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Le pouvoir des juges est-il sans limite ?

Que sont les juges ? Quels sont les pouvoirs que leur charge et leur fonction leur octroie, et quelles sont les limites qui leurs sont imposées ?

Les juges sont définis comme étant des magistrats, c’est-à-dire des personnes originellement élues afin de prendre en charge des fonctions législatives, exécutives et judiciaires. Il s’agit d’un nom né dans la Rome Antique, toutefois, le terme de « Juge » peut être relié au livre du même nom de l’Ancien Testament biblique, dans lequel les Juges d’Israël sont investis des mêmes pouvoirs afin de guider au mieux le peuple Juif.

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Actuellement, et dans une vaste majorité du monde, ce terme désigne uniquement les personnes investies du pouvoir judiciaire. Mais, en fin de compte, quelles sont les limitations du pouvoir accordé aux juges ?

Un pouvoir qui semble tout-puissant…

La notion de « Loi » renvoie à une idée de règle juridique suprême, base même du droit de l’Etat. En France, et ce depuis 1958, nous vivons sous un régime non pas légicentriste, mais constitutionnel, c’est-à-dire que les lois doivent être soumises à la Constitution, d’où l’existence du Conseil Constitutionnel. Lesdites lois peuvent être basées sur  la tradition aussi loufoque soit-elle, comme par exemple « Chaque habitant de France doit avoir chez lui une botte de foin au cas où le roi passerait à cheval devant chez lui et ou ledit cheval aurait faim, voire le roi aurait envie de coucher avec une femme », ou bien sur une proposition soumise et acceptée par un parlement représentant le peuple, voire l’ensemble des citoyens d’un état.

C’est un fait avéré que la loi est l’expression de la volonté générale du peuple, ou du moins d’une de ses composantes, qu’elle soit minoritaires ou non, comme cela a été vu avec l’adoption de la loi sur le mariage homosexuel. La loi peut ainsi être vue comme une autorité limitée par les libertés fondamentales.

Or, quels sont les buts de la loi ? De façon simpliste, on peut dire que le dessein initial de la loi n’est autre que la protection des citoyens et l’amélioration de leur niveau de vie ainsi que l’encadrement des mœurs, comme ce fut le cas avec la GPA. Les juges ont donc comme tâche de veiller à ce que l’application des lois se fasse en accord avec la Constitution du pays, même si cela peut sembler une application des plus sévères aux yeux des condamnés. Toutefois, cette même Constitution est elle-même soumise à de plus hautes instances.

Sans parler de l’Organisation des Nations Unies, les états membres de l’Union Européenne sont en effet soumis à la Charte des Droits Fondamentaux, inhérente à l’Union Européenne et à laquelle doivent se soumettre et s’articuler les différentes Constitutions des états-membres.

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Cette Charte s’articule autour de 6 chapitres :

– Dignité : Dignité humaine, le droit à la vie, l’interdiction de l’usage de la torture et de la peine de mort, l’intégrité de la personne et notamment l’interdiction de « faire du corps humain ou de ses parties en  tant que tel une source de profit », ce qui a lancé la polémique concernant la GPA et ses dérives possibles, puisque les opposants au mariage homosexuel ont craint une mise en place d’un « marché de l’enfant ». On peut aussi parler ici de la dignité de l’enfant, qui a conduit à la condamnation de la France pour ne pas avoir interdit la fessée en tant que châtiment corporel.

– Liberté : Le droit à la liberté, le droit à la vie privée, remis en cause avec l’usage des réseaux sociaux et le fichage de données, droit de conscience et de religion, mais aussi le droit d’expulsion et/ou d’extradition, qui fut contesté, par exemple, lors de l’expulsion d’une jeune roumaine et de sa famille durant l’automne 2013

– Egalité : Respect des diversités, égalité entre homme et femme, intégration des handicapés, dans l’expectative, bien entendue, que chaque citoyen agisse de même avec autrui.

– Solidarité : Protection des consommateurs, droit à un logement (Trêve hivernale/Accueil solidaire)

– Citoyenneté : Le droit de vote et d’éligibilité est garanti pour tous les citoyens de l’Union Européenne, selon les conditions de l’état dans lequel il se trouve, droit à une administration traitant les affaires des citoyens de façon équitable et impartiale, liberté de circuler qui est remise en cause avec l’Espace Schengen et ses controverses, droit à la protection diplomatique et consulaire.

– Justice : Droit à un tribunal impartial, droit à la défense, proportionnalité entre les délits et les peines.

… Mais qui s’avère en définitive contestable

En effet, contrairement à ce que l’on pourrait penser, il est possible de contester une décision de justice en faisant appel de cette décision.

De par la cour d’appel, on a trois possibilités, c’est-à-dire :

– La « réformation » : Le juge d’appel rejugera le fond de l’affaire, reprend les divers points contestés et est susceptible de modifier le premier jugement rendu.

– L’achèvement : Ce jugement prend en compte l’évolution du litige depuis le premier jugement intervenu.

– La confirmation : Le juge d’appel peut tout simplement confirmer la décision de justice rendue en premier lieu s’il s’avère qu’il n’y a pas matière à réformer ou à annuler.

La possibilité du pourvoi en cassation existe aussi, qui se base cette fois sur une erreur de procédure ou d’interprétation juridique, ou bien dans la mesure où un juge a commis un excès de pouvoir, voire quand il y a atteinte aux droits de la défense, par exemple. Le premier jugement peut ainsi être cassé pour des vices de formes divers comme une procédure suivie ou bien un jugement irrégulier. Toutefois l’affaire n’est pas jugée sur le fond, uniquement sur la forme.

Le gouvernement des juges

Il s’agit d’une notion introduite par Edouard Lambert dans son ouvrage intitulé « Le gouvernement des juges et la lutte contre la législation sociale aux Etats-Unis ».

L’idée est la suivante : Le juge privilégiera son interprétation personnelle de l’affaire, au détriment de la loi, pour rendre sa décision.

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En règle générale, cette décision aura alors un but politique. En France, l’exemple le plus flagrant est le controversé Syndicat de la Magistrature, syndicat à tendance marxiste fondé le 8 Juin 1968, ce qui se ressent dans un texte écrit par  l’un de ses membres, Oswald Baudot, en 1974 : Harangue à des magistrats qui débutent.

