Interview : Alizée Szwarc

« On fonctionne comme une start-up »

 

Directrice de la communication chez A Nous Paris, Alizée Szwarc nous fait part de son parcours et de son point de vue concernant l’avenir du magazine. Changements, vision d’avenir et imagination sont de mise.

Comment décrirais-tu la situation d’A Nous Paris aujourd’hui ?

Bien différente de celle que j’ai connue lorsque je suis arrivée en stage en 2008. A cette époque c’était le début de ce que l’on appelait la « marque média ». Le monde des médias changeait et je pense que la direction s’était aperçue qu’il y avait d’autres leviers de développement que la publicité traditionnelle. Du coup, certains médias se diversifiaient un peu et se lançaient dans d’autres métiers comme l’évènementiel. Ce qu’on a d’ailleurs beaucoup développé et qui est une de nos forces aujourd’hui. A l’époque où A Nous Paris s’est lancé, il y avait un créneau à prendre dans le domaine de la presse gratuite et aujourd’hui avec la concurrence, internet ou encore les pure Player, nous avons dû nous adapter. Maintenant nous devons trouver un nouveau modèle économique et assurer une présence sur le web sur tous les devices (ordinateurs, tablettes, smartphones), tout en sachant que la pub sur internet ne se vend pas cher du tout. C’est d’ailleurs pour cette raison que les équipes médias sont de plus en plus réduites. A la rédaction, l’équipe est aujourd’hui tellement petite que l’on fonctionne comme une start-up. Tout en recherchant des bonnes idées pour optimiser la marque.

Et tu en as des idées ?

Plein ! Déjà, lorsqu’on a eu le nouveau site internet, j’ai dû mettre en place ce que l’on appelle « la conduite du changement », c’est-à-dire former toute l’équipe aux nouveaux usages du web. Que ce soit dans la communication, la rédaction ou même dans le domaine commercial. Ensuite, je pense qu’à l’avenir, il faudrait avoir de plus en plus de contenus qui soient vraiment dédiés au site internet, plus fournis, plus adaptés aux réseaux sociaux car c’est un gros levier d’acquisition. Mais au-delà de tout ça, je pense qu’A Nous Paris a besoin d’une vraie prise de parole que nous n’avons pas eue depuis longtemps, faute de moyen. Par exemple faire une campagne de notoriété car la marque n’est plus aussi branchée qu’avant. Aujourd’hui lorsqu’on dit « A Nous Paris » on est catalogués comme étant le magazine du métro et c’est tout. Donc il faut réussir à reprendre la parole et communiquer sur la marque en tant que producteurs de contenus, organisateurs de soirées, et de choses sympas à faire à Paris.

Est-ce qu’il y aurait des changements à faire dans la presse web selon toi ?

Il y déjà eu plusieurs phases de changement qui avaient un lien avec la mise en page ou l’optimisation des visuels. Maintenant, comme le digital n’est pas si vieux que ça, les gens sont toujours en train d’en apprendre le fonctionnement. Pour moi, il y a des usages à améliorer, une manière d’approcher les lecteurs. Cela passe par le digital mais également par la réalité car à un moment donné on va être tellement saturés de publicités et de contenus, qu’ils vont faire une sélection. C’est pour ça que j’ai envie de travailler, dans les mois à venir, sur des évènement récurrents que nous organiserions pour que les lecteurs se rencontrent et comprennent notre marque.

Penses-tu que l’avenir des gratuits soit compromis par les smartphones ?

Vaste question. Dans le métro que reste-il ? Stylist qui est distribué à l’entrée, les gratuits du groupe Boloré (Direct Matin, Direct Soir) et A Nous Paris. La 3G ou 4G n’est pas encore installée dans le métro donc pour l’instant ces magazines ont un peu de temps devant eux. Mais le jour où elle y sera installée, là il y aura un soucis. C’est pour ça qu’il faut vraiment faire un travail sur la marque pour qu’A Nous Paris  soit un réflexe de sortie et pas seulement le magazine gratuit pour passer le temps dans le métro. Le but étant que nous développions bien notre site pour qu’A Nous Paris deviennent un magazine digital.

Le point fort d’A Nous Paris ?

Notre fidélité. On est tous très attachés au titre. Par exemple, j’étais lectrice avant d’y travailler et beaucoup d’entre nous sont dans ce cas. Notre équipe est soudée et cette entente nous offre une réelle qualité de travail et de vie. Pour être tout à fait sincère, j’aurais du mal à trouver un endroit qui me plait autant.

Et les avantages ?

Franchement il y en a plein. Je connais Paris comme ma poche, je suis au courant de tous les évènement et tendances avant tout le monde et surtout je peux faire des sorties culturelles ou musicales gratuitement. Et dans une ville où chaque sortie coûte plus ou moins cher, c’est un véritable cadeau.

Est-ce qu’il faut adapter A Nous Paris à l’information d’aujourd’hui ?

Oui et à plusieurs niveaux. Tout d’abord la maquette. Nous avons eu plusieurs formules en 2008 et  2014 et nous en ferons certainement une autre l’année prochaine. Parce que les codes du design et les tendances évoluent très vite. Notre maquette, aujourd’hui, est moderne et efficace mais il est clair qu’il faudra changer un peu le contenu et l’aspect visuel. Après je n’aime pas tomber dans la facilité. C’est-à-dire que certains city-guide, comme nous, vont avoir des rubriques marronniers qui marchent très bien mais qui sont reprises par la presse entière et qui n’ont plus grand intérêt au final. Pour moi il faut se diriger vers les choses qui fonctionnent mais il faut toujours que ça ai un lien avec notre ligne éditoriale.

Tout le monde chante les louanges du digital, mais y a-t-il des côtés qui te déplaisent ?

Etonnement oui. Ça pourrait être bizarre étant donné que c’est mon travail mais il y a vraiment certains aspects qui me révulsent. Par exemple l’engouement de certaines personnes pour des choses complètement futiles. Les marques et les médias vont s’en servir et exacerber encore plus ce côté fictif. Ça s’appelle l’effet Bandwagon. On ne nous dit pas ce qu’il faut penser mais on nous dit ce à quoi il faut penser. Et avec les médias et les réseaux sociaux c’est encore pire. Il y a des choses très graves qui se passent tous les jours mais personnes n’en parle parce que ce n’est pas glamour. Comme tout le monde est réuni sur un même espace qui permet une prise de parole continue, on nous abreuve avec des sujets inutiles et on va prendre la parole dessus. Et c’est ça qui est très compliqué, c’est que je rejette une part du digital parce que je n’en conçoit pas les usages mais en même temps je suis consciente qu’il faut pouvoir les utiliser à bon escient pour la communication des marques. Je pense qu’avec le temps on va avoir une vie digitale et une vie réelle.

Propos recueillis par Juliette Marchais