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Le pouvoir des juges est-il sans limite ?

Que sont les juges ? Quels sont les pouvoirs que leur charge et leur fonction leur octroie, et quelles sont les limites qui leurs sont imposées ?

Les juges sont définis comme étant des magistrats, c’est-à-dire des personnes originellement élues afin de prendre en charge des fonctions législatives, exécutives et judiciaires. Il s’agit d’un nom né dans la Rome Antique, toutefois, le terme de « Juge » peut être relié au livre du même nom de l’Ancien Testament biblique, dans lequel les Juges d’Israël sont investis des mêmes pouvoirs afin de guider au mieux le peuple Juif.

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Actuellement, et dans une vaste majorité du monde, ce terme désigne uniquement les personnes investies du pouvoir judiciaire. Mais, en fin de compte, quelles sont les limitations du pouvoir accordé aux juges ?

Un pouvoir qui semble tout-puissant…

La notion de « Loi » renvoie à une idée de règle juridique suprême, base même du droit de l’Etat. En France, et ce depuis 1958, nous vivons sous un régime non pas légicentriste, mais constitutionnel, c’est-à-dire que les lois doivent être soumises à la Constitution, d’où l’existence du Conseil Constitutionnel. Lesdites lois peuvent être basées sur  la tradition aussi loufoque soit-elle, comme par exemple « Chaque habitant de France doit avoir chez lui une botte de foin au cas où le roi passerait à cheval devant chez lui et ou ledit cheval aurait faim, voire le roi aurait envie de coucher avec une femme », ou bien sur une proposition soumise et acceptée par un parlement représentant le peuple, voire l’ensemble des citoyens d’un état.

C’est un fait avéré que la loi est l’expression de la volonté générale du peuple, ou du moins d’une de ses composantes, qu’elle soit minoritaires ou non, comme cela a été vu avec l’adoption de la loi sur le mariage homosexuel. La loi peut ainsi être vue comme une autorité limitée par les libertés fondamentales.

Or, quels sont les buts de la loi ? De façon simpliste, on peut dire que le dessein initial de la loi n’est autre que la protection des citoyens et l’amélioration de leur niveau de vie ainsi que l’encadrement des mœurs, comme ce fut le cas avec la GPA. Les juges ont donc comme tâche de veiller à ce que l’application des lois se fasse en accord avec la Constitution du pays, même si cela peut sembler une application des plus sévères aux yeux des condamnés. Toutefois, cette même Constitution est elle-même soumise à de plus hautes instances.

Sans parler de l’Organisation des Nations Unies, les états membres de l’Union Européenne sont en effet soumis à la Charte des Droits Fondamentaux, inhérente à l’Union Européenne et à laquelle doivent se soumettre et s’articuler les différentes Constitutions des états-membres.

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Cette Charte s’articule autour de 6 chapitres :

– Dignité : Dignité humaine, le droit à la vie, l’interdiction de l’usage de la torture et de la peine de mort, l’intégrité de la personne et notamment l’interdiction de « faire du corps humain ou de ses parties en  tant que tel une source de profit », ce qui a lancé la polémique concernant la GPA et ses dérives possibles, puisque les opposants au mariage homosexuel ont craint une mise en place d’un « marché de l’enfant ». On peut aussi parler ici de la dignité de l’enfant, qui a conduit à la condamnation de la France pour ne pas avoir interdit la fessée en tant que châtiment corporel.

– Liberté : Le droit à la liberté, le droit à la vie privée, remis en cause avec l’usage des réseaux sociaux et le fichage de données, droit de conscience et de religion, mais aussi le droit d’expulsion et/ou d’extradition, qui fut contesté, par exemple, lors de l’expulsion d’une jeune roumaine et de sa famille durant l’automne 2013

– Egalité : Respect des diversités, égalité entre homme et femme, intégration des handicapés, dans l’expectative, bien entendue, que chaque citoyen agisse de même avec autrui.

– Solidarité : Protection des consommateurs, droit à un logement (Trêve hivernale/Accueil solidaire)

– Citoyenneté : Le droit de vote et d’éligibilité est garanti pour tous les citoyens de l’Union Européenne, selon les conditions de l’état dans lequel il se trouve, droit à une administration traitant les affaires des citoyens de façon équitable et impartiale, liberté de circuler qui est remise en cause avec l’Espace Schengen et ses controverses, droit à la protection diplomatique et consulaire.