« Soyez partiaux […]. Ayez un préjugé favorable pour la femme contre le mari, pour l’enfant contre le père, pour le débiteur contre le créancier, pour l’ouvrier contre le patron, pour l’écrasé contre la compagnie d’assurances de l’écraseur, pour le malade contre la Sécurité sociale, pour le voleur contre la police, pour le plaideur contre la justice. »

Il s’agit là d’un dévoiement de la fonction du magistrat : ce dernier se doit d’agir, non seulement contre les personnes qu’il va considérer comme étant «supérieures », mais aussi contre la loi en elle-même, ce qui va à l’encontre de la définition du juge, qui est supposé remplir une fonction de jugement et ne pas prendre parti dans un litige, en accord total avec la loi.

Toutefois, il est à noter que cette disproportion du pouvoir judiciaire est tout aussi néfaste qu’un pouvoir législatif ou exécutif appliqué dans les mêmes conditions.

Au vu des dernières affaires judiciaires ayant éclaboussé le monde politique, avec les accusations lancées contre Marine Le Pen et François Fillon, notamment, on peut se demander si la France est un gouvernement des juges ?
Pour que ce soit le cas, il serait nécessaire qu’il y ait une volonté politique derrière ces accusations, or, pour le moment, il n’y a aucune preuve allant en ce sens. Tout est, dans le cas de François Fillon, parti d’une bombe médiatique lancée par le Canard Enchaîné, à la suite de laquelle s’est emparée de l’affaire. On peut alors pointer du doigt la soudaine célérité du parquet national financier à s’emparer de cette affaire, face aux autres scandales financiers ayant éclaté dans le même temps, voire ayant une importance similaire, comme l’affaire Bruno Leroux.

En fin de compte…

Pour conclure, le pouvoir des juges est étendu, s’appliquant même au-delà des frontières, comme le prouve l’enquête du juge Marc Trévidic au sujet de l’assassinat des moines de Tibhirine, en Algérie.

C’est un pouvoir en principe assez souple, puisqu’une décision de justice peut être contestée en cour d’appel par les justiciables, qui peuvent aussi former un pourvoi en cassation afin de déterminer si la décision respecte le droit.

De plus, la capacité des juges à mener un procès non pas seulement en raison de la loi, mais par affinité ou par préjugé, laisse apercevoir en fin de compte un pouvoir qui se limite de lui-même, comme cela se voit dans le gouvernement des juges.

Antoine Barré & Ambroise Gallouet

Grasse à une attaque, le jeu vidéo a bon dos

L’attaque de Grasse, et surtout les premiers portraits du tueur esquissés par les médias, remettent une nouvelle fois le jeu vidéo en cause.

« Visiblement fan de jeux vidéo… », « … De jeux vidéo de massacre… »

Les médias (ici le Figaro et Le Parisien) s’en donnent une nouvelle fois à cœur joie. Le jeu vidéo, fantasme absolu de ses détracteurs, est une nouvelle fois pointé du doigt après une attaque à main armée, survenue dans un lycée de Grasse. La piste de l’islamisme radical ayant été écartée dès le début de l’enquête, il fallait donc trouver un nouveau coupable à cette folie meurtrière. Et donc, une nouvelle fois, on se tourne vers le domaine vidéo-ludique. Certes, Kylian, l’apprenti-tueur, avait emprunté son image de profil à un jeu violent, Hatred, qui met les joueurs dans la peau d’un sociopathe aux penchants meurtriers, mais… Est-ce pour autant une raison suffisante pour prendre une bonne dose d’Amalgam 3000 et généraliser ainsi en parlant des jeux vidéo ?

Un coupable, à tout prix

De nos jours, dès qu’une fusillade éclate en France, on va avoir droit à un schéma semblable à celui-ci :

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La principale critique des jeux vidéo est qu’ils ont tendance à faire perdre le contact avec la réalité aux joueurs. Souvenez-vous, déjà en 2014, Laure Manaudou et Nagui, sur France Inter, s’étaient attaqué à ce loisir, la nageuse olympique déclarant même :

« J’ai toujours été contre les jeux vidéo, j’en ai jamais eu quand j’étais petite et pour moi de s’abrutir devant un ordinateur alors qu’il y a autre chose à côté et qu’il y a des gens à qui parler, pour moi c’est nul.

Mon petit frère joue beaucoup à FIFA et quand je vais chez lui, bah je suis assise sur le canapé et puis j’attends parce qu’il est comme ça en train de jouer. »

Bien entendu, la communauté des gamers avait réagi, allant jusqu’à rappeler que Nagui avait fait une publicité pour la Nintendo 3DS, une console de jeux portable. Ici, c’était une petite polémique, qui n’avait rien à voir avec les deux exemples suivant, qui eurent lieu après les attentats du 13 novembre 2015. L’idée présentée dans le prochain paragraphe n’était pas de dénoncer le manque de contact avec la réalité engendré par le jeu vidéo (quoique), mais d’une certaine banalisation de la violence.

Le 22 novembre, une tribune de Nadia Khouri-Dagher fait sursauter la Toile, car cette dernière désignait explicitement les jeux vidéo, les bon gros blockbusters cinématographiques, les séries télévisées mais aussi les romans policiers (supposés avoir été inventés par les Etats-Unis… Agatha Christie, quelle cachottière tu es !) comme étant les principaux responsables de la perdition de notre belle jeunesse. Mais, il faut bien l’avouer, tribune ou non, elle donnait surtout l’impression d’avoir été écrite après avoir fumé une bonne grosse cigarette de chanvre.
Quelques jours plus tard, Nicolas Sarkozy réagit, au micro d’Europe 1, au « Noël désarmé » (initiative visant à retirer les répliques d’armes de la vente des magasins de jouets, à l’approche des fêtes), en déclarant :

« Ecoutez, si on s’attaque à l’armement du Père Noël, on pourrait peut-être regarder de plus près ces jeux vidéo d’une violence inouïe qui sont dans tous les cadeaux qui sont donnés. Je pense qu’il y a des priorités. Pour moi la priorité, c’est pas le désarmement du Père Noël. »

Mais une nouvelle fois, on parle, on lance de grandes phrases, et on élude le problème : « Où se situe la responsabilité » ?

