le jeu fut officiellement annoncé, soit le 21 janvier 2010). Très concrètement, ne serait-ce qu’en terme de poids véritable au sein de l’industrie vidéoludique, Crate Entertainment est écrasé par Blizzard, mais ce n’est pas là le propos de cette section.

L’intérêt est de savoir si la sortie de Grim Dawn permettrait de donner un nouveau souffle au genre du hack’n slash, assez souvent catégorisé comme une autre appellation du beat them all. Très concrètement, on peut l’espérer. Il s’agit d’un genre qui persiste depuis la sortie de Dragon Slayer, un des précurseurs, en 1984. De nos jours le genre, avec ses codes bien ancrés tel que la vue isométrique et les hordes de monstres sans fin, semble s’essouffler, malgré le succès de Diablo III. En face du hack’n slash classique, on oppose assez aisément les RPG à succès tels que Fallout, les Darksiders et l’on en passe, qui proposent bien plus souvent une vue et des contrôles plus immersifs que le hack’n slash moyen, qui recoure généralement à une vue isométrique et un système de point’n click.

Malgré cela, la sortie de Grim Dawn confirme qu’il s’agit d’un genre qui continue d’exister, tout en proposant des univers variés aux joueurs. Mais la question se pose : va-t-on avoir un regain d’intérêt pour le hack’n slash uniquement quand Blizzard (ou un studio de même importance) sort un jeu classé dans ce genre ?

C’est à craindre, à moins qu’il ne vienne à l’esprit des développeurs provenant de studios « mieux côtés » de faire une tentative en ce sens, tout en cherchant à proposer des innovations permettant d’améliorer l’expérience des joueurs.

L’avis du Tatu

Un assez bon jeu. Certes, je préfère largement Silverfall (ce qui a dû se sentir plus haut dans le texte), mais Grim Dawn a quelques qualités fort appréciables : le système de crafting est assez facile à prendre en main, même si le farming, au départ assez lent, rend la démarche fastidieuse.

Toutefois, l’univers est assez bien rendu, on a de nombreuses possibilités d’évolutions, notamment en ayant accès à une seconde classe une fois le niveau 10 atteint. A raison d’actuellement 6 classes de disponibles, on a accès à une trentaine de combinaisons possibles, que l’on peut ajuster à sa guise durant notre partie.

L’histoire en elle-même est intéressante, même s’il est nécessaire de creuser un peu par soi-même pour découvrir la vérité derrière « l’Aube Sinistre ». Les décors sont beaux, pour peu que l’on prenne le temps de les regarder, et l’on sent, de la part des développeurs, une volonté de créer un environnement cohérent, mais qui parvient tout de même à surprendre le joueur.

Apparemment, il est possible d’y jouer à plusieurs, à l’instar de Diablo, mais je n’ai pas encore eu l’occasion de tester la fonctionnalité en question.

Ma note : 17/20.

Il est pour vous si :
– Vous avez toujours rêvé de pouvoir manier des revolvers et des arquebuses dans Diablo
– Votre cosplay favori vient de l’Ordo Hereticus de Warhammer 40 000
– Vous aimez voir des références lovecraftiennes de temps à autre

Il n’est pas pour vous si :
– Vous préférez dérouiller Diablo avec une hache

Grim Dawn, 24,99€ sur Steam

Antoine Barré

Adieu aux Frères Jacques

Dimanche midi, je me balade sur Twitter (une fois n’est pas coutume). Je vois une Tendance « Frères Jacques« . Intrigué, et amateur de leurs nombreuses chansons et interprétations, je clique sur le lien, pour découvrir que Paul Tourenne, le dernier membre du groupe, s’est éteint aujourd’hui à Montréal.

Je l’avoue, je suis ému. Une boule me remonte dans la gorge, tandis que je vérifie s’il s’agit d’un hoax ou d’une véritable nouvelle. Pas de chance, c’est vrai. Il s’agit d’un quatuor dont j’ai assez souvent entendu parler dans ma (courte) vie, notamment grâce à mes grands-parents maternels, qui appréciaient grandement leurs chansons et interprétations, et ont su transmettre cette passion à leurs enfants et à leurs petits-enfants.

Ce quatuor vocal (accompagné de deux pianistes, successivement Pierre Philippe et Hubert Degex) traversait le répertoire chansonnier français avec une certaine aisance, allant de la chanson traditionnelle à celles faisant perler des larmes aux coins des yeux, en passant par la satire, la chanson paillarde et la poésie.

Que l’on soit amateur de hip-hop, de rock, de pop music, de metal ou de dubstep, on ne peut rester insensible face aux vers de ces artistes. D’une façon ou d’une autre, ils parviennent, à travers leurs textes, à nous interpeller, à nous faire rire, pleurer, à nous détendre. L’espace de quelques minutes, ils nous font oublier notre quotidien, nous offrent la possibilité de s’évader quelques instants, loin des innombrables tracas qui nous entourent.

