Jean-Philippe Chauveau, la foi au service des prostituées

Le Père Jean-Philippe Chauveau, coauteur de « Que celui qui n’a péché… » avec Luc Adrian (Famille Chrétienne) est un membre de la communauté Saint-Jean, congrégation religieuse fondée en 1975 par le Père Marie-Dominique Philippe. Il a fondé l’Association Magdalena qui offre un soutien moral et religieux aux prostitués, hommes ou femmes, du Bois de Boulogne.

Le Père Jean-Philippe est n’est pas un prêtre comme les autres. Aumônier de la maison d’arrêt de Nanterre de jour, il devient le confident et le soutien des prostitués du Bois de Boulogne la nuit, sillonnant inlassablement les allées du Bois dans son camping-car. Comment le Père Jean-Philippe, qui se présente comme « accro aux nouvelles technologies et toujours sur son scooter »,  en est arrivée là ? Son parcours exceptionnel pourrait être celui d’un héros de roman.

Jean-Philippe Chauveau est né à Nantes en 1950, dans une famille pauvre, d’un père ouvrier à la SNCF et d’une mère au foyer. Très jeune, il est envoyé à la Pension Bethléem, près de Nantes (une « pension funèbre », se rappelle-t-il), qui lui laisse un mauvais souvenir de sa première rencontre avec la religion, puis dans une autre, proche d’Angers. Au pensionnat, la religion lui paraissait n’être qu’une affaire hypocrite, dont les rituels répétitifs étaient accomplis avec le souci de s’en débarrasser au plus vite.

Il sort du pensionnat dès l’âge de 9 ans pour découvrir que ses parents ont divorcé.

L’alcool est partout : son père et sa mère boivent, tout comme la seconde femme de son père. Son adolescence est difficile, rythmée par les petits larcins, les mensonges, les fugues et les coups portés par sa belle-mère ou par son père.

Il est placé à 12 ans dans une maison de correction : « Mes parents n’ont pas été sages et c’est moi qui ai été puni. », comme il l’explique dans son autobiographie Que celui qui n’a jamais péché… Malgré sa rancœur à l’égard du monde des adultes, il apprécie certains de ses professeurs et se rapproche, dans le même temps, de son frère aîné Gérard, le seul à lui rendre visite durant son internement.

A 14 ans, il commence un apprentissage comme pâtissier, tout en replongeant dans la petite délinquance. Il est mis dehors à 18 ans après une « grève du lit » contre les mauvais traitements de son patron.

Quels sont les déclencheurs de son retour vers la religion catholique et de son souhait d’entrer dans les ordres ? Ironie de l’histoire, c’est un prêtre de sa seconde pension qui est à l’origine de sa vocation : ce dernier avait le droit de sortir du pensionnat pour aller chasser et le jeune Jean-Philippe, avec sa logique d’enfant, pensait que, s’il devenait prêtre, à son tour, il aurait droit à ce privilège.

Un autre inspirateur fut son copain Fernand, un catholique qui « ne mettait pas le mouchoir de la religion dans sa poche »  et travaillait avec Jean-Philippe chez Peugeot, dans un atelier mécanique. Selon le prêtre aujourd’hui, c’est « le premier vrai chrétien » qu’il ait rencontré, toujours à l’écoute des autres, prêt à aider ceux qui étaient dans le besoin.

Enfin et surtout, il y eut le service militaire. Un autre appelé avait monté un groupe de prière qu’il fréquentait à peu près aussi assidûment que ses « soirées Pastis » à la Rochelle… Une manière très personnelle de s’affirmer « réellement chrétien ». Il prend une semaine de permission pour effectuer une retraite à Châteauneuf-de-Galaure, au Foyer de la Charité, où il se confesse pour la première fois depuis son enfance.  Il y revient à de nombreuses reprises et y fait la connaissance de Jean Vanier, fondateur de la Communauté de l’Arche, en 1975. Il devient accompagnateur au foyer de Clamart de la communauté  et partage son temps entre son travail spirituel et la mécanique chez Peugeot. Il va désormais tous les jours à la messe et se confesse souvent. À plusieurs reprises, il manifeste l’envie de devenir prêtre, mais hésite : « c’était impossible, je n’ai jamais fait d’études et on m’a toujours dit que j’étais un bon à rien ! ».

Marthe Robin, fondatrice des Foyers de la Charité
Marthe Robin, fondatrice des Foyers de la Charité

C’est le Père Marie-Do (Marie-Dominique Philippe) et Marthe Robin, la cofondatrice des Foyers de Charités, qui finiront par le convaincre de sauter le pas. « On ne pouvait parler […] mais il n’a pas eu besoin de paroles pour me bouleverser : il a posé sa main sur mon avant-bras et a fiché son regard pétillant dans mon regard. Il m’a regardé comme une personne. »

Il est ordonné le 8 septembre 1982 et commence deux ans plus tard à s’occuper des toxicomanes auprès de l’association du Patriarche, créée par Lucien Engelmayer. Il quitte l’association, qui virait à la secte pour ouvrir son propre centre pour toxicomanes, Saint Jean Esperance, à Pellevoisin puis bientôt un autre à la Bretesché. Il passe la main après dix années, en 1995. Il passa alors dix mois en Guinée pour y bâtir un monastère  avant de revenir en France et d’atterrir à la paroisse Sainte-Cécile, à Boulogne-Billancourt.

Dans le même temps, il prend contact avec le Père Patrick Giros, le fondateur de l’association « Aux Captifs, la libération » et commence ses premières « maraudes » au Bois de Boulogne avec des bénévoles, les mercredis soir, de 22h00 à 1h00 du matin.

Logo de l'association Magdalena
Logo de l’association Magdalena

En 1998, il fonde l’association « Magdalena », en hommage à Marie-Madeleine, prostituée sauvée par Jésus. Depuis, 5 fois par semaine, lui et d’autres bénévoles, sillonnent le Bois de Boulogne dans un camping-car faisant ce qu’il appelle « Les tournées du cœur ». Il tente ainsi de rencontrer les personnes prostituées, grâce à des liens d’amitié, quelle que soit leur confession. De plus, une fois par an depuis 2002, un week-end de mai ou de juin, il en emmène quelques-uns, travestis ou transsexuels, pour un pèlerinage à Lourdes.

Une de ses dernières réussites a été la conversion d’un ancien monastère en maison d’accueil et de réinsertion, à Écuelles, dans la Seine et Marne.

Antoine Barré

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