Reporter la responsabilité

Le jeu vidéo est-il réellement le seul responsable ? Oui et non. Le système de classification PEGI, qui défini à partir de quel âge tel contenu de loisir (films, vidéos, jeux vidéo, etc…) est adapté, est un système aujourd’hui désuet. Pratiquement tous les joueurs de Call of Duty (PEGI 18) ont déjà entendu la voix fluette du gamin n’ayant pas encore mué les insulter et leur expliquer comment ils ont eu des relations sexuelles relativement consenties avec leur génitrices la veille.

Mais de l’autre, on a une responsabilité humaine, qui est bien trop souvent écartée, minimisée. De nos jours, bien des parents laissent tomber l’éducation de leurs enfants, faute de temps, ou de moyens, et considèrent que la télévision, les professeurs des écoles et les jeux vidéo rempliront le rôle qui est normalement dévolu aux aînés de la famille.
Certes, dans sa « tribune », Nadia Khouri-Dagher lance un appel pratiquement déchirant concernant cet abandon pratiquement volontaire :

« Maintenant imaginez des jeunes issus de l’immigration, avec une offre de loisirs limitée pour des raisons économiques et culturelles, ne partant peut-être jamais en vacances, et passant leurs journées entières rivés à des écrans, mitraillette (fictive ?) à la main, en train de commettre des massacres… »

Mais elle semble oublier qu’elle-même a lâchement laissé tomber son chérubin, puisqu’elle découvre, plus de 15 ans après les achats, que ce dernier jouait à Metal Gear Solid 2 : Sons of Liberty (horreur, un jeu dans lequel on doit justement essayer de tuer le moins d’ennemis pour avoir un bon score) durant son adolescence, ainsi qu’à Killzone, GTA Vice City, God of War, Mortal Kombat ou bien Resident Evil. Toutefois… Au vu de sa position sociale (puisqu’elle se vante de travailler à la Bibliothèque Sainte-Geneviève, en face de la Sorbonne), elle fait partie d’une catégorie éduquée, qui a accès à un certain niveau d’aisance, que ce soit culturelle et économique.

Certes, son fils ne se balade pas en plein Paris, AK-47 en main, pour autant, il me semble être assez bon juge en la matière pour supposer que lui-même a passé quelques journées de vacances manette en main, devant l’écran de télévision.

En réalité, Nadia Khouri-Dagher, Nicolas Sarkozy et autres compères vitupérant à qui mieux mieux contre les loisirs vidéo-ludiques, ne font que détourner l’attention du principal fait : ils ne veulent pas s’avouer à eux-mêmes qu’ils sont responsables en partie de cette situation.

De nos jours, le jeu vidéo sera systématiquement pointé du doigt, comme le furent en leurs temps les jeux de rôles ou le rock, en tant que « symbole de la déviance de la jeunesse ».

Il est en effet aujourd’hui plus simple d’appuyer sur un bouton de la télécommande pour permettre à ses enfants de regarder les dessins animés du soir, ou bien de leur acheter des jeux vidéo que de s’asseoir avec eux, lire en leur compagnie, leur conter des histoires, etc… Et oui, ces activités-là demandent de consacrer un temps précieux qu’ils n’ont pas nécessairement, puisqu’ils sont des adultes débordés par leurs vies d’adultes mûrs et responsables. Mieux vaut donc laisser autrui s’en charger.

Et s’il y a une perte de réalité de la part des enfants… Leurs parents, qui les auront placé dans cette situation, ne peuvent que se blâmer eux-mêmes. En effet, ils n’auront pas pris le temps d’inculquer à leurs chers têtes blondes les clés nécessaires à la différenciation de la réalité et du virtuel.

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En réalité, Néo est un geek qui pense être dans un jeu vidéo avec tous les cheat-codes en sa possession.

En fin de compte, la responsabilité ne vient pas tant des jeux vidéo, qui sont surtout présents pour servir de catharsis, de défouloir, que des parents qui, par manque de temps ou par pur désintérêt, laissent les mains libres à leurs enfants, sans réellement exercer un quelconque contrôle sur ce qu’ils font. Quoique dire cela revient à considérer que tous les jeux vidéo sont nécessairement violents, ce qui n’est pas toujours le cas : Animal Crossing, Les Sims, Zoo Tycoon, ABZÛ et l’on en passe, sont des exemples de jeu où la violence n’a pas sa place.

En fin de compte, cela soulève même une autre question : le fait que les parents laissent leurs enfants devant la télévision car ils n’ont pas le temps/ne veulent pas prendre le temps de s’en occuper, et tandis que l’école devient l’un des premiers lieux où l’on s’oppose nettement et clairement à eux, bien avant le cercle familial… N’est-ce pas au final un manque d’éducation ?
Il est assez aisé de faire la part entre le réel et le virtuel, même en étant un aficionado des jeux vidéo, à partir du moment où, dans notre éducation, on nous a apprit à faire la part des choses.

Sur ce, je vous laisse à cette méditation, quant à moi, je vais me planter 5 heures durant devant un miroir et parler, parler, parler, jusqu’à ce qu’une petite jauge bleue située au-dessus de ma tête se remplisse complètement. Ensuite, après avoir ainsi maîtrisé mon Thu’um, je vais aller sauver Guerre de la damnation éternelle en l’empêchant de mettre la main sur Deuillegivre, le tout pendant que Sam & Max me pilonneront au phosphore blanc.

Antoine Barré

Lutter contre la corruption : une affaire de démocratie

Depuis peu, les dirigeants politiques se trouvent sur un socle d’argile, et ce à travers le monde entier. La raison ? L’électorat ou plutôt, les peuples, se lèvent face à la corruption se dévoilant de plus en plus notamment grâce aux réseaux sociaux et aux nouvelles méthodes d’enquêtes mises à disposition. 

