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Lutter contre la corruption : une affaire de démocratie

Depuis peu, les dirigeants politiques se trouvent sur un socle d’argile, et ce à travers le monde entier. La raison ? L’électorat ou plutôt, les peuples, se lèvent face à la corruption se dévoilant de plus en plus notamment grâce aux réseaux sociaux et aux nouvelles méthodes d’enquêtes mises à disposition. 

Il ne s’agit pas d’un simple mouvement de contestation né sur les réseaux sociaux, ou à la suite d’une manifestation, et destiné à mourir paisiblement à l’instar de Nuit Debout. D’une part, il n’est pas confiné au territoire national (et n’est pas « né » dans ses frontières). Et de l’autre, il s’agit d’un phénomène mondial qui, à l’instar des vagues les plus fortes, emporte tout sur son passage.

2016, l’année du désaveu

Il faut bien le dire, ce fut une année assez rude pour la politique en général. De nombreux séismes l’ont en effet bousculé et les cartes, les modèles auxquels on était accoutumé, furent rebattus, bouleversés. Brexit, élections américaines, etc… Les « démocraties à l’occidentale » ont connu de sérieux revers, mais en réalité, ce n’est qu’une gifle amicale en comparaison de ce qu’a connu le reste du monde.

Les peuples ont affirmé leur volonté de voir en place des gouvernements exemplaires, qui ne cachent rien à leurs électeurs. On constate là une recherche de la vérité, mais aussi une nouvelle lutte, dans laquelle le peuple cherche à reprendre ce qui lui appartient de droit : le contrôle de la démocratie. Il montre son mécontentement face à des élites qui ne les écoutent pas, ne se penchant

Chronologie d’une  longue chute

Dilma Rousseff peut être considérée comme la « première victime » de cette série de mouvements contestataires. Tout débute en 2014, quand la police fédérale brésilienne commence à enquêter sur une affaire de corruption et de blanchiment d’argent, dans laquelle apparaît la société Petrobras, dont le conseil d’administration avait été dirigé par la présidente brésilienne entre 2003 et 2010, avant son arrivée au pouvoir. Le nom de cette dernière est citée, et elle est accusée par un sénateur d’être parfaitement au courant du réseau de corruption, tout en ayant bénéficié de pots-de-vin.

Cela a lancé une seconde enquête parallèle, centrée cette fois-ci sur la seconde élection de Dilma Rousseff, qui révéla qu’elle avait fait supporter aux banques près de 40 milliards de réaux (soit près de 12 milliards d’euros) de dépenses incombant en réalité au gouvernement, afin de présenter un bilan positif lors de sa campagne, en vue de sa réélection. C’est à partir du 15 mars 2015 que des millions de personnes commencent à manifester pour la destitution de la présidente, mais c’est le 2 décembre que la procédure d’impeachment est lancée, avant d’être confirmé le 11 avril 2016. Dilma Rousseff est suspendue de ses fonctions le 12 mai 2016. Son procès s’ouvre le 25 août et elle est destituée six jours plus tard, à 60 voix contre 20.

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Près de deux mois plus tard, c’est la Corée du Sud qui est traversé par un séisme de protestations, concentrées autour de celle qui fut surnommée la « Raspoutine Coréenne » en raison de son influence sur la présidente Park Geun-hye : Choi Soon-sil. Cette dernière est la fille de Choi Tae-min, un prédicateur religieux ayant eu un ascendant certain sur le père de la présidente, Park Chung-hee, qui avait lui aussi exercé le pouvoir en Corée du Sud entre 1962 et 1979, avant d’être assassiné.

Il fut révélé que Choi Soon-sil eut une longue influence sur Park Geun-hye, notamment au niveau des décisions gouvernementales puisqu’il semble avéré qu’elle ait instigué certaines nominations, et corrigé des discours de la présidente. De plus, elle aurait soutiré plusieurs millions de dollars à de grandes sociétés coréennes, via des fondations lui étant liées, menant à des enquêtes pour corruption et trafic d’influence.

Entre le 29 octobre et le 3 décembre 2016, les sud-coréens descendent dans les rues et manifestent tous les week-ends pour réclamer la démission de Park Geun-hye. Le 9 décembre 2016, elle est destituée de son titre et de ses pouvoirs par le Parlement, à raison de 234 votes (il y a 300 députés au Parlement sud-coréen).

