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Je suis en Bac+5 et je vis avec 922 euros par mois

 APRÈS AVOIR DÉCROCHÉ SON MASTER, ALICE DÉCROCHE UN EMPLOI À MI-TEMPS DANS SON DOMAINE. ELLE RACONTE SES GALÈRES FINANCIÈRES ET LA QUEUE AUX RESTOS DU CŒUR, PENDANT LES MOIS DE GROSSES GALÈRES. 

Je m’appelle Alice, j’ai 28 ans. Après mon master en management de projets culturels, j’ai réussi au bout de quelques mois à trouver un emploi correspondant à ma formation. Je travaille comme chargée de communication en CAE à mi-temps, pour un salaire de 652,36 € par mois.

Je m’estime chanceuse d’avoir trouvé ce travail. Malgré tout, impossible de vivre avec ce seul revenu. J’ai vite commencé la lutte pour obtenir les aides sociales. Et vraiment, c’est un parcours du combattant.

Pour obtenir la CMU [Couverture maladie universelle], il faut présenter ses revenus, sur les 12 derniers mois. Un dossier plutôt conséquent avec toutes les fiches de paye de tous les petits jobs en contrat hebdomadaires. Sur un an, j’ai été animatrice dans diverses structures, distributrice de tracts, vendeuse ambulante, surveillante dans un collège, hôtesse d’accueil… et enfin chargée de com’.

J’ai pu obtenir le RSA [Revenu de solidarité active] pour environ 270 € par mois. Mais je n’ai pas eu droit aux APL [Aide personnalisée au logement], car mes parents m’ont aidé financièrement durant mes études, ce qui est compté par la CAF comme un revenu.

Bilan, chaque mois, j’ai 922 € qui entrent sur mon compte en banque.

922 euros de revenus, pour 692 € de charges

Le problème, c’est qu’avant que le mois commence, je sais déjà que la fin du mois sera compliquée. D’abord, il y a le loyer. À la fin de mes études, j’ai quitté Paris pour des raisons financières. Du coup, mon loyer n’est « que » de 300 € par mois.

Ensuite, grâce au tarif solidarité (merci le RSA), je ne paye que 30 € d’électricité et 30 € de gaz de ville par mois. L’abonnement internet est aussi à 30 €. Ma facture de téléphone portable est de 20 €. Les assurances habitation et auto, pour 57 €.
«  Il me reste 230 € pour les dépenses ordinaires. Au quotidien, je croise les doigts pour qu’il n’y ait pas un imprévu »

 

Dernier gros poste de dépenses, les transports. Mon travail se trouve à 65 kms de chez moi, soit 130 kms aller-retours, ce qui me revient à environ 225 € de carburant par mois, et pas d’aide à la mobilité possible.

Total : 692 € de charges. Ça pèse. Il me reste 230 € pour les dépenses ordinaires. Au quotidien, je croise les doigts pour qu’il n’y ait pas un imprévu : un appareil électroménager qui lâche, un rappel de facture EDF. J’évite les sorties. J’ai arrêté tout ce qui est cinéma, bars, restos…

Pendant un an, j’ai dû aller aux Restos du Cœur, car il m’était impossible d’aller faire les courses, seulement les dépenses d’hygiène et les compléments nécessaires en plus des colis alimentaires.

Mes parents, mon frère et mes amis aussi m’ont aidée. Mais je sais qu’une partie de ma famille ne comprend pas trop comment avec un bac + 5 on peut se retrouver dans cette situation de galérien.

Je ne rentre dans aucune case

«  L’assistante sociale comprenait bien mon problème, voyait bien que j’avais besoin d’aide, mais elle s’est excusée… Je ne rentrais dans aucune case. » 

Pour l’anecdote, après un énième rendez-vous à la CAF, je me suis effondrée devant la conseillère, parce que j’étais asphyxiée financièrement et que je ne voyais pas de solution — à part quitter définitivement mon emploi pour bénéficier de plus, ce que je ne voulais évidemment pas faire.

On m’a redirigé vers une assistante sociale de la mairie. Elle comprenait bien mon problème, voyait bien que j’avais besoin d’aide, mais elle s’est excusée… Je ne rentrais dans aucune case.

 

Propos recueillis par Justine Benassaya