Il ne s’agit pas d’un simple mouvement de contestation né sur les réseaux sociaux, ou à la suite d’une manifestation, et destiné à mourir paisiblement à l’instar de Nuit Debout. D’une part, il n’est pas confiné au territoire national (et n’est pas « né » dans ses frontières). Et de l’autre, il s’agit d’un phénomène mondial qui, à l’instar des vagues les plus fortes, emporte tout sur son passage.

2016, l’année du désaveu

Il faut bien le dire, ce fut une année assez rude pour la politique en général. De nombreux séismes l’ont en effet bousculé et les cartes, les modèles auxquels on était accoutumé, furent rebattus, bouleversés. Brexit, élections américaines, etc… Les « démocraties à l’occidentale » ont connu de sérieux revers, mais en réalité, ce n’est qu’une gifle amicale en comparaison de ce qu’a connu le reste du monde.

Les peuples ont affirmé leur volonté de voir en place des gouvernements exemplaires, qui ne cachent rien à leurs électeurs. On constate là une recherche de la vérité, mais aussi une nouvelle lutte, dans laquelle le peuple cherche à reprendre ce qui lui appartient de droit : le contrôle de la démocratie. Il montre son mécontentement face à des élites qui ne les écoutent pas, ne se penchant

Chronologie d’une  longue chute

Dilma Rousseff peut être considérée comme la « première victime » de cette série de mouvements contestataires. Tout débute en 2014, quand la police fédérale brésilienne commence à enquêter sur une affaire de corruption et de blanchiment d’argent, dans laquelle apparaît la société Petrobras, dont le conseil d’administration avait été dirigé par la présidente brésilienne entre 2003 et 2010, avant son arrivée au pouvoir. Le nom de cette dernière est citée, et elle est accusée par un sénateur d’être parfaitement au courant du réseau de corruption, tout en ayant bénéficié de pots-de-vin.

Cela a lancé une seconde enquête parallèle, centrée cette fois-ci sur la seconde élection de Dilma Rousseff, qui révéla qu’elle avait fait supporter aux banques près de 40 milliards de réaux (soit près de 12 milliards d’euros) de dépenses incombant en réalité au gouvernement, afin de présenter un bilan positif lors de sa campagne, en vue de sa réélection. C’est à partir du 15 mars 2015 que des millions de personnes commencent à manifester pour la destitution de la présidente, mais c’est le 2 décembre que la procédure d’impeachment est lancée, avant d’être confirmé le 11 avril 2016. Dilma Rousseff est suspendue de ses fonctions le 12 mai 2016. Son procès s’ouvre le 25 août et elle est destituée six jours plus tard, à 60 voix contre 20.

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Près de deux mois plus tard, c’est la Corée du Sud qui est traversé par un séisme de protestations, concentrées autour de celle qui fut surnommée la « Raspoutine Coréenne » en raison de son influence sur la présidente Park Geun-hye : Choi Soon-sil. Cette dernière est la fille de Choi Tae-min, un prédicateur religieux ayant eu un ascendant certain sur le père de la présidente, Park Chung-hee, qui avait lui aussi exercé le pouvoir en Corée du Sud entre 1962 et 1979, avant d’être assassiné.

Il fut révélé que Choi Soon-sil eut une longue influence sur Park Geun-hye, notamment au niveau des décisions gouvernementales puisqu’il semble avéré qu’elle ait instigué certaines nominations, et corrigé des discours de la présidente. De plus, elle aurait soutiré plusieurs millions de dollars à de grandes sociétés coréennes, via des fondations lui étant liées, menant à des enquêtes pour corruption et trafic d’influence.

Entre le 29 octobre et le 3 décembre 2016, les sud-coréens descendent dans les rues et manifestent tous les week-ends pour réclamer la démission de Park Geun-hye. Le 9 décembre 2016, elle est destituée de son titre et de ses pouvoirs par le Parlement, à raison de 234 votes (il y a 300 députés au Parlement sud-coréen).

Et ce n’est pas fini ! Le mercredi 18 janvier 2017, c’est au tour de la Roumanie de monter au créneau. En cause des ordonnances du gouvernement (socialiste, cela ne s’invente pas !) visant à limiter le pouvoir des procureurs et des magistrats, mais aussi à gracier de nombreux politiciens roumains accusés de corruption. Autre scandale : Florin Iordache, ministre de la Justice, soutient cette ordonnance ! Le peuple roumain manifeste sa colère. Durant la nuit du 31 janvier, le gouvernement adopte le décret sans en référer au Parlement.

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Florin Jianu, le ministre du Milieu des Affaires, présente sa démission le 2 février 2017 et rejoint les rangs des manifestants. D’autres membres du gouvernement, et du parti au pouvoir, le PSD (Parti Social-Démocrate), suivent le mouvement et démissionnent. Au plus fort de la contestation, les manifestations rassemblent près de 500 000 personnes. Le 9 février, Florin Iordache est poussé à la démission.

Et maintenant, on va où ?

Le dimanche 19 février 2017, une série de manifestations eurent lieu dans l’Hexagone, et particulièrement sur la Place de la République, à Paris. Le but des manifestants est de protester contre la corruption des élus (emplois fictifs, privilèges, etc…). C’est un mouvement faisant suite aux révélations du Canard Enchaîné concernant le candidat des Républicains : François Fillon, mis en cause pour avoir embauché sa femme, voire ses propres enfants, sur des emplois fictifs durant ses mandats de parlementaire.
Le but est notamment d’inciter les candidats à la présidentielle à adopter des mesures fermes contre la corruption, en particulier dans le milieu politique.

Si on peut louer l’esprit citoyen des manifestants, toutefois on peut noter que peu d’élus et de politiques sont nommés : François Fillon (qui fait la Une depuis plus d’un mois, ce serait dommage de le louper), Claude Guéant, Jérome Cahuzac ou Marine Le Pen. En somme, ceux qui sont nommés dans de récentes affaires (fort bien médiatisées). De plus, Vincent Gaultier, l’instigateur du mouvement, fut secondé par des membres du collectif Nuit Debout. Ce collectif avait lui aussi prit ses quartiers Place de la République à partir du 31 mars 2016, en réaction à la Loi Travail, poursuivant la contestation jusqu’à fin juin, avant de s’éteindre doucement dans la chaleur estivale.

