Femmes de prisonnier : la double peine

Elles s’appellent Marianne, Sonia, Karine ou Véronique, elles n’ont pas le même âge et sont toutes issues de milieux différents. Leur point commun : elles ont chaque semaine un pied à l’intérieur de la prison pour rendre visite à leur conjoint.

A respectivement 21 et 35 ans, les week-end de Sonia* et Marianne* n’ont rien d’ordinaire. Kilomètres parcourus, stress des allers-retours, fouille au corps et bruit des portes métalliques sont devenus leur quotidien.

200 euros, le prix d’un week-end entre filles. Des week-end, ça fait bien longtemps que Sonia et Marianne n’en n’ont plus. 200 euros, c’est le prix moyen qu’elles dépensent par semaine pour rendre visite à leur compagnon respectif. Avec un SMIC, un loyer et des courses à payer, il leur est difficile de joindre les deux bouts à la fin du mois.

 

La prison est un combat permanent. Le premier combat est l’obtention du permis de visite.

 

“C’est une vraie bataille pour obtenir un droit de visite”. Trop souvent, après une arrestation suivie d’un mandat de dépôt, les accusés n’ont pas l’occasion de dire au revoir à leurs proches. Ces derniers doivent obtenir un permis de visite. Pour accéder au sésame, les proches doivent, entre autres, attester d’un lien de parenté avec l’accusé. Marianne a mis de longues semaines avant d’obtenir le permis de visite, n’ayant aucun document officiel attestant d’un lien de parenté existant. Mais comment faire lorsque l’on est une simple petite amie ?

Sonia, mineure à l’époque et sans lien officiel de parenté avec son compagnon, a obtenu son permis de visite au bout de 5 longs mois.

Hamburger sous leur veste ou chargeur de téléphone dissimulé, elles apportent tout ce qu’elles peuvent, en plus de leur soutien moral lors du parloir hebdomadaire.

 

Organisation, saleté et abus d’autorité. Bienvenue au parloir !

 

Si Sonia et Marianne ont accepté que leur conjoint soit en prison, elles ont du mal à accepter le parloir. Varces, Bourg en Bresse, Dijon, Saint Quentin. Durant ses 9 premières années d’incarcération, Johan* a été transféré à de nombreuses reprises. Marianne l’a suivi pendant plusieurs années. “A chaque fois je dois ré-adapter mon emploi du temps à celui de la nouvelle prison et mon budget pour tous les déplacements en trains.”

De son côté, Sonia  a eu plus de chance. Cela fait 6 ans que Simon* est à la prison de Nantes. Nantes c’est pas trop mal, les matons sont assez respectueux.”  

La prison c’est un autre monde. Chacune est différente, avec ses codes et ses matons pas toujours très agréables “on est toujours à leur merci”. “Un jour un gardien m’a dit “pour un regard de travers je peux vous retirer votre permis 3 mois”, il faut se plier aux règles et baisser les yeux”.

A partir de leur entrée en prison, les proches sont considérés au même statut que les détenus. Trajet jusqu’à la prison, appel des familles, queue pour aller au casier, queue pour passer aux portiques, puis re-attente. Une heure s’est écoulée. “C’est beaucoup d’attente et toujours l’angoisse de ne pas le revoir, car en prison on ne sait jamais ce qui peut arriver.”

“Un jour je suis arrivée et je n’ai pas pu le voir, il s’était battu la veille, il était au mitard”

“Tous les jours j’ai peur pour lui, je me demande s’il a maigri ou s’il n’a pas de problèmes.”

A la fin du parloir, c’est le même déroulement : portiques, casier puis appel. Tout ce procédé est minutieusement construit afin d’éviter aux proches d’amener aux détenus des objets interdits au sein de la prison comme les téléphones qui sont pourtant monnaie courante à l’intérieur. « On s’appelle tous les soirs ou on parle par messages. »

Quand j’ai dû annoncer à mes parents l’incarcération de mon conjoint, je me souviens surtout de ma honte.

 

Si seulement l’angoisse pouvait s’arrêter à la porte de la prison. L’appréhension, la peur, la honte, culpabilité, le regard de l’autre… Sonia les ressent tous les jours. “Je suis très gênée quand je lui envoie des mandats à la poste, on me demande souvent si c’est pour un taulard.”

 

Elle a mis 2 ans à avouer à ses parents l’incarcération de son conjoint. Ils l’ont immédiatement soutenue. Ils ont été présents pour le jugement et pour l’accompagner au parloir. Pour d’autres familles la pilule est plus difficile à avaler. Les proches de Marianne sont moins indulgents. “Tu gâches ta vie avec lui me disaient-ils. Il se sert de toi.” “ Au fur et à mesure des années, les critiques ont diminué, ils se sont faits à l’idée.”

Ce qui fait tenir ces femmes, ce sont les projets, la vie après la prison.

Un soutien sans faille ou presque.

 

Derrière les barreaux leur conjoint respectif leur promet monts et merveilles. « Quand j’ai appris qu’il était en prison, j’étais anéantie, j’ai stoppé l’école, j’ai arrêté de vivre. Mais l’amour a pris le dessus. » Aujourd’hui, Sonia n’attend qu’une chose : la sortie de Simon de prison. “On a pour projet d’aller vivre dans le sud et d’avoir des enfants.” Pour Marianne, la prison n’a pas resserré les liens, au contraire. “La vie après la prison on n’en parle pas, le fait de se voir très peu n’est jamais bon pour un couple”.

L’éloignement avec ses proches aussi que Marianne ne voit plus par manque de temps. « Ce n’est pas une vie de passer ses week-end au parloir ».

 

« Les projets c’est bien beau, mais attendre c’est compliqué. J’avais envie de vivre, de profiter, pour moi ». Beaucoup pensent à refaire leur vie comme Marianne qui, remords aux tripes a recommencé les parloirs hebdomadaires après deux ans d’absence.

 

 Des aides présentes




Plusieurs associations et communautés ont été créées pour les conjointes de prisonniers. Groupes de parole et échanges d’expériences, c’est un bon moyen pour ces femmes de parler avec d’autres qui vivent la même situation qu’elles. Ces associations permettent aussi aux femmes de comprendre des choses qui ne leur sont pas expliquées comme la semi-liberté ou encore comment correspondre par lettre avec leur conjoint. 

 

NFD (Nous Femmes de Détenues) http://associationnfd.e-monsite.com/

Soutien Écoute Prison (au sein même de la prison de Fleury Mérogis)

 

*Certains prénoms ont été changés afin de préserver l’anonymat des intervenants.

 

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