TRANSCRIPT DU REPORTAGE

Des gestes simples, une mécanique bien rodée, des paroles rassurantes mais également des situations d’urgence et de stress. De la théorie au dialogue, en passant bien sûr par la science de la pratique, les internes en gynécologie-obstétrique sont aujourd’hui confrontés à l’apprentissage de tous les aspects du métier. 

C’est cet apprentissage qui est aujourd’hui remis en question.

Tout démarre en janvier dernier quand un document du CHU de Lyon fuite sur le net. Dans ce texte, on impose à l’interne de pratiquer un certain nombre d’actes médicaux sur patient endormi au bloc opératoire. Parmi ces gestes : les touchers rectaux ou vaginaux. De quoi enflammer la toile et les internautes…

Guy Vallancien revient sur la formation plus tactile de la vieille école. « Au blog opératoire, le chirurgien parfois, nous montrait exactement comment la tumeur pouvait-être fixée ou pas au petit-bassin grâce à un toucher qui pouvait-être effectué sous anesthésie. En palpant avec la main dans le vagin ou le rectum, on pouvait savoir si on allait extirper ou pas la tumeur. C’était la base de la médecine, ça nous permettait d’apprendre ».

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Pour les gynécologues aguerris, la réaction des internautes est démesurée.

Guy Vallancien : « Le toucher pelvien fait parti de l’examen clinique. Je ne vais pas demander à la personne si je vais lui toucher la joue, le ventre ou le sein. On arrive à n’importe quoi, à ce moment là ne faisons plus de médecine et passons à des instruments qui vont nous remplacer. Je trouve cela scandaleux ! »

Cette indignation touche aussi les médecins en devenir. Connu sous le pseudo de Vie de Carabin, un interne en gynécologie de 26 ans illustre son expérience. Il a souhaité garder l’anonymat.

Vie de Carabin : « Je trouve assez déplorable que l’on ait déformé ce sujet de consentement au bloc opératoire. Je me suis posé la question, pourquoi cela choque t-il les patients mais pas les médecins ? Il y a le côté sexuel de la chose, les patients ont peut-être peur d’un chirurgien pervers qui abuse de ses patients par fantasme. Je tiens à vous rassurer, les corps nus, cela nous fait plus rien depuis longtemps ».

Et pourtant, bien que purement médicales, ces pratiques parfois considérées comme une agression sexiste contraires à l’éthique.

Depuis la loi Kouchner de 2002 et l’intervention des pouvoirs publics, le patient est acteur de ses propres soins.

Maitre Marion Mourand : « La médecine se pratique sur le corps humain, or le corps humain est une valeur qui est fondamentale, qui est protégée avant tout par le code civil dans son article 16.3 qui nous rappelle que l’on ne peut pas porter atteinte à l’intégrité physique d’un individu, que le corps est protégé. Un médecin qui intervient sur le corps humain doit donc s’assurer de deux choses : du consentement du patient et de la nécessitée médicale du geste qu’il va pratiquer ».

Les touchers vaginaux ou rectaux non consentis sont donc punis par la loi.

Maitre Marion Mourand :« Introduire un doigt ou un objet dans le corps d’un individu qui n’a pas consenti, s’analyse sur le plan du droit pénal, en agression sexuelle voir en viol. Ce n’est pas parce que l’on est pris en charge dans un CHU que l’on donne tacitement à l’entrée, un accord à toutes formes d’examens cliniques qui seraient utiles à la formation du praticien ».

Selon un rapport remis à la ministre de la santé, par les doyens de la faculté de médecine, 30% des touchers pelviens réalisés sous anesthésie générale sont non consentis. Pour y mettre un terme, Marisol Touraine a notamment annoncé la création d’ici deux ans, d’un centre de simulation par université. Certains ont déjà pris les devants. A Paris, à la faculté de médecine, des étudiants s’exercent déjà sur des patients virtuels, depuis 5 ans.

Marie-Charlotte Lamau : « La difficulté principale de la gynécologie dans l’apprentissage des actes médicaux, c’est que l’on entre dans l’intimité de la personne. Pour cela, l’étudiant doit-être à l’aise. En gynécologie, on leur explique comment réaliser un toucher vaginal, comment poser un spéculum ou faire un frottis cervico-vaginal, le dépistage de lésions mammaires bénignes ou malignes. Sur le versent obstétrical, on leur explique comment un col se dilate et comment réaliser l’examen gynécologique en cours de travail et les différents temps de l’accouchement ».

Claire-Marie, une externe en 5ème année : « Dans nos services respectifs, on a cette chance d’avoir un encadrement qui nous permet une bonne prise en charge. »

Inspirés des simulateurs de vol en aéronautique, des mannequins de haute fidélité ont également investi la plateforme. Grâce à la simulation, les élèves peuvent recommencer des gestes invasifs et s’entrainer a volonté dans des conditions sécurisées et chaperonnées.   

Antoine Tesnière, Co-fondateur du département de simulation et anesthésiste : « Les avantages sont multiples. D’abord la possibilité de pratiquer sans risque pour un patient, dans des conditions quasi-réalistes puisque les mannequins reproduisent l’anatomie, les sons, le palpé, parfois l’échographie aussi ».

L’apprentissage par simulation a des limites.

En plus du coût de 72000 euros par mannequins, il faut arriver à dégager les professionnels de santé de leurs obligations. Une formation qui reste d’ailleurs imparfaite. 

Guy Vallancien : « On ne remplacera jamais l’examen clinique. Et ce n’est pas sur un mannequin qui n’a pas mal que l’on apprendra à faire des touchers vaginaux qui ne sont pas douloureux. »

Il n’existe aujourd’hui qu’une vingtaine de centres de simulation inégalement répartis en France. Malgré la croissance de cet apprentissage, les internes auront toujours besoin d’être confrontés à l’humain lors de leurs études.

Et pratiquer des actes sur mannequins se fera toujours, sans leur consentement… 

"Notre métier n'est pas de faire plaisir, non plus que de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie". Albert Londres