D’un certain point de vue, cette nouvelle vague de manifestations peut être une bonne chose, puisque à son tour le peuple français se dresse face à la corruption. Malheureusement, force est de constater que les appels à la régulation de la vie politique et à plus de transparence sont fort orientés. On ne remarque aucune référence aux propres abus du gouvernement, comme l’affaire Thomas Thévenoud (atteint de « phobie administrative » l’ayant empêché de remplir ses feuilles d’impôts), le coiffeur du président, les sauteries de Thomas Hollande à la Lanterne (aux frais du contribuable), les dépenses d’Emmanuel Macron durant ses derniers mois en fonction à Bercy, etc…
Ou bien la Justice a statué sur le sort des personnes pré-citées, ou bien on les passe sciemment sous silence en espérant les faire oublier, ce qui reste le cas le plus probable.

Il ne reste qu’à espérer que ce nouveau mouvement populaire prenne le pas et s’insurge contre la corruption en général, plutôt que contre les quelques cas qui se retrouvent sous les feux des médias. Car c’est un fait que l’on a tendance à oublier : tous les partis sont susceptibles d’être soupçonnés de corruption, et peuvent être mis en examen pour avoir abusé de leurs positions et de leurs pouvoirs, sans exception de couleur ou de vision politique (la Roumanie l’a bel et bien démontré !).

En attendant de voir comment cela va évoluer, il est bon de noter quelque chose concernant ces contestations. Ce n’est pas qu’un mouvement populaire. C’est l’expression même de la démocratie : le peuple reprenant le pouvoir, afin de faire changer les choses.

Antoine Barré
(Merci à Jigsaw pour la relecture)

Pourquoi les jeunes devraient-ils aller voter ?

L’on a tendance à déclarer, assez abusivement, qu’être jeune, c’est être de gauche, que ce soit dans la conviction politique, sociale ou idéologique. Pourtant, est-ce que la primaire de la gauche, qui se tiendra à la fin du mois de janvier, peut les inciter à se choisir un candidat ?

Qui va aller voter ? Rue Solférino, la question est sur toutes les lèvres. Et la réponse fait peur. Alors que la primaire de la droite était un succès populaire, attirant près de 4 millions de votants, seul 6% des 18-25 ans se sont déplacés, tandis que 35% des plus de 65 ans et 23% des 50-64 ans sont allés déposer un bulletin dans les urnes. Preuve supplémentaire d’une fracture générationnelle entre « les jeunes » (18-25, voire 30 ans), ou une partie d’entre eux, et les « vieux », (50-99 ans).

Suite au Brexit et à l’élection de Donald Trump, plusieurs personnes, relativement influentes sur les niveaux sociaux, à l’instar de Yoann Nègre, ont proposé à ce que l’on retire le droit de vote aux personnes âgées, une fois passé un certain stade, afin « d’éviter que l’on freine stupidement la marche du progrès en choisissant sciemment de faire un retour en arrière à cause de deux ou trois personnes qu’il est simple d’effrayer en agitant un bâton ! »

Si l’on part alors du principe (quelque peu manichéen) que la primaire de la droite était l’occasion pour les « vieux » de choisir leur candidat, celle de la gauche devrait logiquement permettre aux « jeunes » de choisir le leur, s’ils se déplacent jusqu’aux bureaux de vote. Or, quelles sont les propositions susceptible d’impacter leur vote ?

De la Génération Banga à la Génération Ganja ?

Si l’on se penche sur les programmes des candidats, seul cinq d’entre eux font une proposition susceptible d’accueillir l’unanimité des suffrages : Jean-Luc Bennhamias, Benoît Hamon, François de Rugy, Sylvia Pinel et Vincent Peillon. En effet, ils avancent l’idée de la dépénalisation du cannabis voire même de sa légalisation et de sa commercialisation, sous contrôle de l’Etat s’entend. Les raisons sont multiples, et vont de la lutte contre les trafics à la question de santé afin de lutter contre les dépendances.

Or, il s’agit d’une seule proposition « susceptible » de fédérer les « jeunes » autour d’un candidat, en se basant sur l’idée répandue selon laquelle ils sont des consommateurs invétérés de drogue, que ce soit dans un but médical ou dans un but récréatif, comme le disait Yannick Jadot (candidat à la présidentielle pour Europe-Ecologie) dans une interview adressée à Valeurs Actuelles, dans lequel il expliquait être pour la légalisation du cannabis car il ne voyait pas de problème à  : « Se partager un joint de cannabis le vendredi soir [avec des amis, ndla] ».

Malheureusement, cela démontre d’un point de vue sur les jeunes électeurs quelque peu étriqué, les réduisant à des personnes simples, dépourvues d’ambitions, si ce n’est vivre éternellement dans un paradis artificiel alimenté par des composés chimiques ou naturels. La nouvelle génération de votants semble ne rien attendre de la vie, et des politiques : durant les municipales, seul 39% d’entre eux se sont déplacés, tandis que les régionales ont vu une abstention record chez les 18-24 ans (66%) et les 25-34 ans (61%). Pourtant, en creusant les programmes des candidats, on se rend compte que bien des propositions sont susceptibles de les attirer. 

La priorité à l’éducation

Si l’on part sur l’hypothèse que les « jeunes » sont en lycée, ou bien suivent des études supérieures, plusieurs propositions peuvent faire pencher la balance. Le rehaussement de l’âge limite pour entrer en apprentissage (Vincent Peillon) à 30 ans, entre autre, permet de donner une seconde chance, ainsi qu’une expérience, une qualification qui est de nos jours très souvent recherchée par les potentiels employeurs. En face de cela, des cours de préparation à l’université durant la terminale (Jean-Luc Bennhamias) offre l’opportunité aux futurs bacheliers d’avoir un véritable avant-goût de ce que sont les études supérieures, au lieu de simplement les « jeter » dans un système éducatif bien différent de celui auquel ils étaient habitués, et dans lequel on risque de se trouver rapidement perdu. 