– Justice : Droit à un tribunal impartial, droit à la défense, proportionnalité entre les délits et les peines.

… Mais qui s’avère en définitive contestable

En effet, contrairement à ce que l’on pourrait penser, il est possible de contester une décision de justice en faisant appel de cette décision.

De par la cour d’appel, on a trois possibilités, c’est-à-dire :

– La « réformation » : Le juge d’appel rejugera le fond de l’affaire, reprend les divers points contestés et est susceptible de modifier le premier jugement rendu.

– L’achèvement : Ce jugement prend en compte l’évolution du litige depuis le premier jugement intervenu.

– La confirmation : Le juge d’appel peut tout simplement confirmer la décision de justice rendue en premier lieu s’il s’avère qu’il n’y a pas matière à réformer ou à annuler.

La possibilité du pourvoi en cassation existe aussi, qui se base cette fois sur une erreur de procédure ou d’interprétation juridique, ou bien dans la mesure où un juge a commis un excès de pouvoir, voire quand il y a atteinte aux droits de la défense, par exemple. Le premier jugement peut ainsi être cassé pour des vices de formes divers comme une procédure suivie ou bien un jugement irrégulier. Toutefois l’affaire n’est pas jugée sur le fond, uniquement sur la forme.

Le gouvernement des juges

Il s’agit d’une notion introduite par Edouard Lambert dans son ouvrage intitulé « Le gouvernement des juges et la lutte contre la législation sociale aux Etats-Unis ».

L’idée est la suivante : Le juge privilégiera son interprétation personnelle de l’affaire, au détriment de la loi, pour rendre sa décision.

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En règle générale, cette décision aura alors un but politique. En France, l’exemple le plus flagrant est le controversé Syndicat de la Magistrature, syndicat à tendance marxiste fondé le 8 Juin 1968, ce qui se ressent dans un texte écrit par  l’un de ses membres, Oswald Baudot, en 1974 : Harangue à des magistrats qui débutent.

« Soyez partiaux […]. Ayez un préjugé favorable pour la femme contre le mari, pour l’enfant contre le père, pour le débiteur contre le créancier, pour l’ouvrier contre le patron, pour l’écrasé contre la compagnie d’assurances de l’écraseur, pour le malade contre la Sécurité sociale, pour le voleur contre la police, pour le plaideur contre la justice. »

Il s’agit là d’un dévoiement de la fonction du magistrat : ce dernier se doit d’agir, non seulement contre les personnes qu’il va considérer comme étant «supérieures », mais aussi contre la loi en elle-même, ce qui va à l’encontre de la définition du juge, qui est supposé remplir une fonction de jugement et ne pas prendre parti dans un litige, en accord total avec la loi.

Toutefois, il est à noter que cette disproportion du pouvoir judiciaire est tout aussi néfaste qu’un pouvoir législatif ou exécutif appliqué dans les mêmes conditions.

Au vu des dernières affaires judiciaires ayant éclaboussé le monde politique, avec les accusations lancées contre Marine Le Pen et François Fillon, notamment, on peut se demander si la France est un gouvernement des juges ?
Pour que ce soit le cas, il serait nécessaire qu’il y ait une volonté politique derrière ces accusations, or, pour le moment, il n’y a aucune preuve allant en ce sens. Tout est, dans le cas de François Fillon, parti d’une bombe médiatique lancée par le Canard Enchaîné, à la suite de laquelle s’est emparée de l’affaire. On peut alors pointer du doigt la soudaine célérité du parquet national financier à s’emparer de cette affaire, face aux autres scandales financiers ayant éclaté dans le même temps, voire ayant une importance similaire, comme l’affaire Bruno Leroux.

En fin de compte…

Pour conclure, le pouvoir des juges est étendu, s’appliquant même au-delà des frontières, comme le prouve l’enquête du juge Marc Trévidic au sujet de l’assassinat des moines de Tibhirine, en Algérie.

C’est un pouvoir en principe assez souple, puisqu’une décision de justice peut être contestée en cour d’appel par les justiciables, qui peuvent aussi former un pourvoi en cassation afin de déterminer si la décision respecte le droit.

De plus, la capacité des juges à mener un procès non pas seulement en raison de la loi, mais par affinité ou par préjugé, laisse apercevoir en fin de compte un pouvoir qui se limite de lui-même, comme cela se voit dans le gouvernement des juges.

Antoine Barré & Ambroise Gallouet