[Contribution] Edito : Du poison du sophisme

Quels sont les effets de ce poison nommé « sophisme » ? Et sur quels antidotes pouvons-nous miser afin de nous en prémunir ?

Ne nous voilons pas la face: la France, comme de nombreux pays européens, traverse une crise sociale et politique. La confiance s’effondre et on se tourne désespérément vers les partis qualifiés d’extrêmes, peu importe leurs orientations politiques. J’espère, au travers ces lignes, mettre en garde contre une maladie qui grandie de jour en jour dans la société. Son nom? Le sophisme.

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Le sophisme est une argumentation à la logique fallacieuse. Pour faire simple, ce sont des fourberies mentales destinées à vous faire acquiescer un discours. Grâce à eux, ils auront une allure logique et recherchée. Le seront-ils vraiment au fond? En surface, seulement. On en distingue plusieurs comme la pente glissante (agiter la peur d’un évènement B en référence à un évènement A); de l’Epouvantail (déformer les propos d’un opposant); l’argument du plus pauvre/riche (revendiquer/avoir raison en fonction de sa classe sociale); appel à l’expert (appuyer son argumentation sur une figure injustifiée/erronée pour la prouver), ad bacculum (la menace), reductio ad Hitlerum (en revenir aux nazis dans un débat), de généralisation etc…

Mon but n’est pas de tous les lister. Ce serait inutile. Mon but est de vous mettre en garde vis à vis de propos de certaines personnes, qu’elles soient publiques, issues d’Internet (chaînes YouTube, pages Facebook…) et autres et qui essaient de faire passer leurs idées. Quels sont leurs ses effets?

Combien de fois ai-je vu des gens boire les propos de certains parce qu’ils en étaient fans? Combien de fois nous acquiesçons bêtement ce qu’une personne dit parce qu’on apprécie ce qu’elle fait sans chercher à savoir la logique et toute l’ampleur de ses dires? On clique sur « j’aime », en moins d’une seconde, sans s’interroger sur ce qui a été déclaré. On approuve et on ne réalise pas le plat qu’on a reçu de par le plateau sur lequel il fut servi. On l’avale alors, sans se poser de questions. Et ce n’est souvent que trop tard qu’on réalise la dangerosité de l’aliment: c’est à dire quand on a tout perdu ou être allé trop loin dans l’erreur. Pour les cas les plus graves, on ne s’en rend compte jamais… On est alors esclave de ses erreurs et de la pensée d’un autre !

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Et nécessairement, en ces temps difficiles, cela fonctionne particulièrement bien pour les prêcheurs de bonne parole. En plus de ces manipulations de logiques, ces personnes-là usent de solutions simples, voire simplistes, pour obtenir l’adhésion des esprits les moins avertis. Or, le problème qui se pose est que nous vivons dans un monde complexe. Et croire pouvoir résoudre ses problèmes en claquant des doigts, c’est commettre une erreur des plus fondamentales ! Prenons quelques exemples:

Dans les débats actuels, combien de personnes n’entendons-nous pas dire :

« Il faut quitter l’Europe: c’est un système corrompus et qui nous asservis. Revenons aux francs! »

Soyons cyniques et froids une seconde et posons-nous cette question: que vaut le franc aujourd’hui face à un dollar que tout le monde désire? Qu’on veuille l’entendre ou non: la seule monnaie qui s’oppose comme un potentiel concurrent direct du dollar, c’est l’euro. L’Europe, c’est aussi l’idéal d’amitié entre les peuples; peuples qui se sont déchirés des centaines d’années sur leur atome de boue. Enfin, c’est la France elle-même qui, de sa propre souveraineté, a rejoint l’Europe. Afin que ce marché commun puisse fonctionner juridiquement, c’est par sa propre souveraineté qu’elle a accepté de se soumettre aux lois européennes et à la Cour Européenne des Droits de l’Homme. À tout moment, elle peut en sortir. Elle ne fait qu’obéir aux règles qu’elle s’est imposée elle-même.  Alors, oui, comme toutes institutions ou Etats, l’Europe n’est pas parfaite. C’est un fait: la perfection n’existe pas et l’amélioration devrait toujours être notre cap.

Cela ne s’arrête pas à l’Europe: il y a encore tant d’idées qui passent au moyen de tromperies logiques. Je voyais encore récemment sur Facebook « Croire ou conduire, il faut réfléchir » et cette même personne argumenter que les scientifiques et les philosophes dans ce cas seraient de « la merde« . Sans doute ces scientifiques (comme Einstein, Darwin, Newton, Kepler…) ou philosophes (comme Descartes, Bergson, Platon, Kant…) qui ne dénigrent pas la possibilité de quelque chose de divin sont des idiots? Le concept de Dieu est comme celui de vivre dans une simulation informatique: basiquement improuvable mais tout aussi irréfutable.

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On ne peut apporter de preuves à l’un comme pour l’autre. Il faut montrer de la tolérance vis à vis des convictions de chacun puisque, dans un cas comme dans l’autre, il y a un fond de rationalité.

J’ai encore lu, par exemple, que nous vivions dans une oligarchie et que la France serait comme la République Démocratique du Congo: un état sympathique à l’image de la Corée du Nord. Étymologiquement: l’oligarchie, c’est lorsqu’un nombre réduit de personnes décident des lois.

Imaginez, pour cela, la République Romaine à ses débuts et ses deux magistrats édictant les lois. On est, tout de même, loin de cela en France avec notre Parlement… La critique la plus juste serait de dire que nous sommes dans une sorte de « démocratie aristocratique » avec des élites intellectuelles qui décident des lois. Certains voudront me dire: « oui mais on n’est pas littéralement dans une vraie démocratie où tout le monde il exerce le pouvoir et tout le monde il est gentil!« . Vous avez raison et nous ne le seront jamais: la démocratie est presque une utopie et ne pourrait fonctionner que dans des états minuscules voire des cités-états… et encore! Relisez Rousseau à ce propos. La démocratie représentative a été inventée pour pallier ce problème de l’exercice du pouvoir et des compétences.
C’est un système qui a ses défauts, c’est un fait, mais il y a un gouffre entre dire qu’il peut être amélioré pour le rendre plus démocratique et dire qu’il n’est pas démocratique.

Je pourrais continuer ainsi, décrivant les différentes formes de la maladie; de gens qui justifient leurs haines ou proposent des solutions miracles. Cela serait inutile. L’important plutôt est de se demander quel traitement suivre en cas d’infection? De quel vaccin se saisir?

On a souvent opposé la philosophie et le sophisme. Elle en est l’un des meilleurs antidotes: elle aura comme tâche de vous libérer des illusions et vous apprendre à douter. Pas à douter de tout comme si tout n’était que tromperie.

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Non : vous apprendre à douter de choses sur lesquelles vous pensez n’avoir aucun à-priori. Elle s’engage à vous débarrasser de vos illusions et autres préjugés. Mais il existe bien des remèdes autres que la philosophie comme il existe plusieurs branches de médecines parallèles. Par exemple? Je vous recommanderais, tout simplement cette phrase: lisez!

Documentez-vous! Forgez-vous votre propre avis! Ayez toujours à l’esprit cette maxime: « qui n’entend qu’une cloche n’entend qu’un son ! » Méfiez-vous des discours creux, vides et vous promettant monts et merveilles sans vous les prouver rationnellement. Soyez curieux. Voilà comment vous vous soignerez du sophisme, maladie qui n’est point incurable.

Ambroise G.

Un blog du réseau EFJ