La vente au kilo d’Emmaüs

« Allez faut profiter mesdames ! » clame une vendeuse d’Emmaüs. Ce matin c’est l’heure des affaires à la boutique porte de Montreuil. En effet depuis mardi se déroule la vente au kilo. Pour 10 euros on peut acheter un kilo de produits aussi bien des vêtements, chaussures, livres, cd et jouets. Une véritable affaire pour les plus aisés, et rentable pour les plus démunis. C’est dans un quartier du XXème arrondissement de Paris à la croisée du boulevard Davout que se trouve cette boutique.

Situé au pied d’un immeuble elle s’étend sur quelques mètres où l’on peut y lire l’effigie Emmaüs. Les vitrines contournées par des murets bleus nous dévoilent l’envers du décor. Un véritable bric à brac semble s’étaler à travers.                                                                                     

A l’intérieur du magasin, clients et vendeurs se promènent entre les différentes allées. Des étales de chaussures et de sacs prédominent l’entrée où des mains pressées partent à la recherche de la perle rare pendant qu’un transistor fait résonner la radio. Sur la droite sont disposé des vêtements hommes : un petit écriteau affiche la liste des prix. Pour trois fois rien, le client peut se refaire une garde robe. «Emmaüs est une association dont l’objectif est de permettre aux plus démunis d’acheter des habits de qualité et de marques pour très peu » explique la gérante du magasin.

Emmaüs vente kilo

Cette semaine avec la vente au kilo c’est encore plus intéressant. « Un pull qui vaut 7 euros vaudra 1 euro 50 avec la vente » poursuit la gérante. «ça, je viens de lui peser ça lui a couté 3 euros 50 » renchérit une vendeuse. L’expérience a débuté il y a deux ans lorsque la boutique a changé ses produits en vendant de plus en plus de prêt à porter. Au début ce n’était que de la vaisselle et des produits pour la maison. Maintenant il y a spécialement une boutique pour la vaisselle un peu plus haut au 121, boulevard Davout. Aujourd’hui ce sont les vêtements qui dominent dans le magasin et son succès auprès de la clientèle a permis de débuter les ventes mensuelles au kilo. « Chaque début de mois du mardi au samedi on fait une vente au kilo » indique la patronne.

Au milieu du magasin, une cliente essaye des chaussures près des étales entre les vêtements femmes. Plus à gauche c’est le rayon enfants. On pourrait penser qu’il s’agit d’un vieux bazar où s’entasse des fringues en tout genre vintages et rétro, assimilable à une friperie. Mais la gérante de la boutique reste à cheval sur certains principes « Les vêtements que l’on vend ici nous vienne de dons mais cela peut être aussi des fins de série des invendus de boutiques, c’est pour cela qu’on peut très bien y trouver des vêtements neufs » et souligne « Tous nos vêtements qu’ils soient neufs ou usagés sont lavés avant d’être vendus».                               

En flânant un peu plus, sont disposés dans une étagère, livres, cd, vinyles et dvd. Derrière les étalages, une femme est occupée entre les différents choix d’habits que sa fille essaye dans une cabine. Les pas des clients trépassent et s’arrêtent entre les allées, les langues et les couleurs se mélangent pour ne former qu’un brouhaha chaleureux. Les vendeurs quant à eux se mêlent aux clients. «Ce sont des salariés en insertion, on ne fait pas de bénévolats. » précise la gérante. Pendant que certains rangent des stocks d’autres encouragent les clients à essayer un habit, une relation de partage semble s’établir.

On voit apparaître aujourd’hui un changement de clientèle. « Ces vêtements sont destinés à ceux qui n’ont pas beaucoup d’argent mais aujourd’hui de plus en plus d’étudiants viennent, c’est une véritable nouvelle clientèle ! C’est peut-être le côté rétro de certains vêtements qui les attire » s’amuse la gérante.                                                                                 

La boutique Emmaüs est de plus en plus visible grâce à son site et le succès de sa vente au kilo mensuelle n’est sûrement pas sans lien. «C’est pour cela que les gens sont au courant j’imagine » en conclu la patronne. Des étudiantes sortent de la boutique, une l’air ravie explique sa venue « j’ai entendu parler de la vente au kilo sur le site le bonbon.com, c’est la première fois que je viens » puis une autre continue « Une amie m’avait parlé de cette boutique, c’est la première fois que j’y vais, histoire de repérer les bonnes affaires. C’est vraiment sympa ! ». 

