Interview

Loïc Pen, 46 ans. Chef des urgences de l’hôpital Laennec à Creil. 

Loic Pen, médecin à la tête des urgences, est le témoin des dysfonctionnements de l'hôpital de Creil.
Loïc Pen, médecin à la tête des urgences, est le témoin des dysfonctionnements de l’hôpital de Creil. Crédit photo Bernard Lamirand

Après un internat effectué dans un hôpital parisien, le docteur Pen a exercé en médecine libérale. Puis, il a travaillé quelques années pour SOS Médecins. Aujourd’hui titulaire à Creil depuis treize ans, il dirige le service des urgences depuis le milieu de l’année 2012. mais il continue à effectuer, en parallèle, des missions avec les services d’ambulances du Smur. Il brise la loi du silence.

 

Vous n’avez pas peur de vous exprimer alors que la plupart de vos collègues que j’ai contactés n’osaient pas me parler franchement. Pourquoi cette différence de ton ?

La direction de l’hôpital a déjà tenté de me suspendre de mon poste de chef des urgences, en 2013. Ils m’ont accusé de « rupture de la permanence des soins ». En fait, j’avais jusqu’au 10 avril 2013 pour formuler le planning des urgences, organisant le temps de travail des médecins du service. Il manquait des postes, et donc la direction souhaitait que les urgentistes effectuent huit heures gratuitement en plus des quarante heures réglementaires que comportent leurs contrats.

Avez vous subi des représailles ? 

Je m’y étais formellement opposé ; aussi la directrice m’avait mis à pied, me retirant mon statut de chef des urgences. J’ai pu récupérer mon poste grâce à la mobilisation de l’ensemble du personnel de l’hôpital, rassemblé autour des forces syndicales. Les manifestations ont eu raison de cette décision, et j’ai été réintégré. Suite à cela, désormais, je dis les choses quand je sens qu’elles ont besoins d’êtres dites.

L’hôpital de Creil est régulièrement le théâtre de conflits violents entre patients et soignants. Avez-vous été marqué par un fait en particulier ?

Deux patients avaient été emmenés aux urgences par la police. Encore une histoire d’adultère qui s’était mal passée. Le premier, le mari trompé, avait tailladé le second, l’amant, au couteau. Ce dernier, un grand gaillard imposant s’était défendu et avait sacrément amoché son agresseur. Tout deux avaient été conduits à l’hôpital séparément, mais avaient fini par se croiser dans un couloir. Le mari blessé avait alors fondu sur l’amant, l’avait poursuivi jusque dans la salle d’attente où il l’avait envoyé au sol avant de déchaîner contre lui un déluge de coups de poings. Ce jour là, j’ai vraiment eu peur. D’autant qu’il y avait du monde dans la salle d’attente, cela aurait vraiment pu dégénérer.

En 2013, le docteur, alors démis de ses fonctions de chef de service, tirait déjà la sonnette d’alarme sur la situation de l’hôpital. Le Groupement Hospitalier Public du Sud de l’Oise (GHPSO) était alors le théâtre de manifestations et de protestations, rapportée dans une vidéo publiée sur le site de partage de vidéos Dailymotion.


20130430-Hôpital de Creil-Partie 3-Loïc Pen par Educla2

Un site utilisant Réseau EFJ – Les blogs étudiants