Homosexuels: le retour de la haine?

Un militant défendant les droits des homosexuels manifeste avec un drapeau arc-en-ciel abîmé, lors de la Gay pride le 26 juillet 2014 à Saint-Pétersbourg en Russie afp.com/Olga Maltseva
Un militant défendant les droits des homosexuels manifeste avec un drapeau arc-en-ciel abîmé, lors de la Gay pride le 26 juillet 2014 à Saint-Pétersbourg en Russie afp.com/Olga Maltseva

Le bilan des crimes homophobes des derniers mois est dramatique. La tuerie d’Orlando ou les meurtres à Istanbul cet été laissent penser à un retour à la haine des minorités transsexuelles, bisexuelles et homosexuelles dans les pays arabo-musulmans en crise mais aussi dans les pays occidentaux.


Deux invités, Mohamed Ludovic Zahed – anthropologue et imam divorcé d’un homme – et l’historien américain Robert Beach – spécialiste de l’Europe et de l’Allemagne – nous expliquent ce phénomène par la résurgence du fascisme et de l’extrémisme religieux en faisant un parallélisme entre Daesh et le IIIème Reich.

L’Etat Islamique et le IIIème Reich relèvent du fascisme mais reposent sur des socles de justification très différents. Alors que l’EI se veut universaliste et condamne l’homosexualité pour de soit-disantes raisons religieuses, les nazis, obsédés par la pureté de la race aryenne, condamnaient l’homosexualité pour des raisons raciales et démographiques. L’acte homosexuel était considéré comme un péché patriotique: un manquement à son devoir démographique envers la race aryenne.

Mais la persécution des minorités sexuelles par les djihadistes repose t-elle vraiment sur des écrits religieux? Selon Zahed, non. Il rappelle que le Coran ne parle pas d’homosexualité mais de rapports contraints entre jeunes hommes et patriarches. Les différents régimes panarabistes et l’EI ont détourné sémantiquement les versets du Coran pour condamner l’homosexualité et légitimer la persécution des minorités sexuelles afin de créer une société homogène à l’identité uniforme, plus à même d’être manipulée et contrôlée par un pouvoir centralisé. « C’est du fascisme, du patriarcat, ça n’a rien à voir avec l’éthique de l’islam » souligne l’anthropologue. Cette pression faussement religieuse serait donc à l’origine d’une haine collective voire même d’une « haine de soi » qui pousse certains individus comme Omar Mateen à massacrer ses semblables.

Les deux spécialistes rappellent la perception de l’homosexualité à travers les âges depuis l’Antiquité. Alors que les empires égyptien, romain et grec autorisaient les rapports homosexuels, les écrits bibliques les condamneront pour leur caractère non-reproductif. C’est au XIXème siècle que les lois interdisant la sodomie seront bannies avec la Révolution Française et que les individus commenceront à se définir en fonction des rapports qu’ils préfèrent pratiquer. Ce sera la naissance de ladite identité sexuelle créant ainsi une minorité vulnérable, cible des régimes fascistes. Selon Beachy, après les années de relative tolérance sous la république de Weimar, le régime nazi entrainera la persécution systématique des minorités sexuelles condamnées aux camps de concentration. La moitié y périra entre 1935 et 1945. Il faudra attendre les années 1990 et 2000 pour que le mariage ou le pacte civil entre personnes du même sexe soit légalisé dans la plupart des pays de l’Europe de l’ouest.

Les spécialistes restent donc optimistes et croient en de nouvelles sociétés pluralistes où l’identité sexuelle ne serait plus une question prioritaire dans le paysage social si l’analyse des textes religieux tout comme le bien-être social et économique de chacun sont respectés.

Compte rendu de l’emission Square Idée diffusée sur Arte

06/10/2016

La masturbation architecturale à Dubaï

Tour Burj Khalifa (828 m), actuellement la plus haute au monde. Dubaï, 2009.
Tour Burj Khalifa (828 m), actuellement la plus haute au monde. Dubaï, 2009.