L’endroit semble animé par une belle atmosphère en cette matinée : entre chaleur humaine et partage. Les habitués ou amis des vendeurs viennent faire un tour et claquer une bise ou deux pendant qu’une cliente règle son kilo à la caisse. L’affaire est dans le sac !

Article réalisé dans le cadre de mes cours d’écriture journalistique en Novembre 2015.

Propos recueillis à la boutique Emmaüs, Porte de Montreuil Paris XXème.

Un artifice d’envergure.

« Parce que l’expression artistique contribue à éveiller les esprits, la Fondation EDF a souhaité donner un éclairage particulier au grand débat de cette fin d’année 2015 sur les enjeux climatiques.» résume Jean-Bernard Levy (PDG du groupe) sur son exposition du moment: Climats Artificiels. Alors que ce mois de novembre voit débuter la COP21, la fondation expose des oeuvres retraçant les conséquences du réchauffement climatique. Un événement artistique à la fois actuel et engagé où des artistes tentent d’exprimer de manière poétique et métaphorique une réalité inquiétante.

 C’est sur un joli passage à l’intersection de la rue de Sèvres, dans le VIIème arrondissement parisien que se trouve la Fondation EDF. Avant de passer la porte telle une mise en bouche, une légère fumée se libère doucement d’une voie d’aération. On est prévenu, des choses artificielles s’y cachent derrière.

L’équilibre précaire. Dès l’entrée une atmosphère particulière semble émaner du lieu. Le spectateur se retrouve bercé dans un univers calme et lumineux. Peut-être es ce le blanc des murs, la lumière qui domine ou le calme demeurant. Seulement c’est une illusion de croire qu’il s’agit d’une exposition comme les autres. En tendant un peu l’oreille, des bruits se font entendre. De l’eau semble couler comme la pluie qui tombe sur le bitume. L’exposition débute avec « L’équilibre précaire » – nom donné à l’environnement de l’ensemble des œuvres du rez-de-chaussée – traduisant l’équilibre environnemental incertain que connaît notre société. On y rencontre certains aspects des conséquences du réchauffement climatique comme la fonte de la glace. Concrétisation de l’artiste Cécile Beau nous présente l’installation d’un bloc de glace qui s’effondre peu à peu, laissant au sol des débris assimilables à des grains de sels. Une femme explique à son amie que ce n’est pas du sel mais le résultat de la fonte de la glace. L’élément aquatique est très présent. En effet, plus loin une projection vidéo de l’artiste Ange Leccia met en avant le mouvement d’une vague qui se fait et se défait. Ce mouvement immuable met en perspective l’écume de la vague. 

Ange Leccia, La Mer Source photo : http://la-selection-de-zoe.com/2016/01/29/climats-artificiels-une-vision-contemporaine-et-metaphorique-des-enjeux-climatiques/
La Mer, Ange Leccia
Source photo : http://la-selection-de-zoe.com/2016/01/29/climats-artificiels-une-vision-contemporaine-et-metaphorique-des-enjeux-climatiques/

La présence de l’eau se fait de plus en plus entendre. Il s’agit de l’œuvre Kyklos de Charlotte Charbonnel, où s’observe le mouvement de l’eau à l’intérieur d’une structure en inox. Une pompe hydraulique laisse l’eau se disperser.        

La terre n’est pas très loin du burn out semble vouloir nous prévenir l’artiste Stéphane Sautour. En réalisant à l’encre de chine une diptyque représentant notre planète. L’une quelque peu flou et l’autre totalement, il témoigne certainement de la montée des eaux sur les continents. Métaphore dénonçant sans aucun doute un certain burn out environnemental.