Si l’on considère que la tranche d’âge intéressée est 18-30 ans, on peut supposer qu’il se trouve dans ces électeurs susceptibles de se rendre aux urnes de jeunes parents, dont les enfants entreraient dans le système scolaire durant le quinquennat d’un des candidats à la primaire de la gauche (si celui-ci est élu, s’entend). Ici aussi, les candidats ont leurs propositions, même si certaines sont quelques peu… Farfelues.

Par exemple, la proposition d’Arnaud Montebourg, qui consiste à ce que le même instituteur suive la même classe, depuis le CP jusqu’au CM2, peut sembler être une bonne idée, mais elle ne prend pas en compte les éventuels déménagements, ou les arrivées d’élèves, sans oublier le fait qu’à chaque nouvelle rentrée scolaire, un nouveau professeur devra prendre en charge les nouveaux élèves de CP et s’en occuper cinq ans durant. La proposition ne prend pas en compte non plus la formation (qui risque d’être accélérée) des enseignants engagés pour prendre en charge ces nouvelles classes. Même en prenant en compte un roulement de cinq ans avec les effectifs déjà présent dans l’établissement, on supprime par ailleurs officieusement le redoublement des classes.

Enfin, nombre d’autres candidats, à savoir Benoît Hamon, Manuel Valls, Vincent Peillon et Sylvia Pinel, proposent de rendre obligatoire la scolarisation de l’enfant, dès l’âge de 3 ans, au lieu de 6 ans actuellement. De plus, Benoît Hamon, François de Rugy et Vincent Peillon mettent l’accent sur le recrutement des futurs enseignants et leur formation dans le même temps, là où, pour reprendre les propositions d’Arnaud Montebourg, ce dernier ne cherche « qu’à » revaloriser les salaires et donner une meilleure formation aux professeurs, sans pour autant en augmenter l’effectif.

Passons aux sujets fâcheux

Il est toutefois stupide de penser que l’on ne peut voter que pour les « bons aspects » d’un candidat, tout en omettant les côtés « négatifs » de sa campagne. Voter pour un candidat, que ce soit à la primaire, durant les municipales, la présidentielle, etc… C’est voter pour son programme dans son entier.

Au début de cet article, nous partions sur l’idée que la primaire de la gauche était la primaire permettant aux « jeunes » de choisir leur candidat. Or, on déclare aussi, assez abusivement, qu’être un « jeune », c’est être de gauche et ce que ce soit dans sa conception politique, sociale et idéologique, ce qui peut provoquer un certain choc, vis-à-vis des propositions des candidats sur le secteur de la Justice et de l’Intérieur.

De nombreux candidats proposent en effet la relance de la police de proximité, tout en augmentant le budget de la Justice, propositions qui peut faire grincer des dents, si l’on reste dans le manichéen schéma de « la Gauche juste, bienveillante et humaniste », opposée à « la Droite « totalitaire » et policière, voire dictatoriale ».

Or, il faut l’avouer, il est visible que les Français, lors de la présidentielle, vont voter non seulement pour un programme éducatif ou culturel, mais aussi et surtout pour un programme qui les confortera dans un sentiment de sécurité bienvenu, dans des temps quelque peu troublés par les attentats et les menaces extérieures.

C’est pourquoi les « jeunes » vont devoir mettre de l’eau dans leur vin, et accepter que, quel que soit le candidat pour lequel ils voteront à la primaire de la gauche, se faisant, ils n’accepteront pas uniquement son projet de dépénalisation ou de légalisation du cannabis, ou le fait que leur poulain mettra la culture française au cœur de ses priorités, mais qu’ils acceptent aussi ses « défauts », quels qu’ils soient.

Antoine Barré

[Edito] Vers une nouvelle crise des médias.

[Attention, ceci est un édito. En tant que tel, il reflète uniquement mon propre point de vue et pas nécessairement ceux des autres propriétaires des blogs hébergés sur efj.press. De plus, le langage cru est usité dans cet édito à dessein. Si vous êtes en désaccord avec ce qui est écrit dedans, vous pouvez l’indiquer en commentaire, ou bien me contacter via l’onglet A propos. Je vous souhaite une excellente lecture.]

Les futurs cours d’histoire des médias ne pourront parler de 2016 sans faire d’encart sur la nouvelle crise des médias qui eu lieu cette année-là. Cette crise, quelle fut-elle ? A quoi fut-elle due ? Pourquoi n’ont-ils rien vu venir ? Autant de questions sur lesquelles, du haut de mes 24 ans, je me suis penché, et dont je vous livre les réflexions.
Rappelez-vous de ceci : je ne suis qu’un étudiant en journalisme, qui eut son Bac sur un coup de chance (ou un malentendu, au choix). En aucun cas je suis un expert des médias, ou un politologue, loin de là.

Cette année, deux faits se sont produits : la montée du populisme, montée qui était jusque-là larvée, contenue en partie par les médias, et une défiance du peuple vis-à-vis de ces mêmes médias. Et ces deux faits sont liés.
En effet, on attend de la part des médias, de prime abord, à ce qu’ils nous informent, et quand ils nous donnent une « opinion X », qu’ils puissent la contrebalancer avec une « opinion Y ». En aucun cas on espère d’eux qu’ils nous livrent leur propre « opinion X » tout en rabaissant « l’opinion Y ». Nous (médias & journalistes) ne sommes pas des concierges, ou bien nous nous sommes trompés de métiers. Cet espoir fut déçu.

Malheureusement, en agissant comme ils l’ont fait, de (trop) nombreux médias se sont aliénés une partie de la population, favorisant ainsi indirectement la montée du populisme. En effet, les tenants de « l’opinion Y » finissent par se lasser de se voir être rabaisser et traités comme des « moins que rien » par ceux qui, de par leurs positions sociales ou leur importance politique, culturelle ou médiatique, sont appelés « élites ».
Et c’est de là d’où vient le populisme, en fin de compte. C’est une réaction d’une partie de la population face à ce mépris des élites souvent auto-proclamées.

