Souffle intemporel dans le Passage

Dans la rue de Montmartre bifurque une insolite petite allée. Le charme du passage des Panoramas et de  ses commerces presque d’époque, semble ne pas connaitre de péremption.

La flânerie sommeille encore. Il est 9h30 en ce mercredi matin de novembre, et les promeneurs ne daignent pas encore pointer le bout de leur nez. Les commerçants sont à leurs postes, mais le passage semble démuni de ses visiteurs.

Pourtant, les candélabres qui ornementent les parois de l’avenue sont tous allumés. Ils pointent à toutes les vitrines, d’une lumière orangée, tamisée, qui interpelle tout de suite l’oeil du passant.

Les enseignes éclairées des commerces du passage, offrent une superbe harmonie lumineuse et colorée… L’atmosphère est très singulière…

Un livreur de fruits et légumes entame sa traversée. Il est au coeur de toutes les attentions portant à bout de bras un sac rempli d’oignons, et un autre de pommes de Terre. Il porte une polaire grise, sur laquelle est inscrit :  « François a la patate ! »

A l’entrée du chenal, la rue Montmartre. Une très longue artère, polluée par les vrombissements assourdissants des deux roues, des camions et des voitures. Ils s’accompagnent du remugle abject provoqué par la pluie sur le bitume.

Heureusement, la flânerie est couverte. Un somptueux toit composé de plaques de verre, façon artisanale, protège le passage de la pluie. La petite crêperie à l’entrée, et ses délicieux parfums protège elle, des effluves qui s’échappent de la rue Montmartre.

Les restaurateurs commencent à dresser les tables en terrasse. Il est 10H, la journée commence pour les serveurs qui se pressent de sortir les chaises. En passant d’un bout à l’autre du tunnel, on se rend compte des multiples variétés culinaires qui sont proposées dans le passage des panoramas. Cuisine marocaine, italienne, bretonne ou tout simplement française.

Les cartes volontairement dressées sur les façades ou les présentoirs des brasseries mettent l’eau à la bouche… Particulièrement celle du Caffe Stern. Le cahier est composée de deux planches de métal plaquées or, majestueusement placées sur un pupitre, doré lui aussi.

A l’intérieur, le nom des plats est écrit en Italien. La suavité de la langue transporte le marcheur dans les cuisines italiennes.

Dans les vitrines du bistrot, des loups empaillés sont installés en guise de décoration. De magnifiques bêtes au poil impeccable. Des colliers de diamants parent leur cou. Impérieux, ils dominent indéniablement le sentier.

En face, se tient le restaurant Noglu, qui fait aussi office d’épicerie. La vitrine du commerce donne directement sur la cuisine. Le chef, un jeune homme d’à peu près trente ans, prépare son saumon. Sur une grande planche en bois, il allonge le poisson et l’émince d’un bout à l’autre avec un énorme couteau. Pendant ce temps, le serveur lui apporte une bassine remplie de pommes de terre découpées en frite. Elles baignent dans l’eau pour éviter qu’elles ne noircissent. Il est onze heures, le service ne devrait pas tarder…

Collée au restaurant, une toute petite boutique expose, sur un étalage, des milliers de cartes postales anciennes. Bien triées par catégories de régions, elles remontent parfois deux siècles en arrière. Certaines sont vierges, mais la plupart sont déjà bien remplies. Beaucoup d’entre elles sont illisibles, mais il n’est pas impossible de déchiffrer des messages écrits cent ans plus tôt. Des lettres d’anniversaires, ou bien des voeux pour la nouvelle année…

Autour de ce magasin exigu, d’autres échoppes se partagent la clientèle passionnée de timbres. Ils sont peut-être six en tout dans le passage, à se disputer le marché philatélique. En vitrine, des timbres ou bien des cahiers de collection sont présentés. Des pièces également, ainsi que des sceaux datant des siècles anciens pointent sur les étagères des devantures. A l’intérieur, ça sent le livre ancien. Ce parfum si fort qui rappelle les bibliothèques, et les vieilles quincailleries.

Une atmosphère qui sort complètement les badauds de l’ambiance parisienne quotidienne. Dans le passage, Paris n’a ni la même odeur, ni le même visage. Le temps semble complètement décalé. Ainsi l’heure, la saison ou bien l’époque sont presque impossibles à deviner une fois enfoui  dans le tunnel…

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