Burn out, Stéphane Sautour Source photo: http://slash-paris.com/

La cohérence des oeuvres amène ensuite le spectateur face à la métamorphose de certains éléments naturels. Présages de H.Berrada traite justement de ces métamorphoses naturelles et mutations auxquelles notre planète serait ou est déjà sujette. Par le biais de prototypes, l’artiste réalise dans des aquariums certaines mutations possibles. L’inquiétude et l’intérêt commencent à faire réfléchir l’amateur artistique. « Il y a des oeuvres vraiment variées, toujours cohérentes, ça fait un peu comme pleins d’échantillons qui témoigneraient des changements et des réactions.» commente une étudiante en art.

Descente aux Abîmes. Modestement appelée « catastrophes ordinaires »  cette deuxième étape de l’exposition fait froid dans le dos. C’est « une rêverie cauchemardesque autour des phénomènes dont l’origine naturelle ou artificielle est indistincte. »  définit le communiqué de presse de la fondation. Après un premier passage dans un état climatique quelque peu stable, la descente des escaliers vers le sous-sol est semblable à celle des enfers. Changement de décor : Entre bruitages inquiétants et atmosphère nébuleuse. La présence d’un  néon blanc en forme d’éclair, orchestré par un bruit orageux – une installation de l’artiste Cécile Beau – semble être une invitation dans l’obscurantisme d’un état climatique perturbé. Plusieurs pièces s’ouvrent ainsi au spectateur dans le noir complet. La projection vidéo Sillages par exemple – des artistes Cécile Beau et Nicolas Montgermont – rejoue un tremblement de terre en utilisant l’enregistrement d’ondes sismiques. Dans une autre pièce, Champs d’Ozone représente le ciel parisien immergé par une nappe nuageuse. Les artistes ont exploité des données sur la qualité de l’air et les ont  transposé dans leur environnement naturel (le ciel de Paris) pour atteindre ce résultat. Cela amène à une certaine réflexion du spectateur sur les codes de reconnaissance de la pollution.

HeHe, Champs d'Ozone
HeHe, Champs d’Ozone

Retour vers le ciel. Pour finir, la dernière étape de l’exposition amène au premier étage. La lumière revient, laissant de côté nos inquiétudes ressenties au sous-sol. L’étage présente cette fois-ci les prototypes d’un nouveau monde artificiel. Des tableaux représentent par exemple la tour Eiffel ou l’Opéra Garnier recouverts de verdure et peuplés d’animaux. « C’est un peu grossier » fait remarquer un étudiant en Arts.

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Village Green

Au centre de l’étage des « villages green » pendent au plafond, il s’agit de biosphères autonomes de verdures. Le spectateur peut y insérer sa tête à l’intérieur, tel un clin d’œil sur la relation de l’Homme à la nature et son besoin de la contrôler. Enfin la fameuse installation de Tetsuo Kondo Cloudscapes, littéralement le nuage. Une nappe de fumée enfermée dans une grande boîte en verre donne l’illusion d’entrer à l’intérieur d’un nuage. « Certaines œuvres ont un côté « ludique ». Comme la boîte de verre où on entre dans un nuage, ou les installations avec des plantes dans lesquelles on peut insérer nos têtes et se retrouver dans la boîte avec la végétation autour de nous à quelques centimètres.» commente une élève en arts plastiques. Le spectateur se retrouve alors acteur où une véritable interaction entre l’œuvre et son destinataire s’établit. En effet après s’être engouffré dans le nuage, une sensation d’étouffement et de chaleur gagne le spectateur tel un effet d’altitude. L’exposition va ainsi plus loin qu’un simple regard artistique.                                                 

Sky Tv, Yoko Ono

Pour terminer, la chaîne Sky TV de Yoko Ono diffuse l’enregistrement du ciel en temps réel retranscrit sur un moniteur, afin que le spectateur puisse le voir de manière intérieure et extérieure. Un poste de télé mais aussi une fenêtre à ciel ouvert semble vouloir comparer l’artiste. Aujourd’hui la Sky TV traverserait le ciel blanc de Pékin. La pollution y est si dense qu’elle cache les couleurs du ciel. « Observer attentivement c’est déjà changer le monde » souligne justement la fondation EDF.

Article réalisé dans le cadre de mes cours d’écriture journalistique en Novembre 2015.