Mais d’où vient le terme de « populisme » ?
Il serait apparu, en français, en 1912, et est dérivé du terme « populiste », défini par le Larousse mensuel illustré comme étant « un membre de parti prônant des thèses de type socialiste [En Russie] ». Ironiquement, de nos jours, il s’agit d’un terme plus que péjoratif, désignant une idéologie s’intéressant plus aux intérêts du peuple qu’à ceux de l’élite en place. Le peuple va se chercher une figure et un parti capable, à ses yeux, de le représenter, tout en adhérant à ses intérêts. Il s’agit-là d’une définition assez courte, j’en conviens. Mais le but de mon édito n’est pas de traiter du populisme. Mon but est de traiter de cette nouvelle crise des médias, même si cette dernière est liée au populisme.

Le Brexit : les médias français (et européens) nous annoncent la fin du monde, les dix plaies d’Egypte et la mort de l’Europe, qui était déjà bien cadavérique avant ces événements, si jamais le peuple Britannique décidait de prendre ses cliques et ses claques et de faire sécession de l’Union Européenne (quand bien même le Royaume-Uni n’était pratiquement pas contraint par les décisions de Bruxelles).

Ce fut une campagne médiatique lourde à digérer, avec en « point d’orgue » une politique-fiction rédigée par Les Echos (PS : Rédemption est aussi une fiction anachronique, et est plus agréable à lire) montrant un Royaume-Uni pratiquement exsangue et ne tenant que par la volonté du Saint-Esprit et des experts (notamment financiers et politiques) européens. Et je ne parle pas d’interviews d’expatriés français des plus larmoyantes, tandis qu’ils confiaient volontiers aux journalistes leur crainte d’être expulsés du Royaume-Uni.

Le résultat fut, à mon sens, des plus fascinants : le peuple Britannique, l’espace d’une journée, décida de prendre part à sa vie politique, à donner son avis. Et l’avis est édifiant : Brexit. On traita, comme d’ordinaire, les pro-Brexit de « bande de cons », « d’ignorants incultes lessivés au Sun », etc… Les médias, bien entendu, le laissait sous-entendre, n’ayant pas l’audace de dire le fond de leur pensée.

Et puis, on a eut le second séisme politique de cette année 2016. La présidentielle américaine. Pour les chanceux qui sortent tout juste d’hibernation, elle opposait notamment Hillary Clinton, des Démocrates, à Donald Trump, des Républicains.

Concrètement, cette campagne fut basée sur du « Votez pour moi, je suis une femme ! Ne votez pas pour lui, c’est un raciste misogyne ! Je suis soutenue par Obama, par le casting d’Avengers et j’en passe, votez pour moi, vous allez m’adorer ! » du côté d’Hillary Clinton.

Quant à Donald Trump, son discours fut plus axé sur : « Mon nom est Donald JoJo Trump, ceci est mon Stand :「Peace Frog」et sa capacité de Stand est [Build Wall] ! Votez pour moi et les Mexicains ne reviendront plus ! Make ‘Murica Great Again ! »

Vous vous en doutez bien, les médias avaient d’ores et déjà choisi leur dauphine. La campagne médiatique entourant la présidentielle américaine fut littéralement à gerber. Et je ne plaisante pas. C’était indigeste, j’avais l’impression que si par malheur Trump écrasait une mouche, on allait avoir une douzaine d’articles de presses le dénonçant comme l’un des pires tortionnaires ayant existé, déclaration de la PETA à l’appui.

A en lire les journaux français, comme le Courrier International, Le Monde, Le Point, L’Express et j’en passe, élire Trump, c’était élire la fusion incestueuse et morbide d’Hitler, Pierre le Grand et Vlad III Tepes Basarab.
Pour bien expliquer à quel point les idées de Donald Trump étaient rétrogrades, moyenâgeuses et surtout dangereuses pour le monde, on a même eu droit à un reportage sobrement intitulé « Bienvenu à Trumpland », dans lequel deux journalistes sillonnaient les Etats-Unis afin de rencontrer les soutiens de Trump. Ces derniers étaient tous dépeints comme les plus typiques des rednecks, incultes et racistes au possible.

Et pourtant, qui a gagné, contre toute attente ? Donald Trump. Ce faisant, il eut l’occasion de faire un magnifique doigt d’honneur aux médias américains (français, etc…) qui prédisaient sa chute inévitable :

Et depuis, on assiste à un vent de panique se répandant parmi les médias « pro-Clinton » (entendons par-là 90% des médias mondiaux). A l’instar de bien des personnes, ils se sont réveillés le mercredi 9 novembre 2016 en se rendant compte que le monde auquel ils étaient habitués avait changé. Les codes auxquels ils étaient attachés étaient durablement bouleversés. Contre toute attente, Trump avait été élu, lui qui avait été traité de « populiste » par ses détracteurs. Malgré les attaques, il avait tenu le coup jusqu’au bout, et le peuple américain, se détournant des consignes littérales de vote qui avaient été faites, l’avait choisi.

L’après-campagne est toute aussi à gerber. A croire que tout doit être fait pour que Trump soit déconsidéré. Pourtant, le peuple l’a choisi car il en avait assez d’être prit pour un con. Pour un bouseux. Pour un ignorant.

Les médias, timidement, expliquent qu’ils n’ont pas su prévoir ce retournement de situation, obnubilés qu’ils étaient par la mère Clinton. Ils ont tout bonnement et littéralement craché leur venin sur l’adversaire de cette dernière, insultant par la même occasion une partie des américains.

A présent, les médias annoncent qu’ils doivent « tirer des leçons de la victoire de Trump », « admettre qu’ils sont capables de se tromper », « se remettre en question ».

Et vous savez quoi ?

Ils ne le feront pas.

Vous savez pourquoi ?

Parce que quand on veut faire de l’introspection, on le fait dans son coin, en silence, afin de surprendre son entourage par les changements soudains qui s’opère.
Quand on le clame haut et fort, on ne peut que décevoir les attentes de chacun, qui grogneront en voyant que rien ne change. Ils se sont totalement fourvoyés mais ne peuvent admettre de voir la réalité en face, de comprendre qu’ils s’étaient sciemment enfermés dans une bulle en supposant qu’étant les Grands Dispenseurs d’Opinion et d’Information, ils avaient avec eux la Raison et la Vérité Inaliénable envers et contre tout. De fait, ils supposaient que ce qu’ils disaient étaient paroles d’évangiles.

