Archives par mot-clé : présidentielles

Pourquoi les jeunes devraient-ils aller voter ?

L’on a tendance à déclarer, assez abusivement, qu’être jeune, c’est être de gauche, que ce soit dans la conviction politique, sociale ou idéologique. Pourtant, est-ce que la primaire de la gauche, qui se tiendra à la fin du mois de janvier, peut les inciter à se choisir un candidat ?

Qui va aller voter ? Rue Solférino, la question est sur toutes les lèvres. Et la réponse fait peur. Alors que la primaire de la droite était un succès populaire, attirant près de 4 millions de votants, seul 6% des 18-25 ans se sont déplacés, tandis que 35% des plus de 65 ans et 23% des 50-64 ans sont allés déposer un bulletin dans les urnes. Preuve supplémentaire d’une fracture générationnelle entre « les jeunes » (18-25, voire 30 ans), ou une partie d’entre eux, et les « vieux », (50-99 ans).

Suite au Brexit et à l’élection de Donald Trump, plusieurs personnes, relativement influentes sur les niveaux sociaux, à l’instar de Yoann Nègre, ont proposé à ce que l’on retire le droit de vote aux personnes âgées, une fois passé un certain stade, afin « d’éviter que l’on freine stupidement la marche du progrès en choisissant sciemment de faire un retour en arrière à cause de deux ou trois personnes qu’il est simple d’effrayer en agitant un bâton ! »

Si l’on part alors du principe (quelque peu manichéen) que la primaire de la droite était l’occasion pour les « vieux » de choisir leur candidat, celle de la gauche devrait logiquement permettre aux « jeunes » de choisir le leur, s’ils se déplacent jusqu’aux bureaux de vote. Or, quelles sont les propositions susceptible d’impacter leur vote ?

De la Génération Banga à la Génération Ganja ?

Si l’on se penche sur les programmes des candidats, seul cinq d’entre eux font une proposition susceptible d’accueillir l’unanimité des suffrages : Jean-Luc Bennhamias, Benoît Hamon, François de Rugy, Sylvia Pinel et Vincent Peillon. En effet, ils avancent l’idée de la dépénalisation du cannabis voire même de sa légalisation et de sa commercialisation, sous contrôle de l’Etat s’entend. Les raisons sont multiples, et vont de la lutte contre les trafics à la question de santé afin de lutter contre les dépendances.

Or, il s’agit d’une seule proposition « susceptible » de fédérer les « jeunes » autour d’un candidat, en se basant sur l’idée répandue selon laquelle ils sont des consommateurs invétérés de drogue, que ce soit dans un but médical ou dans un but récréatif, comme le disait Yannick Jadot (candidat à la présidentielle pour Europe-Ecologie) dans une interview adressée à Valeurs Actuelles, dans lequel il expliquait être pour la légalisation du cannabis car il ne voyait pas de problème à  : « Se partager un joint de cannabis le vendredi soir [avec des amis, ndla] ».

Malheureusement, cela démontre d’un point de vue sur les jeunes électeurs quelque peu étriqué, les réduisant à des personnes simples, dépourvues d’ambitions, si ce n’est vivre éternellement dans un paradis artificiel alimenté par des composés chimiques ou naturels. La nouvelle génération de votants semble ne rien attendre de la vie, et des politiques : durant les municipales, seul 39% d’entre eux se sont déplacés, tandis que les régionales ont vu une abstention record chez les 18-24 ans (66%) et les 25-34 ans (61%). Pourtant, en creusant les programmes des candidats, on se rend compte que bien des propositions sont susceptibles de les attirer. 

La priorité à l’éducation

Si l’on part sur l’hypothèse que les « jeunes » sont en lycée, ou bien suivent des études supérieures, plusieurs propositions peuvent faire pencher la balance. Le rehaussement de l’âge limite pour entrer en apprentissage (Vincent Peillon) à 30 ans, entre autre, permet de donner une seconde chance, ainsi qu’une expérience, une qualification qui est de nos jours très souvent recherchée par les potentiels employeurs. En face de cela, des cours de préparation à l’université durant la terminale (Jean-Luc Bennhamias) offre l’opportunité aux futurs bacheliers d’avoir un véritable avant-goût de ce que sont les études supérieures, au lieu de simplement les « jeter » dans un système éducatif bien différent de celui auquel ils étaient habitués, et dans lequel on risque de se trouver rapidement perdu. 