Et ce n’est pas fini ! Le mercredi 18 janvier 2017, c’est au tour de la Roumanie de monter au créneau. En cause des ordonnances du gouvernement (socialiste, cela ne s’invente pas !) visant à limiter le pouvoir des procureurs et des magistrats, mais aussi à gracier de nombreux politiciens roumains accusés de corruption. Autre scandale : Florin Iordache, ministre de la Justice, soutient cette ordonnance ! Le peuple roumain manifeste sa colère. Durant la nuit du 31 janvier, le gouvernement adopte le décret sans en référer au Parlement.

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Florin Jianu, le ministre du Milieu des Affaires, présente sa démission le 2 février 2017 et rejoint les rangs des manifestants. D’autres membres du gouvernement, et du parti au pouvoir, le PSD (Parti Social-Démocrate), suivent le mouvement et démissionnent. Au plus fort de la contestation, les manifestations rassemblent près de 500 000 personnes. Le 9 février, Florin Iordache est poussé à la démission.

Et maintenant, on va où ?

Le dimanche 19 février 2017, une série de manifestations eurent lieu dans l’Hexagone, et particulièrement sur la Place de la République, à Paris. Le but des manifestants est de protester contre la corruption des élus (emplois fictifs, privilèges, etc…). C’est un mouvement faisant suite aux révélations du Canard Enchaîné concernant le candidat des Républicains : François Fillon, mis en cause pour avoir embauché sa femme, voire ses propres enfants, sur des emplois fictifs durant ses mandats de parlementaire.
Le but est notamment d’inciter les candidats à la présidentielle à adopter des mesures fermes contre la corruption, en particulier dans le milieu politique.

Si on peut louer l’esprit citoyen des manifestants, toutefois on peut noter que peu d’élus et de politiques sont nommés : François Fillon (qui fait la Une depuis plus d’un mois, ce serait dommage de le louper), Claude Guéant, Jérome Cahuzac ou Marine Le Pen. En somme, ceux qui sont nommés dans de récentes affaires (fort bien médiatisées). De plus, Vincent Gaultier, l’instigateur du mouvement, fut secondé par des membres du collectif Nuit Debout. Ce collectif avait lui aussi prit ses quartiers Place de la République à partir du 31 mars 2016, en réaction à la Loi Travail, poursuivant la contestation jusqu’à fin juin, avant de s’éteindre doucement dans la chaleur estivale.

D’un certain point de vue, cette nouvelle vague de manifestations peut être une bonne chose, puisque à son tour le peuple français se dresse face à la corruption. Malheureusement, force est de constater que les appels à la régulation de la vie politique et à plus de transparence sont fort orientés. On ne remarque aucune référence aux propres abus du gouvernement, comme l’affaire Thomas Thévenoud (atteint de « phobie administrative » l’ayant empêché de remplir ses feuilles d’impôts), le coiffeur du président, les sauteries de Thomas Hollande à la Lanterne (aux frais du contribuable), les dépenses d’Emmanuel Macron durant ses derniers mois en fonction à Bercy, etc…
Ou bien la Justice a statué sur le sort des personnes pré-citées, ou bien on les passe sciemment sous silence en espérant les faire oublier, ce qui reste le cas le plus probable.

Il ne reste qu’à espérer que ce nouveau mouvement populaire prenne le pas et s’insurge contre la corruption en général, plutôt que contre les quelques cas qui se retrouvent sous les feux des médias. Car c’est un fait que l’on a tendance à oublier : tous les partis sont susceptibles d’être soupçonnés de corruption, et peuvent être mis en examen pour avoir abusé de leurs positions et de leurs pouvoirs, sans exception de couleur ou de vision politique (la Roumanie l’a bel et bien démontré !).

En attendant de voir comment cela va évoluer, il est bon de noter quelque chose concernant ces contestations. Ce n’est pas qu’un mouvement populaire. C’est l’expression même de la démocratie : le peuple reprenant le pouvoir, afin de faire changer les choses.

Antoine Barré
(Merci à Jigsaw pour la relecture)