Il me serait difficile de donner leur entière discographie. j’ai donc préféré faire une sélection de leurs chansons me touchant le plus, en espérant que ces dernières vous plairont autant qu’à moi.

La Lune est morte

Parmi les nombreuses comptines ayant bercé mon enfance, je compte notamment « Au Clair de la Lune ». A l’époque, pour une raison ou pour une autre, je supposais que celui demandant une plume à son ami Pierrot cherchait à écrire une lettre à l’astre lunaire pour lui déclarer sa flamme.

Peut-être est-ce pour cela que cette chanson m’émeut : parce que, dans cette logique-ci, la Lune est morte avant d’avoir reçu la lettre, ou bien avant d’écrire une quelconque réponse. Une bien belle histoire histoire d’amour inachevée.

Barbara

Mélancolique, écrite un an après la fin de la Seconde Guerre Mondiale, qui traite de l’absurdité de la guerre, des ravages qu’elle provoque mais aussi posant une juste question : l’amour peut-il survivre à la guerre ? L’homme serrant Barbara contre son sein vit-il ? Ou bien a-t-il disparu sous une bombe ? Barbara, ou celle qui l’inspira, a-t-elle pu entendre cette chanson ?

Autant de questions initialement posées par Jacques Prévert restant sans réponses…

Monsieur William

L’histoire d’un homme, pourtant bien sous tout rapports, qui se rend sur la Treizième Avenue afin d’y rencontrer… Une prostituée. La Treizième Avenue, à New-York, était sise sur les bords de l’Hudson. Il n’en reste plus grand-chose aujourd’hui, si ce ne sont des parkings. Mais, à l’époque où l’histoire est supposée se dérouler, il est à penser qu’il s’agissait d’un lieu bien mal famé, où un employé modèle, du nom de Monsieur William, rencontra son destin face à un homme désirant la même femme que lui.

L’entrecôte

L’histoire, malheureusement aujourd’hui toujours d’actualité, d’une femme qui, afin de nourrir ses enfants, fait commerce de son corps.

Au fil de la chanson, on passe du mépris à la pitié pour cette femme qui, afin de permettre à sa famille de vivre (relativement) dignement, s’enfonce dans les tréfonds de la débauche. Un autre regard posé sur certaines de ces femmes de peines qui hantent toujours certaines de nos rues.

Le Poinçonneur des Lilas

Je la trouve, en fait, tragi-comique. D’un côté, le rythme est enjoué, entraînant et dansant, mais de l’autre, on nous conte l’histoire d’un pauvre employé de la RATP qui passe son temps à perforer des tickets, inlassablement, ne parlant que pour indiquer les directions aux voyageurs, rêvant d’une autre vie, loin de ces tunnels enténébrés, sombrant lentement dans la folie.

La queue du chat

Changement de registre ! Ici l’humour est à l’honneur. J’ai toujours tendance à penser que l’on en fait trop, au sujet du spiritisme, et écouter une chanson tourner cette pratique en ridicule m’a toujours fait rire.
Surtout quand on y ajoute un chat des plus affectifs et un esprit facétieux…

Shah Shah Shah

Difficile de déterminer quel est le plus drôle : l’histoire en elle-même, ou les facéties de Georges Bellec (justaucorps jaune). De plus, en creusant quelque peu, on peut lire entre les lignes une reprise de l’histoire de Midas, ce roi grec qui obtint de Dionysos (ou Bacchus) le don de transformer en or tout ce qu’il touchait. Ce qui provoqua son désespoir, tandis qu’il changeait en statue dorée sa fille, sa nourriture et son environnement.
Ici, ce Shah ne peut avoir d’eau car son royaume semble être littéralement construit sur une nappe de pétrole. Ce qui provoque sa fortune est aussi ce qui fait son malheur. Mais déclenche nos avalanches de rire.

Les catcheurs

On ne verra plus jamais le catch de la même façon… Quoi que cette chanson étant fort réaliste, je doute que cela change réellement la situation.

Les Fesses

Un hymne aux formes callipyges, peu importent à qui elles appartiennent. Et, dans une ère où les clips de pop-music se basent plus sur le rebond du fessier des danseuses que sur de véritables qualités musicales afin d’atteindre et battre des records de vente, il est agréable d’entendre cette petite satire.

Aujourd’hui, les membres du quartet (et Pierre Philippe, le premier pianiste ayant accompagné le groupe) ne sont plus. J’espère qu’ils se sont réunis là-haut, et qu’ils s’attellent à mettre de l’ambiance parmi les Anges.

Merci à vous, Frères Jacques, et adieu.

Antoine Barré