Si l’on considère que la tranche d’âge intéressée est 18-30 ans, on peut supposer qu’il se trouve dans ces électeurs susceptibles de se rendre aux urnes de jeunes parents, dont les enfants entreraient dans le système scolaire durant le quinquennat d’un des candidats à la primaire de la gauche (si celui-ci est élu, s’entend). Ici aussi, les candidats ont leurs propositions, même si certaines sont quelques peu… Farfelues.

Par exemple, la proposition d’Arnaud Montebourg, qui consiste à ce que le même instituteur suive la même classe, depuis le CP jusqu’au CM2, peut sembler être une bonne idée, mais elle ne prend pas en compte les éventuels déménagements, ou les arrivées d’élèves, sans oublier le fait qu’à chaque nouvelle rentrée scolaire, un nouveau professeur devra prendre en charge les nouveaux élèves de CP et s’en occuper cinq ans durant. La proposition ne prend pas en compte non plus la formation (qui risque d’être accélérée) des enseignants engagés pour prendre en charge ces nouvelles classes. Même en prenant en compte un roulement de cinq ans avec les effectifs déjà présent dans l’établissement, on supprime par ailleurs officieusement le redoublement des classes.

Enfin, nombre d’autres candidats, à savoir Benoît Hamon, Manuel Valls, Vincent Peillon et Sylvia Pinel, proposent de rendre obligatoire la scolarisation de l’enfant, dès l’âge de 3 ans, au lieu de 6 ans actuellement. De plus, Benoît Hamon, François de Rugy et Vincent Peillon mettent l’accent sur le recrutement des futurs enseignants et leur formation dans le même temps, là où, pour reprendre les propositions d’Arnaud Montebourg, ce dernier ne cherche « qu’à » revaloriser les salaires et donner une meilleure formation aux professeurs, sans pour autant en augmenter l’effectif.

Passons aux sujets fâcheux

Il est toutefois stupide de penser que l’on ne peut voter que pour les « bons aspects » d’un candidat, tout en omettant les côtés « négatifs » de sa campagne. Voter pour un candidat, que ce soit à la primaire, durant les municipales, la présidentielle, etc… C’est voter pour son programme dans son entier.

Au début de cet article, nous partions sur l’idée que la primaire de la gauche était la primaire permettant aux « jeunes » de choisir leur candidat. Or, on déclare aussi, assez abusivement, qu’être un « jeune », c’est être de gauche et ce que ce soit dans sa conception politique, sociale et idéologique, ce qui peut provoquer un certain choc, vis-à-vis des propositions des candidats sur le secteur de la Justice et de l’Intérieur.

De nombreux candidats proposent en effet la relance de la police de proximité, tout en augmentant le budget de la Justice, propositions qui peut faire grincer des dents, si l’on reste dans le manichéen schéma de « la Gauche juste, bienveillante et humaniste », opposée à « la Droite « totalitaire » et policière, voire dictatoriale ».

Or, il faut l’avouer, il est visible que les Français, lors de la présidentielle, vont voter non seulement pour un programme éducatif ou culturel, mais aussi et surtout pour un programme qui les confortera dans un sentiment de sécurité bienvenu, dans des temps quelque peu troublés par les attentats et les menaces extérieures.

C’est pourquoi les « jeunes » vont devoir mettre de l’eau dans leur vin, et accepter que, quel que soit le candidat pour lequel ils voteront à la primaire de la gauche, se faisant, ils n’accepteront pas uniquement son projet de dépénalisation ou de légalisation du cannabis, ou le fait que leur poulain mettra la culture française au cœur de ses priorités, mais qu’ils acceptent aussi ses « défauts », quels qu’ils soient.

Antoine Barré