Plongée « dans le ventre » d’un hôpital au bord de la rupture

Parce que « le burn-out nous concerne tous », le réalisateur Jérôme Le Maire s’est immergé pendant deux ans au sein d’un hôpital parisien au bord de la rupture. De cette expérience au sein de l’unité chirurgicale de l’hôpital Saint-Louis, il a tiré un documentaire fort et intime.

   Deux ans au coeur d’un hôpital au bord de la rupture, deux ans au coeur d’un burn-out général. « Burning out, dans le ventre de l’hôpital », programmé mardi 3 Octobre 2017 à 20H55, suit le quotidien du personnel de l’unité chirurgicale de Saint-Louis, l’un des plus grands établissements publics de la capitale. Fatigue, disputes allant jusqu’aux larmes sur fond de plannings qui débordent, collègues qui ne se connaissent plus et « perdent le sens » de leur travail… L’atmosphère est pesante au bloc, où s’enchaînent les opérations à un rythme effréné.

Mais plus que le malaise des soignants, ce sont les mécanismes à l’oeuvre derrière le burn-out et « ce qui se passe après la prise de conscience » que Jérôme Le Maire a voulu exposer. L’hôpital, bouleversé, voire « déshumanisé », par les réformes et les plan d’économies successifs, reflète la gravité d’une « maladie » qui contamine jusqu’au médecin, explique-t-il. Dans son documentaire, Jérôme Le Maire évoque un phénomène bien particulier : « une pathologie de civilisation, le miroir de notre société » confrontée à la course à la rentabilité, à la performance, et non pas le « problème de celui qui est faible ou travaille trop ».

Son lieu de tournage était tout trouvé. « J’ai fait mes repérages pendant un an et demi avant de sortir ma caméra », le temps de nouer des relations, de trouver des « personnages ». Puis « j’ai tourné pendant un an parce que je voulais voir le système évoluer ». Il parvient alors à saisir des moments émouvants, voire très durs. Comme la confidence très « troublante et courageuse » d’un chirurgien qui, décidant de s’arrêter pendant six mois, « envoie un message fort en s’octroyant cette permission de partir avant de tomber », ou cette altercation « terriblement triste » entre un chef de service et une infirmière-anesthésiste qui souhaitent tous deux « soigner le mieux possible leur patient » mais « ne se comprennent pas, ne s’entendent pas ». « Le burn-out, c’est la maladie du lien. C’est à nous d’en créer », explique le réalisateur qui s’inscrit progressivement comme un « personnage » à part entière du film pour illustrer son propos. « Nous sommes tous responsables ».

Le film se termine sur une note d’espoir, sans dire si la situation s’est améliorée. Au grand dam de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) qui a critiqué dans un communiqué un « film à thèse » à ne pas confondre avec « un documentaire » ou « un reportage ». « Droit dans ses bottes », Jérôme Le Maire tient, lui, à « saluer » l’AP-HP, qui l’a autorisé à « filmer sans condition » un environnement très barricadé. Toujours en contact avec certains membres du personnel, il estime que « la problématique est toujours là. Pire ou non? » Ce n’est pas à lui de le dire.

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