RETROSPECTIVE – ONU: les virtuoses du trompe-l’oeil

Faisan Bin Hassan Trad
Faisan Bin Hassan Trad

On n’arrête pas le progrès dans la « quenelle-attitude » à l’ONU. Pour ceux qui en ont loupé une bonne cette semaine: l’Arabie Saoudite a été nommée à la tête du groupe consultatif chargé de présider le choix des rapporteurs du Conseil des droits de l’Homme…Quel l’art de l’humour noir ! Quelle maîtrise du sarcasme!

Après nous avoir proposé Kadhafi — le roi des libertés sociales — en guise de dirigeant de la Commission des droits de l’Homme en 2003, c’est au tour de Faisal Bin Hassan Trad de gouverner le corps de l’ONU le plus (symboliquement) fondamental de tous puisque ce dernier enquête et juge les pays responsables de manquement en matière de libertés sociales, politiques, économiques et religieuses… Pays comme L’Arabie Saoudite justement…

On pourrait se demander, après-tout pourquoi le gouvernement saoudien voudrait de ce poste encombrant? La version officielle est la suivante : au-delà d’une démarche d’intégration sur la scène internationale, cette désignation s’inscrirait dans le cadre d’avancées sociales en Arabie Saoudite…

Des avancées sociales? Lesquelles? Vous parler de l’anéantissement total de toute liberté d’expression ou de l’asservissement des femmes? De plus, l’ONU a un sens de l’ironie aiguisé, elle nous apporte la drôle de nouvelle la même semaine où la décapitation de Ali al-Nimr a été fixée. Chef d’accusation: avoir manifesté pacifiquement pendant le printemps arabe en 2012. Donc pour les dites avancées sociales comme argument de recrutement, on repassera.

Alors voici la version officieuse, tellement plus logique mais très épineuse: pour trouver l’objectif inavoué, il faut revenir aux liens très gênants entre l’Arabie Saoudite, les Etats-Unis, DAESH et leurs potes locaux comme le Yémen, ce dernier étant considéré comme l’un des régimes les plus violents au monde, doté d’un système tribal et militaire tristement célèbre pour se vider de sa population par millions. Et comme l’a dit très justement Kennedy en 1963 à Berlin: « la fuite de toute une population est le démonstration flagrante de la faillite de son système ».

Alors pourquoi les yéménites fuient par millions ? Ils ont d’excellentes raisons, à plus d’un titre: manque de ressources alimentaires, insécurité, corruption, arrestations arbitraires, persécution des femmes et des minorités, absence totale de libertés sociales, politiques et religieuses… Pour parfaire le portrait du régime de l’Enfer, tout acte homosexuel prouvé ou non est passible de pendaison.

L’Arabie Saoudite, dont les enjeux commerciaux avec le Yémen sont de taille, pourra donc désormais diriger ou plutôt éviter toute enquête sur son pote yéménite. Mieux encore, elle pourra se protéger elle-même des critiques envers son régime, interférer dans les débats qui gênent et repousser les résolutions qui visent les crises régionales (comme l’expansion du DAESH par exemple?). Tout ça grâce à son merveilleux organe de lobbying diablement efficace et toujours aussi confortablement installé à la table ovale de la Maison Blanche.

On patauge dans l’absurde et le sur-réalisme, on fait fi de toute une opinion publique internationale (certes fatiguée), à qui on cache –derrière une belle vitrine d’intégration- les pires motivations.

Bienvenue à l’ONU : les maîtres de l’humour noir et les virtuoses du trompe-l’œil.

21/09/2015

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