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Musée sonore

Le point commun de Jacques, les Gordon, Laurent Garnier et Jeff Mills? Ils se sont appropriés, l’espace d’un soir, le parquet d’un musée pour jouer leur set. La culture underground se glisse à l’intérieur des dorures vieillies des musées et se joue des codes. Sous l’impulsion de passionnés, certains musées se dédient à l’histoire de cette musique, devenue culte.

C’est tout naturellement au Centre Pompidou que Jacques a fait ses adieux au public parisien. A la fin d’un live réinterprétant musicalement les tableaux de Magritte, l’artiste évoque l’idée de « se poser » pour un temps. Comme à son habitude, Jacques jongle avec les objets, exhortant leurs sonorités, aboutissant sur un set dont on reconnaît l’auteur. L’équipe en charge de l’exposition avait contacté l’artiste, estimant que leurs univers se rejoignaient. Bien que quelques décennies les séparent, le parallèle entre Jacques et Magritte s’établit autour le culte de l’objet détourné, cristallisant des créations surréalistes.

Clique sur le cheval pour écouter un live de Jacques :

cheval

Étrange idée que d’inviter un DJ à composer dans un musée. Le Centre Pompidou n’est pas le seul à avoir eu la fantaisie de décloisonner la techno des clubs. Le Musée des Arts Asiatiques a fait appel à Les Gordon, invitant le DJ à s’installer dans le musée. Sa collaboration avec le Musée des Arts Asiatiques se jouera en trois volets. La première date, le 12 novembre, lui a permis de collaborer avec Timsters, artiste venant de Rennes. Le 10 décembre, Les Gordon revenait sur le parquet du Guimet, cette fois-ci seul, avec le projet de mêler musique électronique et cinéma asiatique. La techno envoûtante de Les Gordon suit la lignée des oeuvres asiatiques sobres et pointues. Enfin, le 14 janvier marque la fin de l’expérience.

Clique sur Les Gordon pour écouter Carole :

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À contre-courant des idées reçues

Les musées offrent aux artistes français un lieu insolite où se produire, ainsi qu’un projet dépassant l’élément « danse ». Le contexte est forcément différent pour l’artiste, amené à joindre des oeuvres visuelles à une vibration sonore, lui laissant un champ d’expression plus libre. 

Les musées sont plus enclins à joindre des artistes jouant de la techno, de la house ou de l’électro, mais les flirts entre la musique électronique et les musées n’en sont pas à leurs prémices. Dix ans plus tôt, Le Louvre donnait carte blanche à Laurent Garnier, pour l’accorder cette année à Jeff Mills. Rompu de ce genre de raouts, il apprécie le côté expérimental des musées. Le public semble plus tolérant, ne venant pas uniquement pour danser, et reste généralement plus sobre que dans les clubs. Jouer dans les musées, ça lui connaît puisqu’il a aussi eu l’occasion de mixer au Quai Branly. L’endroit a pris l’habitude d’accueillir toutes sortes de productions artistiques et musicales, décidant que l’art ne se limite pas qu’au plaisir des yeux. Les Siestes Électroniques se sont développées, dépassant le cadre parisien pour s’exporter à Séoul.

Clique sur le ciel bleu pour t’évader Quai Branly:

siestes

 

Les genres culturels se brouillent, s’interférent et s’entre-choquent, laissant entrevoir un nouvel espace de création. La techno sort des clubs, des caves et des sous-sols pour s’imposer dans les musées. Ce ne sont pas seulement quelques concerts qui ont su trouver un lieu décalé, il y a un véritable essor de la culture techno hors des sentiers battus, sous des aspects protéiformes. 

La techno au centre du musée

Les musées spécialement dédiés à la musique électronique se sont multipliés. C’est dans son berceau que le premier lieu entièrement dédié à celle ci s’est implanté. L’EXHIBIT 3000, basé à Detroit, s’est ouvert en 2002 et est accessible uniquement sur rendez-vous. Il évolue avec la musique qu’il présente, ayant ajouté un étage en 2004.

 

Si Detroit  figure comme berceau de la techno, Berlin serait sa ville de coeur. Un musée y sera inauguré fin 2016, crée par le fondateur du Trésor, Dimitri Hagemaan. Il lui préfère le nom de « Living Archive of Elektronica ». Son fondateur précise qu’il ne s’agit pas d’un musée au sens où il est amené à évoluer, et non pas à rester figé. La techno a encore de beaux jours devant elle.

Un autre musée est déjà établi à Berlin, rendant hommage à un artiste célèbre, Edgar Froese, fondateur du Tangerine Dream. A l’initiative de son épouse, le Tangaudimax rend hommage à la création impressionnante d’Edgar Froese. Dans le tourbillon de musiciens qui apportaient leurs contributions à Tangerine Dream, il en resta le seul membre permanent. Avant-gardiste, il choisi d’éviter la voix du rock pour percer.  Abandonnant la guitare pour le synthé, il laisse derrière lui une oeuvre fragmentée, éclectique et riche. Une idée de musée hommage qui pourrait être reproduit avec David Mancuso, à l’héritage musical aussi important que celui de Tangerine Dream.


