Adieu aux Frères Jacques

Dimanche midi, je me balade sur Twitter (une fois n’est pas coutume). Je vois une Tendance « Frères Jacques« . Intrigué, et amateur de leurs nombreuses chansons et interprétations, je clique sur le lien, pour découvrir que Paul Tourenne, le dernier membre du groupe, s’est éteint aujourd’hui à Montréal.

Je l’avoue, je suis ému. Une boule me remonte dans la gorge, tandis que je vérifie s’il s’agit d’un hoax ou d’une véritable nouvelle. Pas de chance, c’est vrai. Il s’agit d’un quatuor dont j’ai assez souvent entendu parler dans ma (courte) vie, notamment grâce à mes grands-parents maternels, qui appréciaient grandement leurs chansons et interprétations, et ont su transmettre cette passion à leurs enfants et à leurs petits-enfants.

Ce quatuor vocal (accompagné de deux pianistes, successivement Pierre Philippe et Hubert Degex) traversait le répertoire chansonnier français avec une certaine aisance, allant de la chanson traditionnelle à celles faisant perler des larmes aux coins des yeux, en passant par la satire, la chanson paillarde et la poésie.

Que l’on soit amateur de hip-hop, de rock, de pop music, de metal ou de dubstep, on ne peut rester insensible face aux vers de ces artistes. D’une façon ou d’une autre, ils parviennent, à travers leurs textes, à nous interpeller, à nous faire rire, pleurer, à nous détendre. L’espace de quelques minutes, ils nous font oublier notre quotidien, nous offrent la possibilité de s’évader quelques instants, loin des innombrables tracas qui nous entourent.

Il me serait difficile de donner leur entière discographie. j’ai donc préféré faire une sélection de leurs chansons me touchant le plus, en espérant que ces dernières vous plairont autant qu’à moi.

La Lune est morte

Parmi les nombreuses comptines ayant bercé mon enfance, je compte notamment « Au Clair de la Lune ». A l’époque, pour une raison ou pour une autre, je supposais que celui demandant une plume à son ami Pierrot cherchait à écrire une lettre à l’astre lunaire pour lui déclarer sa flamme.

Peut-être est-ce pour cela que cette chanson m’émeut : parce que, dans cette logique-ci, la Lune est morte avant d’avoir reçu la lettre, ou bien avant d’écrire une quelconque réponse. Une bien belle histoire histoire d’amour inachevée.

Barbara

Mélancolique, écrite un an après la fin de la Seconde Guerre Mondiale, qui traite de l’absurdité de la guerre, des ravages qu’elle provoque mais aussi posant une juste question : l’amour peut-il survivre à la guerre ? L’homme serrant Barbara contre son sein vit-il ? Ou bien a-t-il disparu sous une bombe ? Barbara, ou celle qui l’inspira, a-t-elle pu entendre cette chanson ?

Autant de questions initialement posées par Jacques Prévert restant sans réponses…

Monsieur William

L’histoire d’un homme, pourtant bien sous tout rapports, qui se rend sur la Treizième Avenue afin d’y rencontrer… Une prostituée. La Treizième Avenue, à New-York, était sise sur les bords de l’Hudson. Il n’en reste plus grand-chose aujourd’hui, si ce ne sont des parkings. Mais, à l’époque où l’histoire est supposée se dérouler, il est à penser qu’il s’agissait d’un lieu bien mal famé, où un employé modèle, du nom de Monsieur William, rencontra son destin face à un homme désirant la même femme que lui.

L’entrecôte

L’histoire, malheureusement aujourd’hui toujours d’actualité, d’une femme qui, afin de nourrir ses enfants, fait commerce de son corps.

Au fil de la chanson, on passe du mépris à la pitié pour cette femme qui, afin de permettre à sa famille de vivre (relativement) dignement, s’enfonce dans les tréfonds de la débauche. Un autre regard posé sur certaines de ces femmes de peines qui hantent toujours certaines de nos rues.

Le Poinçonneur des Lilas

Je la trouve, en fait, tragi-comique. D’un côté, le rythme est enjoué, entraînant et dansant, mais de l’autre, on nous conte l’histoire d’un pauvre employé de la RATP qui passe son temps à perforer des tickets, inlassablement, ne parlant que pour indiquer les directions aux voyageurs, rêvant d’une autre vie, loin de ces tunnels enténébrés, sombrant lentement dans la folie.

La queue du chat

Changement de registre ! Ici l’humour est à l’honneur. J’ai toujours tendance à penser que l’on en fait trop, au sujet du spiritisme, et écouter une chanson tourner cette pratique en ridicule m’a toujours fait rire.
Surtout quand on y ajoute un chat des plus affectifs et un esprit facétieux…

Shah Shah Shah

Difficile de déterminer quel est le plus drôle : l’histoire en elle-même, ou les facéties de Georges Bellec (justaucorps jaune). De plus, en creusant quelque peu, on peut lire entre les lignes une reprise de l’histoire de Midas, ce roi grec qui obtint de Dionysos (ou Bacchus) le don de transformer en or tout ce qu’il touchait. Ce qui provoqua son désespoir, tandis qu’il changeait en statue dorée sa fille, sa nourriture et son environnement.
Ici, ce Shah ne peut avoir d’eau car son royaume semble être littéralement construit sur une nappe de pétrole. Ce qui provoque sa fortune est aussi ce qui fait son malheur. Mais déclenche nos avalanches de rire.

Les catcheurs

On ne verra plus jamais le catch de la même façon… Quoi que cette chanson étant fort réaliste, je doute que cela change réellement la situation.

Les Fesses

Un hymne aux formes callipyges, peu importent à qui elles appartiennent. Et, dans une ère où les clips de pop-music se basent plus sur le rebond du fessier des danseuses que sur de véritables qualités musicales afin d’atteindre et battre des records de vente, il est agréable d’entendre cette petite satire.

Aujourd’hui, les membres du quartet (et Pierre Philippe, le premier pianiste ayant accompagné le groupe) ne sont plus. J’espère qu’ils se sont réunis là-haut, et qu’ils s’attellent à mettre de l’ambiance parmi les Anges.

Merci à vous, Frères Jacques, et adieu.

Antoine Barré

3 réflexions sur « Adieu aux Frères Jacques »

  1. bravo Antoine j’ai beaucoup apprécié ton article ,tes commentaires sur leurs chansons sont très justes et ta prose est agréable à lire

  2. Ton article est tres plaisant et bien ecrit ,j’ai eu beucoup de joie à ecouter les chansons que tu as selectionnées , si ton grand père les croise au ciel il sera tres heureux merci Antoine ,j’ai passè un agréable moment ta grand mére

  3. Merci Antoine de rendre un si bel hommage à ces artistes un peu disparus de nos mémoires et qui ont bercer mon enfance , plus tard j’ai redécouvert ces textes qu’il savait si bien interpréter , ils mimaient comme ils chantaient les meilleurs auteurs de leur époque Ferré , Gainsbourg , Caussimon … .enfin tout ces artistes de cabaret a une époque où ce mot n’était pas synonyme de vulgarité et de facilité mais bien de qualité littéraire à bientôt pour commenter ton édito sur les qualités ou défaut de nos amis journalistes . Bien à toi Antoine FX Grelet

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