La Poursuite du Bleu et la Compagnie en Eaux Troubles nous proposent de revisiter la légende arthurienne avec Le Cycle de Merlin, adapté de Merlin ou la terre dévastée, écrit par Tankred Dorst. Que vaut cette pièce de théâtre ? Mes impressions…
Difficile de ne pas connaître le mythe arthurien. Ne serait-ce qu’avec la littérature, qui débute vers 540, on approche d’une centaine d’œuvres et sagas, tandis que l’on peut dénombrer plus d’une trentaine d’adaptations cinématographiques et télévisuelles, dont la plus connue en France reste sans doute Kaamelott d’Alexandre Astier. Et ce, sans compter les bandes-dessinées, jeux de sociétés, jeux vidéo et autres adaptations musicales qui furent inspirés par les exploits du Roi Arthur et des Chevaliers de la Table Ronde.
Il s’agit d’un des mythes fondateurs de notre culture, et il s’agissait d’un exercice périlleux que de monter une pièce sur le sujet, pour des troupes aussi « jeunes » (la Compagnie en Eaux Troubles a « seulement » 5 ans d’existence). Le jeu en vaut-il la chandelle ?
Revisiter la légende
Le problème avec les histoires tournant autour de la Table Ronde, sans mauvais jeu de mots, c’est qu’on les connait toutes, et qu’il est difficile de les réinventer, de leur insuffler un nouveau vent de jeunesse. Et pourtant, cela reste possible. Ici, Merlin converse avec son Lucifer de père, ce dernier tentant de faire comprendre à son fils qu’avec ses dons, il peut réussir là où son géniteur ne peut, c’est-à-dire mener l’homme à la damnation éternelle. Surtout quand ces dons s’accompagnent de la capacité à voir dans le futur :
Merlin : Je vois des hommes brûler dans des fours !
Le Diable : Belle époque !
De par son refus, et de par son souhait de voir cette table ronde entourée de chevaliers, Merlin va ici poser les fondations de l’histoire arthurienne. L’épée dans la pierre, les chevaliers, le célèbre amour entre Guenièvre et Lancelot, Mordred, la Quête du Graal, la Fée Viviane, la Chute d’Arthur… Tout est conté dans cette saga théâtrale, qui n’a rien à envier aux grandes productions hollywoodiennes.
Performance et endurance théâtrales
Il s’agit-là d’une véritable performance, en matière d’art, et une véritable leçon d’endurance. En effet, le Cycle de Merlin est divisé en deux parties, aussi appelés « Cycles » : la Table Ronde et les Terres Dévastées. Et chacune de ces parties dure pas moins de quatre heures, entrecoupées par des entractes toutes les deux heures et, si l’intégrale vous tente, une heure de pause entre les deux parties.
Si, pour les spectateurs les moins patients, cela peut sembler éprouvant, que dire pour les acteurs ? Durant au moins quatre heures, ils courent, sautent en tous sens, s’interpellent, se chamaillent, se réconcilient, chantent et dansent…
De plus, chacun des acteurs joue plusieurs personnages, qui se différencient par leurs accoutrements, leurs attitudes, leurs maquillages, et il est parfois nécessaire de passer de l’un à l’autre en moins d’une minute ! Et pourtant… Non seulement les acteurs y parviennent, mais ils sont en plus capable de brouiller les pistes, au point que l’on cherche à déterminer qui est le personnage initial.
Un développement des personnages trop restreint
Sans doute ma seule véritable critique à l’encontre des personnages que l’on peut voir dans la pièce : le développement de ces derniers est bien trop restreint, et l’on souhaiterait avoir plus de détails concernant certains personnages, ou des explications plus poussées quant à leurs destins. Au lieu de cela, il semble qu’on nous laisse délibérément avec des questions sans réponse, ce qui est dommage, même si cela ne se voit que durant le deuxième Cycle.
Toujours est-il que, mis à part ce seul point négatif, les deux pièces sont très agréables à regarder, l’enthousiasme des acteurs aide grandement à oublier le temps qui passe, la mise en scène, bien qu’épurée, stimule l’imagination et la bande sonore a le mérite de coller parfaitement à l’ambiance. Bref, un spectacle à la hauteur de ses prétentions.
Si vous souhaitez aller le voir, voici une vidéo d’explication sur la production du spectacle et son financement, faite par deux des membres de la Poursuite du Bleu :
Le Cycle de Merlin, une adaptation et une mise en scène par Paul Balagué, d’après l’oeuvre originale de Tankred Dorst : Merlin ou la terre dévastée. Théâtre du Soleil, la Cartoucherie, à partir du 13 Octobre 2016, une production de La Poursuite du Bleu.
Antoine Barré