Alors que, ce dimanche, l’Arabie Saoudite exécutait la soixante-dixième victime de son régime répressif depuis le début de l’année, l’Agence France Presse a confirmé l’attribution de la légion d’honneur au prince héritier-ministre de l’Intérieur, Mohammed Ben Nayef.

Contrairement à l’usage, la décoration fut cette fois décernée avec le plus de discrétion possible de la part de l’Élysée. C’est en effet l’agence de presse saoudienne qui, se gargarisant d’un tel succès dans le monde occidental, a divulgué l’information. Ce n’est ici pas tant la légitimité de la médaille qui suscite l’indignation. En 2006, Vladimir Poutine avait reçu le même honneur. C’est le moment choisi qui dérange. Non content de voir une partie de la population du Yémen subir la famine qu’implique le blocus qu’il mène, le royaume saoudien se targue d’y détruire le patrimoine architectural. Le temple de Nakrah, la forteresse médiévale de Al Qahira, des milliers d’habitations traditionnelles au sein de la capitale Sana’a, le musée de Dhamar… Autant de témoins d’une histoire millénaire réduits en poussière par la volonté de détruire l’idolâtrie antéislamisque, condamnée par le wahhabisme saoudien. Ce conflit n’est pas simplement un désastre culturel mais aussi humain. La coalition menée par Riyad empêche le ravitaillement des zones rebelles, privant la population d’eau potable, de nourriture et de médicaments. Les Nations Unies estiment le bilan à plus de 5 000 morts et 25 000 blessés. Au-delà du cynisme de son président qui, dans une interview à Elle, se déclare « féministe » deux jours après avoir décoré le dirigeant d’un état où la condition des femmes est pour le moins déplorable, la France n’a pas intérêt à s’émouvoir du cas yéménite. Les bombardements de la coalition saoudienne sont menés par un état et un gouvernement légitime. Aussi, ils sont réalisés avec l’aval international, dont les Etats-Unis et de la France. Il semble alors bien plus facile de s’insurger contre Daesch que de pointer du doigt les bavures d’un allié de l’Occident.