Edgar Froese

Toujours en Allemagne, Francfort prévoit l’ouverture de son musée, le MOMEM (Museum of Modern Electronic Music) en 2017. L’initiative provient d’Andreas Tomalla plus connu sous le nom de Talla 2XLC, fondateur du Technoclub à Francfort. Le musée sera auto-financé, plus généraliste que celui de Detroit, s’axant sur des thématiques tels que la technologie, le design, le graphisme… Son ouverture est ardemment attendue, devenant le troisième musée de la musique électronique.

Ce genre d’endroit né souvent de l’esprit d’un passionné, célébrant la musique, un artiste, ou racontant l’évolution de la musique électronique. D’autres projets plus loufoques voient le jour, comme le MIMO (Musical Instrument Museums Online). Ce musée virtuel a grandi grâce aux internautes, chacun y apportant sa contribution et se targe de devenir la collection la plus exhaustive d’instruments au monde. Il recense actuellement 56404 instruments, et a fait resurgir quelques vestiges du passés comme le Trautonium, permettant au public de se familiariser ou de découvrir des instruments incongrus.

Retour en 1991, Oskar Sala jouait du Trautonium, c’est par ici : 

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Si certains parient sur le virtuel pour lancer leur musée, le Canada lance un projet bien matériel. Studio Bell, c’est le nom de ce gigantesque musée, s’étendant sur plus de 50 000 m². Le lieu n’est pas entièrement dédié au musée et propose différents services, tous axés sur la production musicale. Des cours de musique sont dispensés aux enfants comme aux adultes. Des résidences pour les artistes y sont installés, ainsi qu’un studio d’enregistrement. Un studio de radio s’est implanté dans le Studio Bell. Le musée propose actuellement une exposition temporaire sur l’iconique Tom Cochrane, l’auteur de l’album Mad Mad World.

Après ça, si les musées ne vous attirent toujours pas, je baisse les bras. 

Tête à tête au 17 rue Visconti

Le rendez-vous aurait dû avoir lieu au 27 rue Jacob. Finalement, ce sont les locaux de la rue Visconti qui accueille le tête à tête de la Nuit des Idées. Devant la porte métallique, une dizaine de personnes se réunissent autour d’un stand de hot dog et de bière avant d’entrer dans une expérience peu commune.

Une quarantaine de personnes attendent de s’inscrire sur les listes de rencontres, dans une demi-pénombre. Patience dans le joyeux chaos de le file, où les administrateurs prennent les rendez-vous à tour de bras, avec le sourire. Le léger brouhaha et les notes de piano de Tanguy de Williencourt s’entremêlent devant la projection de photo des gagnants du festival LUMIX de l’an dernier.

Un fois ces formalités réglés, je me dirige vers la salle où Daniel Scheidermann, le journaliste d’Arrêt sur image. Plusieurs personnes sont installés par terre, l’ambiance est bon enfant. Le principe d’un rendez vous de 15 minutes entre trois personnes et leur intervenant restera à l’état de principe. Les échanges s’éternisent, Léna Mauger revient sur son enquête phare, Les évaporés du Japon. Toute l’équipe de revue XXI s’est investi dans le projet, se reconvertissant le temps d’un soir en serveur. Marie-Pierre Subtil, journaliste à 6 mois, nous livre la date de son prochain festival, qui se déroulera le 14 juillet. Festival de journalisme vivant, il rassemble le lectorat de revue XXI et 6 Mois.

On croise aussi Edwy Plenel, Paul Moreira, Sonia Kronlund et autres personnalités occupés à parler presse et monde autour d’un verre.

Une fois la première partie de la soirée écoulée, d’autres intervenants prennent la relève. La Quadrature du Net vient nous parler de la neutralité du net. Un parallèle entre 1984 et aujourd’hui est vite balayé, on discute de Mr Robot et de la troisième saison de Black Mirror entre deux astuces pour protéger sa vie privée des GAFA. Dans une ambiance geek assumée, on apprend comment les cookies nous stalke pour créer un profil publicitaire ciblé. Ici, on suit de près l’affaire James Dunne, qui semble sur la bonne voie.

Plus loin, on discute protection de l’environnement avec au programme des scanners de fruits ou encore des cargos autonomes. Un rassemblement de bricoleurs s’attarde sur les détails de ces derniers, la difficulté de naviguer en pleine mer et la fatigue harassante de la navigation en temps de brume.

La foule se fait plus éparse. En bas, la projection D’un 11 septembre à l’autre débute. 44 lycéens de Seine-Saint-Denis se sont prêtés au jeu, les menant jusqu’au Théâtre de  la Ville. Le réalisateur, Guy Girard, revient sur le parcours de ce film documentaire.

On sort un peu utopiste de cette soirée, un peu plus enthousiaste pour l’avenir. Après tout, ce n’est qu’une Nuit, le rêve y est permis.