Dubaï a lancé la construction de la tour la plus haute du monde

Dépassant Burj Khalifa, le plus haut gratte-ciel du monde qui culmine à 838 mètres dans cet émirat du Golfe, le nouvel édifice « sera la tour la plus haute du monde en 2020 », année de l’Exposition universelle qui se tiendra à Dubaï, selon le communiqué publié à l’occasion. Le géant immobilier Emaar, à l’origine de l’initiative, avait estimé un coût de construction à environ un milliard de dollars (900 millions d’euros). Conçue par l’architecte hispano-suisse Santiago Calatrava Valls, la tour, arrimée au sol par des câbles, sera dotée d’une plateforme d’observation, en plus de 18 à 20 étages qui accueilleront des restaurants et des hôtels et évoquera par sa structure la forme d’un minaret.

10/10/2016

RETROSPECTIVE – ONU: les virtuoses du trompe-l’oeil

Faisan Bin Hassan Trad
Faisan Bin Hassan Trad

On n’arrête pas le progrès dans la « quenelle-attitude » à l’ONU. Pour ceux qui en ont loupé une bonne cette semaine: l’Arabie Saoudite a été nommée à la tête du groupe consultatif chargé de présider le choix des rapporteurs du Conseil des droits de l’Homme…Quel l’art de l’humour noir ! Quelle maîtrise du sarcasme!

Après nous avoir proposé Kadhafi — le roi des libertés sociales — en guise de dirigeant de la Commission des droits de l’Homme en 2003, c’est au tour de Faisal Bin Hassan Trad de gouverner le corps de l’ONU le plus (symboliquement) fondamental de tous puisque ce dernier enquête et juge les pays responsables de manquement en matière de libertés sociales, politiques, économiques et religieuses… Pays comme L’Arabie Saoudite justement…

On pourrait se demander, après-tout pourquoi le gouvernement saoudien voudrait de ce poste encombrant? La version officielle est la suivante : au-delà d’une démarche d’intégration sur la scène internationale, cette désignation s’inscrirait dans le cadre d’avancées sociales en Arabie Saoudite…

Des avancées sociales? Lesquelles? Vous parler de l’anéantissement total de toute liberté d’expression ou de l’asservissement des femmes? De plus, l’ONU a un sens de l’ironie aiguisé, elle nous apporte la drôle de nouvelle la même semaine où la décapitation de Ali al-Nimr a été fixée. Chef d’accusation: avoir manifesté pacifiquement pendant le printemps arabe en 2012. Donc pour les dites avancées sociales comme argument de recrutement, on repassera.

Alors voici la version officieuse, tellement plus logique mais très épineuse: pour trouver l’objectif inavoué, il faut revenir aux liens très gênants entre l’Arabie Saoudite, les Etats-Unis, DAESH et leurs potes locaux comme le Yémen, ce dernier étant considéré comme l’un des régimes les plus violents au monde, doté d’un système tribal et militaire tristement célèbre pour se vider de sa population par millions. Et comme l’a dit très justement Kennedy en 1963 à Berlin: « la fuite de toute une population est le démonstration flagrante de la faillite de son système ».

Alors pourquoi les yéménites fuient par millions ? Ils ont d’excellentes raisons, à plus d’un titre: manque de ressources alimentaires, insécurité, corruption, arrestations arbitraires, persécution des femmes et des minorités, absence totale de libertés sociales, politiques et religieuses… Pour parfaire le portrait du régime de l’Enfer, tout acte homosexuel prouvé ou non est passible de pendaison.

L’Arabie Saoudite, dont les enjeux commerciaux avec le Yémen sont de taille, pourra donc désormais diriger ou plutôt éviter toute enquête sur son pote yéménite. Mieux encore, elle pourra se protéger elle-même des critiques envers son régime, interférer dans les débats qui gênent et repousser les résolutions qui visent les crises régionales (comme l’expansion du DAESH par exemple?). Tout ça grâce à son merveilleux organe de lobbying diablement efficace et toujours aussi confortablement installé à la table ovale de la Maison Blanche.

On patauge dans l’absurde et le sur-réalisme, on fait fi de toute une opinion publique internationale (certes fatiguée), à qui on cache –derrière une belle vitrine d’intégration- les pires motivations.

Bienvenue à l’ONU : les maîtres de l’humour noir et les virtuoses du trompe-l’œil.

21/09/2015