Miss Mayotte victime de racisme sur internet

(Article écrit en octobre 2015 dans le cadre de mes cours de Techniques de Bases Rédactionnelles (T.B.R.) à l’EFJ Paris).

Mi-octobre le comité Miss France a publié les photos de toutes les candidates. Parmi elles, Ramatou Radjabo sacrée Miss Mayotte en août dernier. Après la publication des clichés de chacune des prétendantes, celui de la jeune femme de 18 ans a déclenché une flopée de commentaires racistes sur les réseaux sociaux, dont les réactions se sont faites très rares.

Plus connue pour son lagon, sa faune ou ses coutumes, l’île de Mayotte ne l’est pas spécialement pour ses Miss. A ce jour aucune n’a remporté l’élection de Miss France, le meilleur résultat étant une place de troisième dauphine pour la Miss Mayotte 2008, Estelle Née. Mi-octobre le comité Miss France publie les photos des prétendantes, dont celle de l’égérie mahoraise Ramatou Radjabo. Elle était loin de se douter que cela provoquerait une déferlante de commentaires moqueurs et racistes sur Twitter. À coup de montages photos, la jeune femme de 18 ans est comparée à des joueurs de foot, des chanteurs et même un singe. Son physique pas assez attrayant pour certains serait à l’origine de cette vague de tweets de mauvais goût, venant aussi bien de Mayotte que de la Métropole. Ou quand le « trolling (fait de créer artificiellement une controverse qui focalise l’attention aux dépens des échanges) » se transforme en racisme.

Les raisons de cet acharnement sont multiples. On moque sa coupe afro, ses traits pas assez fins, ses lèvres jugées trop grosses. « Elle n’aurait pas le physique pour être miss », déplore un twittos. Un autre justifie tous ces posts haineux par une prétendue ressemblance avec un chanteur américain : « Quand tu ressembles à T-Pain (nom du chanteur, ndlr) c’est pas de notre faute hein ». Heureusement, certains utilisateurs du réseau social à l’oiseau bleu se sont plaints, en dénonçant le contenu raciste d’une partie des messages. « Twitter nous démontre facilement la négrophobie universelle », assure un utilisateur remonté. Une autre affirme que « la couleur ébène et les cheveux crépus dérangent ».

Silence du comité Miss France

Du côté des comités, aussi bien celui de Mayotte que le national, aucune réaction officielle forte. Simplement une photo mise en ligne sur la page Facebook « Miss Mayotte Officiel », en guise de soutien durant ce « Ramatou Gate ». Une poignée de médias seulement a parlé de cette affaire. Parmi eux, la chaîne du service public Mayotte Première a publié sur son site un édito intitulé « Miss Mayotte, nous t’aimons ». Dans ce papier, Ali Chamsoudine, son auteur, s’indigne « que la beauté mahoraise soit mise à mal parce qu’elle est d’ébène et d’Afrique ». Il prend soin d’esquiver les raccourcis en refusant de « tomber dans le piège que tendent ceux qui s’en prennent à Ramatou, en évitant de remettre en cause le mérite des autres candidates moins marquées ethniquement ».

Trop isolés pour être remarqués à plus grande échelle, ces positionnements contre les propos racistes n’ont pas abouti à des poursuites judiciaires. Pourtant selon un juriste pénaliste « ils rentrent dans le cadre de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 ». En effet elle punit de six mois d’emprisonnement et de 22 550 euros d’amendes les injures racistes dans l’espace publique. Alors qui pour poursuivre l’auteur de ces tweets moqueurs ? La victime bien sûr, si elle le souhaite, mais pas seulement. Toute personne ou institution peut le faire, comme l’avait fait le collectif Walwari en 2014 après l’affaire Taubira, elle aussi comparée à un singe par une candidate FN en pleine campagne des municipales.

A un mois de l’élection de Miss France le samedi 19 décembre, il sera intéressant de voir si le sujet des attaques sera abordé pendant la cérémonie. Ce sera surtout l’occasion pour Miss Mayotte de faire parler de son île, autrement que par des comparaisons racistes.

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