Et pourtant, il suffit de lire les commentaires sur les publications des réseaux sociaux pour se rendre compte que ce n’était pas le cas. On était exaspéré de voir cette propagande littérale anti-Trump, tandis qu’Hillary Clinton était transformée en une supposée « sainte » capable de guérir tous les maux, quand bien même les révélations de Wikileaks à son encontre démontraient son manque total de morale.

A présent, les élections autrichiennes arrivent à grand-pas, tout comme la présidentielle française.
Et on court le « risque » de voir les populistes être élus car les médias n’auront pas retenu la leçon, ou ne l’auront pas appliqué, que ce soit par pur aveuglement ou déni de la réalité.
Mais après tout, c’est peut-être une bonne chose.

Qui sait, peut-être faut-il élire des populistes pour faire reculer le populisme ? Je sais que c’est utopique, mais pourquoi n’aurait-je pas moi aussi le droit de rêver ? Nobody’s perfect

Antoine Barré

La dissection de la barbarie

Barbares : le retour n’est pas qu’une énième sonnette d’alarme tentant de nous avertir, nous pauvres Occidentaux, du danger du phénomène Daesh, loin de là.

Non, c’est beaucoup plus que cela, c’est un retour aux sources, à l’origine de la définition, ou DES définitions du mot « barbare », que nous propose Vincent Aucante dans son ouvrage.
10 ans, c’est le temps qu’il aura fallu à cet ancien directeur culturel du Collège des Bernardins pour écrire son livre. Il ne s’agit pas d’un roman mais d’une courte « encyclopédie » sur un sujet d’actualité, tandis que la France fut encore endeuillée à deux reprises cet été, le soir du 14 juillet avec un « fou » chargeant la foule assemblée pour assister au feu d’artifice, au volant d’un camion, et le 26 juillet avec le meurtre du Père Hamel. Ce sujet, c’est la barbarie.

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Comment définir un barbare ?

C’est un des défis de ce livre, et de son auteur. Dans l’imaginaire collectif, le barbare, c’est celui qui affronte la civilisation et cherche à la mettre à bas au moyen de la violence. Notre histoire regorge d’exemple, allant du sac de Rome de 410, « supervisé » par Alaric 1er au régime nazi d’Adolf Hitler. Toujours dans l’imaginaire collectif, le barbare, c’est le primitif, celui qui, par manque d’éducation ou d’intelligence, va s’attaquer violemment à ce qu’il ne comprend pas.

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Pourtant, le barbare, ce n’est pas que cela. Le barbare était, au départ, celui qui était étranger à la civilisation grecque, sans pour autant montrer une quelconque hostilité envers cette dernière. Puis, au fil du temps, et des civilisations, les Grecs, et les Romains, se sont rendus compte qu’aux yeux d’autres civilisations, ils n’étaient que des barbares, puisqu’ils étaient extérieurs à ces mêmes civilisations.

Au fil des époques, différents peuples et civilisations se sont vues attribuer le sobriquet de « barbares », en fonction de la sensibilité du ou des pays les attribuant vis-à-vis de leurs « cibles », mais aussi des différences de cultures entre les différents protagonistes.

« La culture barbare ? Je ne savais même pas qu’il y en avait une… »

Oui, c’est sûrement ce que vous vous dites actuellement. Et pourtant… Oubliez Conan, oubliez le Barbare de Naheulbeuk ou de Diablo, car le vulgus pecus du barbare ne ressemble pas (trop) à une brute épaisse qui ne pense qu’avec ses muscles (le cerveau est un muscle, mais il est difficile de se servir de ce dernier pour tenir une lance et frapper son ennemi avec).

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Représentation moyenne du barbare en pleine réflexion

Les Mayas, par exemple, bien que considérés comme « barbares » par les conquistadors, ont eu une riche culture, principalement orale. De plus, une grande partie des civilisations dites « barbares » étaient à la « pointe du progrès », pour l’époque, notamment en matière de féminisme : les femmes guerrières, telles que les légendaires Amazones, voire les reines comme Boadicea, étaient en réalité nombreuses, et les femmes avaient un pied d’égalité avec les hommes… Quand elles n’étaient pas esclaves, s’entend.

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La barbarie de la culture

De plus, outre le barbare en terme de peuple, d’individus, ce livre a le mérite de nous parler des fort nombreux exemples où les civilisations (au sens où on l’entend, c’est à dire « des peuples évolués, démocratiques, etc…) ont cédé au chant des sirènes, et où les Etats ou les individus auront choisi de laisser la barbarie dicter leurs actes et leurs choix.

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Mais là où nous nous contenterions simplement d’observer à la loupe le nazisme ou le communisme tel qu’il fut mis en oeuvre en Chine et en URSS, Vincent Aucante nous fait voir d’autres mouvements du même acabit, parfois passés sous silence. La Révolution Française et le génocide vendéen (parfois relaté comme « des escarmouches contre des rebelles/des brigands vendéens » dans les cours d’Histoire…), le génocide rwandais, les révoltes juives du IIème siècle ou bien l’exploitation des « sous-hommes » par le biais de la prostitution, de la colonisation ou de l’esclavage, tout cela est minutieusement analysé, tout en donnant un résumé succinct des événements.

Quid de l’actualité ?

Une question que l’on peut se poser… Mais c’est en analysant tous les éléments exposés dans cet ouvrage que l’on peut comprendre cette nouvelle barbarie qu’est le terrorisme islamiste, en partant de ses origines, avec la vision pervertie de l’Islam qu’ont imposé de nombreux pays du Golfe qu’est le salafisme, aux différents moyens de résistances à notre disposition.

Le ton général du livre risque de heurter certains lecteurs ou lectrices, par sa brutalité et l’honnêteté de l’auteur à appeler un chat, un chat. Israël, le catholicisme, les Bédouins, tout le monde y passe, et c’est sans fard que ce livre, aisé à lire, se découvre à nous.

Barbares : le retour, écrit par Vincent Aucante et édité chez Desclée de Brouwer, 18€90 sur la Fnac.

Antoine Barré